Il y a tout juste un an, la communauté internationale finalisait l’accord visant à assurer la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité dans les zones marines situées au-delà de la juridiction nationale. Après avoir contribué pendant plus d’une décennie aux discussions sur le contenu du traité, l’Iddri s’investit à présent pour son entrée en vigueur rapide et contribue aux efforts vers l’établissement des premières aires marines protégées de haute mer.  

C’était le samedi 4 mars 2023, au siège des Nations unies à New York. Après des années de tractations et à l’issue d’une dernière session « marathon », Réna Lee, la présidente de la conférence intergouvernementale chargée d'élaborer l’accord, déclarait avec soulagement : « Le navire a atteint le rivage ». On célébrait alors un traité qu’on pouvait légitimement qualifier d’historique par son champ d’application – la moitié de notre planète –, sa durée d’élaboration – plus de quinze années en comptant les premières discussions informelles onusiennes – et le contexte géopolitique troublé duquel il a émergé. Depuis, 87 États ont signé l’accord, deux pays (Palau et le Chili) l’ont ratifié et c’est toute la communauté Océan qui se mobilise actuellement pour préparer sa future mise en œuvre à travers, notamment, l’établissement d’un comité préparatoire dont les contours sont en cours de négociation et le développement de programmes de renforcement des capacités. Mobilisé sur ce dossier depuis 2007, l’Iddri s’investit aujourd’hui à la fois dans le soutien à la ratification du traité et dans la future mise en œuvre de son volet aires marines protégées (AMP). 

Depuis la finalisation du traité, une course est engagée pour atteindre les 60 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur. Ce processus fait appel à des procédures internes souvent complexes et parfois retardés par des échéances électorales1 . La région africaine, qui a joué un rôle essentiel dans la négociation du texte, est maintenant unie derrière la nécessité de le ratifier « le plus tôt possible », comme le réitère la Déclaration d'Addis-Abeba adoptée lors de la 19e session ordinaire de la Conférence ministérielle africaine sur l'environnement (17-18 août 2023). En tant que président de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDAO), le gouvernement du Nigeria a été à l’initiative d’un projet visant à soutenir les pays membres dans leurs efforts de ratification du texte. Ce projet, auquel l’Iddri est associé, inclut notamment le décryptage des différentes composantes du traité, l’étude des processus nationaux de ratification, l’établissement de feuilles de route nationales et le renforcement de la coopération régionale sur les enjeux liés à la mise en œuvre de l’accord. Ainsi, après avoir rejoint dès 2022 la Coalition de haute ambition pour la nature et les peuples, les États membres de la CEDEAO sont aujourd’hui pleinement mobilisés vers la ratification du traité. 

Innovation majeure, l’accord met en place un mécanisme de création d’aires marines protégées en haute mer qui manquait jusqu’alors et qui permettra la mise en œuvre de la cible 30x30 adoptée dans le cadre de l’Accord Kunming-Montréal sur la biodiversité, en assurant la protection de réservoirs de biodiversité par exemple (mont sous-marins, coraux d’eaux froides, cheminées hydrothermales, etc.). Si ces dernières décennies ont été marquées par la multiplication des AMP dans les eaux sous juridiction nationale, permettant aux gestionnaires, scientifiques et experts de disposer aujourd’hui des connaissances nécessaires pour faire de ces instruments des outils efficaces de protection de la biodiversité marine, l’expérience reste très limitée en haute mer et le modèle de gestion des futures AMP dans ces zones est donc largement à construire. C’est particulièrement vrai en matière de contrôle, suivi et surveillance des activités humaines dans les futures AMP de haute mer, condition essentielle à leur effectivité. Quels sont les moyens disponibles pour répondre à cet enjeu majeur ? Comment utilement concilier les instruments traditionnels de contrôle (inspections en mer ou aux ports) et les outils technologiques émergents dont l’accès est aujourd’hui de plus en plus facilité ? De même, la question du financement des futures AMP de haute mer a jusqu’à alors été peu étudiée. Combien devrait coûter la gestion annuelle d’une AMP de haute mer ? Quelle répartition entre les différents postes budgétaires ? Quelles sources possibles de financement ? En apportant des éclairages et des recommandations sur ces deux thèmes qui n'ont pas encore été pleinement explorés, l’Iddri entend contribuer aux efforts des États et autres parties prenantes travaillant à la création et à la gestion des premières AMP en haute mer et à préparer le terrain pour les discussions lors des premières COP du traité. 

Il y a un an, la communauté internationale se dotait de l’accord tant attendu pour assurer la gestion collective et durable des espaces situés au-delà des juridictions nationales. Comme rappelé par la sixième session de l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement (UNEA-6) qui vient de s’achever2 , les efforts doivent à présent se tourner vers la ratification rapide du texte, dont beaucoup souhaiteraient voir l’entrée en vigueur coïncider avec l’organisation de la prochaine Conférence des Nations unies sur l’Océan, qui se tiendra à Nice en juin 2025. En parallèle, gouvernements, ONG, scientifiques et experts doivent anticiper les enjeux de mise en œuvre du texte, dans ses différentes composantes, afin d’être le plus efficace possible dès la première COP du traité. Au cours des prochains mois, l’Iddri contribuera activement à ces efforts en vue d’assurer au plus vite la mise en place des règles destinées à protéger « la moitié longtemps oubliée de notre Planète bleue ».