Malgré des signaux positifs sur la prise en compte du changement climatique dans les politiques nationales, la négociation d'un nouvel accord international faisant suite au Protocole de Kyoto progresse difficilement et les visions des différents acteurs divergent.

Articulée autour de 9 points-clés, cette synthèse donne le cadre d'orientation de ce que pourrait être une nouvelle stratégie française afin de renouveler l'approche de la négociation sur les changements climatiques. Les fondements de cette stratégie reposent sur 3 axes complémentaires : coopération politique, coopération technologique et coopération financière.

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Malgré les signaux positifs venus de différents pays du monde sur la prise en compte du changement climatique dans les politiques nationales, la négociation d'un nouvel accord international faisant suite au Protocole de Kyoto progresse difficilement. les visions des différents acteurs de la négociation divergent. les tenants d’un accord dans la continuité de Kyoto sont en minorité. l’europe soutenue par les pays les moins avancés est le seul défenseur actif de cette option. Selon l’actuelle vision amé- ricaine, dont on retrouvera certaines constantes dans toute nouvelle administration, Kyoto et ses engagements quantifiés à court et moyen termes devraient être abandonnés au profit d’objectifs de long terme et d’une coordination fondée sur les approches volontaires et la coo- pération technologique.

Si on souscrit aux conclusions du rapport Stern et du gieC, il faut sortir rapidement la négociation internationale de l’impasse et pour cela en renouveler le cadre.

il faut tenir compte des leçons tirées de l’ex- périence du Protocole de Kyoto ainsi que des difficultés rencontrées dans la négociation, telle

qu’elle est menée actuellement sur le post-2012. les fondements de la stratégie que nous propo- sons s’inspirent du constat que la coopération internationale doit être développée autour de trois axes complémentaires : coopération politi- que, coopération technologique et coopération financière. Cette proposition tente de dégager des options innovantes pour opérationnaliser de manière intégrée ces trois axes et renouveler l’approche de la négociation climat autour de neuf points.

1 Établissement d’un cadre juridique et institutionnel contraignant (CCNUCC) préservant les acquis de Kyoto.

La CCnuCC (Convention cadre des nations unies sur le changement climatique) doit être le le cadre « naturel » des futures négociations et de la mise en œuvre. en effet, la CCnuCC est un instrument existant et ouvert, susceptible d’une part d’intégrer les différents volets des négociations à venir et d’autre part de conso- lider, à travers des protocoles additionnels, les décisions relatives à des actions spécifiques (accords sectoriels, financement des technolo- gies, adaptation, déforestation...), afin de garan- tir « l’observance » (compliance) des engage- ments pris à moyen et long termes.

Pour autant, il apparaît fondamental que les acquis du Protocole de Kyoto soient également préservés. Pour les Parties de l’annexe i (pays considérés comme développés), le Protocole constitue le modèle du cadre dans lequel les engagements de réduction d’émissions post- 2012 doivent être conclus, même si du fait de raisons juridiques et politiques (notamment la participation des États-unis), la mise en place d’un nouveau Protocole sera nécessaire.

Ce premier élément de notre proposition est cohérent avec la position de l’ue qui mène la discussion sur les deux fronts : la CCnuCC et le Protocole de Kyoto, même si à la différence de l’ue, nous recommandons qu’une plus grande importance soit accordée au cadre de la CCnuCC.

2 Fixation d’un objectif à long terme, d’ici à 2050.

Il ne s’agit pas nécessairement d’aboutir à un accord autour d’un chiffre exprimé de manière absolue, mais davantage de l’affirmation d’une « vision partagée » permettant de dire quels sont les risques acceptables et ceux qui ne le sont pas. Sur la base d’une expression politi- que, encadrée juridiquement, la Communauté internationale disposerait ainsi d’un horizon crédible d’action pour déterminer et mettre en œuvre les politiques et mesures nécessaires à son application concrète.

Les travaux du gieC montrent qu’un tel objectif de long terme permet de différencier les trajectoires d’émissions possibles pour les prochaines décennies, la plupart étant incom- patibles avec les réductions souhaitées en 2050. Par conséquent, l’accord sur un objectif de long terme permet de juger de la cohérence des objec- tifs que la communauté internationale prendra pour la période intermédiaire de 2025-2030. en reconnaissant qu’un pic d’émissions est inévita- ble jusqu’en 2020/2025 mais que les réductions devraient être d’au moins 50% à l’horizon 2050 par rapport à leurs niveaux en 1990, les conclu- sions dégagées lors de la quatrième session du groupe de travail sur les engagements des pays de l’annexe i qui s’est tenue à Vienne fin août 2007 sont parfaitement cohérentes avec l’approche proposée. elles sont également com- patibles avec l’objectif que s’est fixée l’union européenne de contenir le réchauffement à 2°C. elles doivent par conséquent être défendues pour servir de base aux négociations futures dans le cadre de la Convention.

3 Des actions crédibles et des engagements nationaux réalistes.

Pour engager une transition globale vers une économie « décarbonée », il est impératif que les Parties prennent des engagements d’action politiquement crédibles à moyen terme, qui soient mesurables, vérifiables, et inscrits dans un cadre juridique contraignant. la mobilisa- tion de l’ensemble des agents économiques, notamment privés, sur l’effort d’innovation technologique nécessaire, et les anticipations économiques qui guident les dynamiques d’in- vestissement (notamment en matière d’infras- tructures) sont aujourd’hui davantage limités par le risque dû à l’absence de cadre politique stable, que par une contrainte de coût.

L’expérience du Protocole de Kyoto a mon- tré que la base d’un réel accord repose sur des engagements politiquement acceptables et réa- listes dans leur propre pays pour chacune des Parties.

En vue d’assurer la participation du plus grand nombre de pays à un schéma de coo- pération post-2012, il faut donc aborder les négociations de manière plus flexible que ne l’a fait l’europe jusqu’alors, en ne cherchant pas à déterminer a priori les termes d’un accord équi- table. les négociations doivent être fondées sur la volonté d’action des pays. le processus de négociation aura alors pour fonction d’assurer que la combinaison des propositions des Parties pour l’horizon 2025-2030 est cohérente avec les objectifs fixés à long et moyen termes.

La négociation à venir doit viser à ce que tou- tes les Parties à la Convention proposent des objectifs d’action pour la période 2025-2030. la nature de ces propositions d’action doit être adaptée aux différents groupes de pays concer- nés (voir encadré 1).

Cela signifie d’accepter plusieurs formules et de les combiner : des engagements quantifiés « type Kyoto », des objectifs sectoriels pour d’autres, ou des politiques et mesures pouvant donner lieu à des engagements de résultats mesurables et vérifiables. une impulsion peut être donnée par des accords bilatéraux ou régionaux, utilisant les mécanismes d’échange et de crédit mis en place par Kyoto. Ceci sup- pose néanmoins de faire évoluer leurs règles en cohérence avec les nouvelles formes d’engage- ments proposées.

4 Le renforcement des marchés carbone.

L’échange de droits d’émissions tel qu’il existe aujourd’hui avec l’article 17 du Protocole de Kyoto est un acquis essentiel à conserver. D’une part il fournit de la flexibilité aux Parties pour satisfaire à leurs engagements vis-à-vis de la communauté internationale et permet donc, en retour, des engagements plus ambitieux. D’autre part, en rendant possible l’établissement de liens financiers entre des marchés carbone domestiques ou régionaux, il permet de décon- necter en partie les efforts domestiques de ceux à réaliser pour atteindre leurs objectifs chiffrés de manière plus efficace en termes de coûts.

Dans cette perspective, l’implication des pays émergents dans le régime post-2012 doit être liée – pour partie – à l’échange de droits d’émis- sions au sens de l’article 17. les modalités d’accès au marché carbone sont à redéfinir en fonction du type d’engagements afin de concré- tiser l’approche proposée d’un engagement pro- gressif et réaliste des pays émergents dans le régime post-2012.

5 La précision du rôle des systèmes de crédits.

Les mécanismes de crédits d’émissions doi- vent être prolongés - via notamment l’évolution du mDP sur le plan tant qualitatif que quan- titatif. leur application doit parallèlement être recentrée sur les groupes de pays et les secteurs pour lesquels ils sont les plus pertinents. en par- ticulier, ces mécanismes ne peuvent être l’ins- trument principal des réductions d’émissions à venir dans les pays émergents. le volume de crédits à acquérir serait trop important, d’une part pour les marchés carbone « industriels » qui risquent de ne pas atteindre leur objectif de « décarbonation » de l’économie, et d’autre part pour les Parties de l’annexe i qui seraient ame- nées à accepter des objectifs artificiellement ambitieux pour racheter ces crédits tout en réa- lisant des réductions d’émissions domestiques.

Au regard de l’importance actuelle du mar- ché européen de permis d’émissions (eu-etS) pour le fonctionnement des mécanismes de crédits, notamment le mDP, il est recommandé que l’europe utilise de façon plus stratégique sa contribution à la création du « marché carbone mondial », notamment en prenant l’initiative de propositions pour la constitution d’accords sectoriels.

6 Un accord spécifique sur la déforestation évitée.

Ce sujet déterminera le type et le degré d’en- gagement d’un certain nombre de pays, dont des pays émergents comme le Brésil. un accord spécifique semble nécessaire dès lors qu’il faut établir un cadre méthodologique garantissant, à la fois la réalité et la durabilité de la séques- tration réalisée, et la réalité et la pérennité de l’engagement financier des pays développés nécessaire pour soutenir le déploiement des politiques publiques par les pays concernés.

Un mécanisme de financement original de la déforestation évitée devra être créé, permettant le développement d’initiatives privées rémuné- rées pour leur contribution à l’objectif global, à l’image de ce que permet le mDP pour la réduc- tion des émissions de gaz à effet de serre. mais il paraît prématuré de construire directement ces incitations sur les seuls marchés du car- bone. en effet, les politiques publiques de déve- loppement alternatives à engager nécessitent un horizon et une stabilité peu compatibles avec les intérêts des acteurs privés et la volati- lité du marché carbone, les volumes de droits ou de crédits concernés risqueraient de détruire le signal prix attendu pour des investissements dans des technologies propres. l’établissement de liens financiers entre le mécanisme de finan- cement de la déforestation évitée et les marchés carbone est une question qui devra être traitée a posteriori, en veillant à ce que cette liaison ne déstabilise aucun des deux mécanismes.

7 Une attention particulière à l’adaptation.

La question du financement international de l’adaptation est de plus en plus posée par les pays en développement comme condition à leur engagement significatif dans des poli- tiques de réduction des émissions. il s’agit de mettre à disposition les moyens financiers considérables nécessaires pour répondre aux enjeux, bien au-delà du Fonds d’adaptation du Protocole de Kyoto, et organiser l’assistance de manière cohérente avec les autres politiques, notamment l’aide publique au développement. il faut à la fois développer des projets d’adapta- tion spécifiques à des secteurs d’activité, des ter ritoires (plans de prévention des risques, Pana, etc.), et intégrer l’enjeu de l’adaptation dans tous les projets d’aide publique au développement. un accord spécifique, pouvant prendre la forme d’un protocole additionnel à la CCnuCC, per- mettrait de déterminer un cadre institutionnel propre à l’adaptation, de rationaliser les enga- gements financiers tout en assurant une bonne gouvernance en matie?re d’aide publique au développement.

La technologie et les impacts des politiques cli- matiques sur la compétitivité des pays de l’annexe i constituent deux enjeux majeurs pour la conclu- sion d’un accord post-2012. Ces enjeux comple- xes ne relèvent pas exclusivement des politiques climatiques, mais de l’interaction de ces derniè- res avec les évolutions de l’économie mondialisée et du commerce international des négociations parallèles sont donc nécessaires, ne se substituant pas au régime climatique international, mais per- mettant sa mise en œuvre et venant le renforcer. Un groupe est donc à construire g + (13 ou 15 ?) sur une base plus acceptable que le système g8 + 5, pour traiter des points de blocage à surmonter pour initier et assumer la mise en œuvre d’une transition énergétique.

8 Le développement de moyens de coordination sur les technologies.

une coordination sur les technologies entre les pays de l’OCDe et les pays émergents, en distin- guant les technologies matures et les nouvelles technologies non encore matures, en faveur des- quelles un signal politique clair et des instruments de soutien (R&D, subventions, mécanismes de soutien par les prix, mécanismes financiers, par- tenariats public-privé, fonds dédiés spécifique- ment à certaines technologies comme la capture géologique du carbone) est indispensable pour accélérer – et mutualiser – leur développement. le co-développement de technologies avec les pays émergents peut notamment s’appuyer sur la forte dynamique des investissements dans ces marchés (nouvelles infrastructures énergétiques, marchés du bâtiment, etc.). les enjeux de droits de propriété intellectuelle et de leur rachat, occu- pant aujourd’hui une grande place dans les discus- sions avec les pays en voie de développement, ne semblent pas être l‘obstacle majeur à la diffusion des technologies lourdes associées à l’énergie. le déploiement technologique peut être facilité par une combinaison des effets du marché carbone et du soutien apporté par des facilités telles que le Clean energy investment Framework dévelop- pées par les institutions financières internationa- les, ou par des accords de libre échange (ou des droits douaniers réduits) pour les produits.  

9 La nécessaire mise en place d’accords sectoriels.

l’approche actuelle de l’europe et de la France qui envisagent de répondre à ces enjeux prin- cipalement par des mesures de protection (tel- les que l’institution de taxes d’ajustement aux frontières sur les produits importés de pays qui n’ont pas internalisé le coût carbone) est légitime, mais envoie des signaux négatifs aux partenaires internationaux – notamment les pays émergents – qui risquent de compromet- tre l’existence même d’un accord post-2012. il semble donc opportun d’étudier des approches plus positives et constructives vis-à-vis des pays émergents qui puissent apparaître comme des incitations à leur participation au régime post- 2012 en les aidant à améliorer l’efficacité éner- gétique de leur économie (principal obstacle à leur développement).

Dans une économie mondialisée, il n’est pas envisageable d’imposer à l’industrie d’une par- tie du monde un changement structurel de son modèle de développement, sans la perspective qu’un environnement économique et réglemen- taire comparable ne s’applique dans les autres régions à plus ou moins court terme. les accords sectoriels présentent l’avantage de pouvoir être compatibles avec des mesures domestiques de référence telles que l’eu-etS et d’associer pro- gressivement d’autres pays, d’abord sur une base bilatérale ou régionale, avant d’être recon- nus dans le futur cadre international sur le cli- mat. l’impulsion pourrait être donnée par des accords régionaux ou bilatéraux, initiés par l’ue mais destinés à être élargis au niveau internatio- nal (en étendant une mesure communautaire à d’autres acteurs d’un même secteur).

Cette approche, vers laquelle il conviendrait de faire évoluer la position française suppose ainsi que plusieurs conditions soient remplies :

a) une réelle implication gouvernementale (opposition du gouvernement aux approches sectorielles soutenues par les industriels) pour assurer une couverture complète des secteurs et l’effectivité des engagements ;

b) l’exigence de modèles de régulation fondés sur un principe d’internalisation réelle du prix de carbone ;

c) la reconnaissance que cet objectif est dans l’immédiat irréaliste pour les pays émergents, et que des formes transitoires d’association sont nécessaires et possibles moyennant des mesures d’ajustement communément accep- tées, rétablissant une concurrence non faussée sur les marchés internationaux (à l’image des taxes à l’export que la Chine a instauré unilaté- ralement pour ses exportations d’acier de faible qualité).

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