La 27e Conférence des Parties (COP 27) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se tiendra à Charm-el-Cheikh (Égypte) du 6 au 19 novembre. Dans un contexte géopolitique particulièrement tendu, cette conférence devrait être centrée sur les principales demandes émanant du continent africain et des pays les plus vulnérables aux impacts climatiques : financement, adaptation et pertes et dommages.

La COP 27 est façonnée, plus que d'autres, par les actuels rapports de force géopolitiques. Si la COP 26 à Glasgow a été marquée par le soulagement général de voir l'administration Biden réintégrer l'accord de Paris sur le climat et sa coopération stratégique avec la Chine sur les questions climatiques, le contraste ne pourrait être plus grand un an plus tard. La Chine a rompu le dialogue avec les États-Unis sur les questions militaires et climatiques lors d'une visite officielle à Taïwan cet été, et a intensifié sa rhétorique sur la responsabilité historique des États-Unis et leur manque de crédibilité en matière de climat. L'Union européenne (UE) cherche à se sevrer rapidement des combustibles fossiles de la Russie à la suite de la guerre de Poutine en Ukraine, provoquant à la fois une ruée vers les économies d'énergie et une intensification des objectifs en matière d'efficacité et d'énergies renouvelables à moyen terme, et une ruée vers le gaz à court terme. Cette dernière contribue aux prix élevés de l'énergie et à l'inflation au niveau mondial, et alimente les accusations d'hypocrisie.

En termes de processus, la conférence de Charm-el-Cheikh pourrait être considérée comme une COP « de transition ». La présidence égyptienne n'est pas censée avancer sur les étapes « formelles » du mécanisme d'ambition de l'accord de Paris, telles que l'augmentation des engagements des pays à réduire leurs émissions (contributions déterminées au niveau national, ou CDN), comme la COP 26 de Glasgow, ni faire un point d’étape à dimension politique sur les progrès réalisés (connu sous le nom de Bilan mondial, qui se terminera à la COP 28, aux Émirats arabes unis). Les priorités de la présidence de la COP 27 en vue d'un résultat négocié sont donc très révélatrices de l'état d'avancement politique et des progrès, ou du manque de progrès, réalisés depuis Glasgow : i) objectif global d'adaptation, ii) pertes et dommages, iii) et financement du climat, iv) programme de travail sur l'atténuation. Ces éléments sont mis en contexte ci-dessous, et une dernière priorité est ajoutée : v) la redevabilité.

1.    Le financement du climat

Dans un contexte de flambée des prix de l'énergie et des denrées alimentaires, le financement du climat devient un test décisif pour la solidarité internationale. Les pays qui ont exprimé leurs « profonds regrets » lors de la COP 26 pour ne pas avoir réussi à mobiliser les 100 milliards de dollars par an prévus pour le financement du climat ont déçu de nombreux pays en développement. Lors de la COP 27, il s'agira d'éviter que la confiance Nord-Sud ne soit davantage entamée et de veiller à ce que le « plan de mise en œuvre » (Delivery Plan) actualisé, porté par l'Allemagne et le Canada, confère de la crédibilité à la « nouvelle » échéance reportée à 20231 . Les progrès accomplis dans la réalisation de la promesse de la COP 26 de doubler (en termes absolus) le financement de l'adaptation entre 2019 et 2025 seront particulièrement importants pour les pays africains et pèseront lourdement sur le succès de la COP 272 .

Alors que les négociations vont débuter sur un nouvel objectif financier pour l'après-2025, un nouveau dispositif pour débloquer les fonds joue sa crédibilité à la COP 27. Lorsque le Partenariat pour une transition énergétique juste (JET-P), doté de 8,5 milliards de dollars, a été annoncé l'année dernière pour aider l'Afrique du Sud à abandonner le charbon (sous la direction de l'Allemagne, de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Commission européenne), il a été salué comme un moyen prometteur d'accroître le soutien à la transition énergétique dans les grandes économies émergentes en mettant en commun les ressources pour un projet commun. Comme d'autres annonces pourraient suivre, il est essentiel d'accroître la transparence autour de l'accord avec l'Afrique du Sud, de donner des assurances sur son évolution et de préciser quels pays et quels projets pourraient bénéficier d'un soutien à l'avenir, et à quelles conditions.

Au-delà des discussions sur le financement du climat dans le cadre de la CCNUCC se profile le problème plus vaste des immenses besoins financiers des pays les plus touchés économiquement par la pandémie de Covid-19, par les conséquences de la guerre russe en Ukraine et par diverses catastrophes climatiques. Les appels à la réforme du système financier multilatéral afin de fournir une plus grande marge de manœuvre budgétaire et d'assurer la viabilité de la dette gagnent du terrain, notamment de la part de la Première ministre de la Barbade (dans le cadre de l'Agenda de Bridgetown).

2.    Adaptation 

Le programme de travail de Glasgow-Charm-el-Cheikh, d'une durée de deux ans, lancé lors de la COP 26, vise à améliorer la compréhension de l'objectif mondial d'adaptation, en partie en réponse à une demande de longue date des pays africains de lier plus efficacement les niveaux de réchauffement aux impacts climatiques et aux demandes financières. Les progrès sur ce point de l'ordre du jour pourraient se concentrer sur l'identification plus claire des priorités mondiales en matière d'adaptation, mais ils seront également étroitement liés aux progrès perçus en matière de financement climatique.

3.    Pertes et dommages

La COP 26 a mis en place un dialogue de Glasgow de deux ans portant spécifiquement sur le financement des pertes et dommages (L&D) ; le premier dialogue a eu lieu lors des réunions de l'organe subsidiaire de Bonn (juin 2022), et le prochain n'est prévu que pour juin 2023. Alors que la COP 27 n'est qu'à mi-parcours de ce programme de travail, la pression politique est incroyablement élevée pour obtenir déjà i) un point à l'ordre du jour garantissant que les pertes et dommages sont régulièrement discutés dans les négociations, ii) un financement supplémentaire consacré aux pertes et dommages dans le cadre de la Convention de la CCNUCC. Cette pression croissante peut être attribuée à l'écart inquiétant entre les CDN et ce qui est nécessaire pour un monde à 1,5°C, et à l'échec de l'objectif totémique des 100 milliards de dollars de financement climat. Ce n'est pas un hasard si le Pakistan, qui vient d'être frappé par des inondations dévastatrices, a été invité à coprésider la table ronde ministérielle qui ouvrira la COP 27.

La COP 27 doit également se prononcer sur un point beaucoup moins visible : l'adoption des dispositions institutionnelles et financières permettant de rendre opérationnel le Réseau de Santiago sur les pertes et dommages. Créé lors de la COP 25 à Madrid, l'objectif du réseau est de « catalyser l'assistance technique » en mettant en relation les pays en développement vulnérables avec l'assistance technique des organisations, organismes, réseaux et experts concernés.

4.    Atténuation

La synthèse 2022 des CDN soumises est la première à indiquer la possibilité d'un pic des émissions mondiales avant 2030, si les objectifs des gouvernements sont atteints. Et au-delà de ces objectifs, le dernier rapport du PNUE sur le déficit d'atténuation souligne la nécessité de politiques et de mesures plus fortes pour réduire les émissions. Pourtant, la majeure partie des avancées de la COP 26 (tant dans les négociations que dans les coalitions volontaires) ayant porté sur les efforts d'atténuation, ce domaine de l'action climatique se battra cette année pour attirer l'attention des politiques et des médias. La présidence égyptienne concentre ses efforts sur l'atténuation afin d'élaborer un programme de travail visant à « renforcer de toute urgence l'ambition et la mise en œuvre des mesures d'atténuation au cours de cette décennie critique » afin de maintenir l'objectif de 1,5°C en vie. L'objectif implicite du programme de travail est de faire peser sur les économies du G20 la responsabilité de la réduction des émissions, au-delà des cycles quinquennaux de mise à jour des CDN, et il pourrait offrir un espace pour développer la coopération sectorielle. Malgré toutes ces difficultés, la décision d'établir le programme de travail sur l'atténuation est l'un des rares résultats officiellement « mandatés » que la COP 27 devrait obtenir.

Mais le Pacte de Glasgow adopté lors de la COP 26 avait également appelé tous les pays à soumettre des CDN améliorées, raccourcissant de fait le cycle de révision de cinq ans contenu dans l'Accord de Paris. Un an plus tard, seuls quelques pays ont soumis une CDN actualisée4 , dont l'Indonésie et l'Inde, et la plupart d'entre eux étaient des pays qui n'avaient pas respecté le délai initial de la COP 26. Cela montre que le raccourcissement du mécanisme de relèvement de l'ambition, bien qu'il s'agisse d'un signal important, est rarement réalisable en termes pratiques, même si d'autres émetteurs pourraient a minima refléter les engagements pris lors de la COP 26 ou depuis, sans attendre la prochaine échéance de 2025 pour les CDN. Il s'agit par exemple de l'Australie ou de la Chine qui s'engagent à réduire leurs émissions de méthane, ou de l'Union européenne qui adopte le paquet RePowerEU à la suite de la guerre en Ukraine. D'un point de vue européen, il est également utile de rappeler que le Pacte de Glasgow a également appelé à une suppression progressive des subventions « inefficaces » aux combustibles fossiles, quelques mois seulement avant que les pays européens ne dépensent 500 milliards d’euros pour protéger les citoyens et les entreprises de la flambée des prix du gaz et de l'électricité.

5.    Redevabilité

Selon l'Iddri, une cinquième et dernière priorité devrait être la redevabilité, portant sur les progrès et la mise en œuvre par les acteurs étatiques et non étatiques dans le cadre des coalitions annoncées lors de la COP 26, par exemple pour réduire les émissions de méthane (Methane Pledge), financer la protection des forêts (Global Forest Finance Pledge), ou favoriser la coopération technologique (Glasgow Breakthroughs). Les projecteurs seront également braqués sur deux initiatives de premier plan visant à garantir que les entreprises, les investisseurs, les villes et d'autres acteurs non étatiques « tiennent leurs promesses de réduction nette des émissions » :
- Le groupe d'experts de haut niveau des Nations unies sur les engagements zéro émission nette des entités non étatiques publiera ses conclusions, qui mettent notamment l'accent sur l'intégrité environnementale maximale de ces engagements et sur une feuille de route visant à traduire les normes et les critères en réglementations internationales et nationales ;
- L'Organisation internationale de normalisation (ISO) devrait lancer une plateforme internationale pour élaborer des principes directeurs « zéro émission nette ».

Sept ans après l'Accord de Paris, la COP 27 est la première « COP de mise en œuvre » qui ne se penchera pas sur l'adoption des règles de mise en œuvre (Rulebook) de l’accord, mais se concentrera uniquement sur la crédibilité globale des promesses faites. L'accord a été construit pour résister aux pires tempêtes, en mariant un horizon à long terme à un processus dynamique de cycles d'ambition quinquennaux, et en définissant un cadre universel faisant place à la flexibilité. Le contexte économique et géopolitique actuel est l'un de ces tempêtes auxquelles l'accord doit faire face, ce qui met d'autant plus de pression sur tous les acteurs du climat pour qu'ils tiennent leurs promesses. À quelques semaines de la COP15 de la Convention sur la diversité biologique, les résultats de la COP 27 seront un signal clé quant aux progrès réalisés, et réalisables, sur l'agenda mondial du développement durable et la résilience du système multilatéral.