Un article sur les limites de la niche fiscale des « frais réels » : largement ignorée jusqu’à présent, la mesure coûte chaque année 2,1 milliards d’euros à l’État, et s’avère à la fois anti-redistributive et anti-environnementale. Cette réflexion s'inscrit dans le cadre de travaux sur les incohérences entre le système fiscal français et les politiques environnementales.

Points clés :

LEVER L'OPPOSITION ENTRE POLITIQUES SOCIALES ET ENVIRONNEMENTALES

Le contexte actuel de crise économique renforce l’idée reçue d’une opposition entre politiques sociales et environnementales. Dans le cadre des réflexions sur les finances de l’État et sur la transition écologique, l’exemple de la niche fiscale des « frais réels » est instructif sur cette supposée opposition. Les frais réels permettent aux foyers fiscaux dépensant plus de 10 % de leur revenu en frais professionnels de déclarer ces dépenses et d’obtenir une déduction d’impôt. Ces frais comprennent les frais kilométriques, les frais de bouche, d’habillement, etc.

UNE NICHE FISCALE ANTI-ÉCOLOGIQUE ET INÉQUITABLE

Le barème de remboursement des frais kilométriques, qui favorise les véhicules énergivores, est en contradiction avec les politiques de lutte contre les émissions de polluants. De plus, en remboursant les longs déplacements domicile-travail, la mesure contrevient aux politiques d’aménagement du territoire. En outre, les frais réels ne sont pas au service de la protection des salariés les plus contraints. Les trois premiers déciles de revenu ne bénéficient en effet pas ou peu de la mesure, car ils ne payent pas l’impôt sur le revenu, et les classes moyennes en bénéficient moins que les ménages les plus aisés (respectivement 400 € et 1 000 € par an et par ménage, soit 1,9 % contre 2,4 % du revenu). Au total, les ménages plus aisés (20 % des déclarants) touchent 40 % des 2,1 milliards d’euros que coûtent les frais réels à l’État. En première approximation, les dépenses kilométriques représenteraient 1,2 milliard d’euros.

LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME GLOBALE

Une option de réforme envisageable à court terme est le plafonnement du barème kilométrique et la conditionnalité à un certain niveau de revenu. Mais une réforme plus ambitieuse est nécessaire pour combiner plus largement politique sociale et environnementale. Celle-ci doit prendre en compte le caractère systémique du problème soulevé par les frais réels : l’articulation entre les mesures d’aide aux ménages contraints, la politique fiscale, la politique territoriale et les outils de la politique environnementale.

 

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