Le 2e Sommet africain sur le climat, qui s'est récemment tenu à Addis-Abeba, avait pour thème « Accélérer les solutions climatiques mondiales : financer le développement résilient et vert de l'Afrique ». Il a réuni des dirigeants, décideurs politiques, scientifiques, jeunes et représentants de la société civile autour des thèmes clés suivants : solutions fondées sur la nature, énergies renouvelables et infrastructures résilientes, financement climatique, gouvernance, transition énergétique et industrialisation verte. Quelles ont été les retombées de ce sommet sur la position de l'Afrique à l'approche de la COP 30 sur le climat ?
De Nairobi à Addis-Abeba : qu'est-ce qui a changé ?
À l’issue du premier Sommet africain sur le climat (ACS1), qui s'est tenu au Kenya en 2023, la Déclaration de Nairobi a mis l'accent sur la croissance verte et la nécessité impérative de concilier l'action climatique et le développement industriel. L'ACS1 est souvent décrit comme un tournant et un moment d’inflexion dans les discours, identifiant notamment les opportunités pour l'Afrique dans l'économie verte. Les gouvernements, les institutions internationales de développement, les organisations philanthropiques et les investisseurs s’y sont engagés à verser un total de 23 milliards de dollars. Alors que l'ACS2 d’Addis-Abeba a cherché à tirer parti de la dynamique de Nairobi en transformant les discours en actions, et en positionnant l'Afrique comme un fournisseur de solutions et non comme une victime, comme c'est souvent le cas, un consensus s’est dégagé sur l'urgence d'augmenter les investissements, de garantir la justice climatique et de développer des écosystèmes d'innovation à travers le continent.
Par rapport à Nairobi, les engagements pris lors de l'ACS2 sont faibles. Notamment en raison du manque d'informations sur les résultats des précédents engagements pris en 2023 en matière de financement climatique pour l'Afrique ; par ailleurs la COP 30 ayant été qualifiée de « COP de la mise en œuvre » (Iddri, 2025), l'ACS2 a été conçu comme la contribution de l'Afrique à cette question.
Toutefois, parmi les annonces les plus ambitieuses de l'ACS2 figurent : la création d'un Pacte africain pour l'innovation climatique visant à fournir 1 000 solutions climatiques menées par l'Afrique d'ici 2030 ; la création d'une Facilité africaine pour le climat afin de mobiliser 50 milliards de dollars par an en financements catalytiques ; et une promesse de 100 milliards de dollars de la part des institutions financières africaines pour l'Initiative pour l'industrialisation verte de l'Afrique afin de financer les énergies vertes et les infrastructures résilientes au changement climatique et ainsi mener une révolution industrielle verte sur le continent. Ces annonces et engagements panafricains sont louables, mais ils s'accompagnent de défis en matière de mise en œuvre et de suivi des progrès, de garantie de la disponibilité des fonds, de traitement des lourdeurs bureaucratiques et des goulets d'étranglement en matière de gouvernance, ainsi que du fardeau, ancien, de la dette, et de garantie que les projets atteignent les communautés locales et les acteurs infranationaux.
Le niveau politique de représentation des chefs de gouvernement était moins élevé à Addis-Abeba qu’à Nairobi. Et le processus de déclaration s'est déroulé sans contribution significative des parties prenantes, conclu par des consultations ministérielles menées dans l’urgence juste avant l'adoption. Les prochains sommets devraient représenter et incarner les aspirations et les ambitions régionales, et non servir de tribune au pays hôte pour promouvoir ses ambitions nationales.
Préparation des positions pour la COP 30 et développement de partenariats
Une diversité notable d'acteurs (notamment des commissions économiques régionales, institutions financières, organisations de la jeunesse, militants pour l'égalité des sexes, groupes autochtones, universitaires et investisseurs privés) a néanmoins façonné l'ACS2 et ses résultats. Les événements préliminaires, tels que la Semaine africaine du climat et la 13e Conférence sur le changement climatique et le développement en Afrique, ont également joué un rôle déterminant en contribuant à intégrer la science, la justice, les données et les transitions justes dans les discussions préalables au sommet, ouvrant ainsi la voie au développement des positions du continent pour la COP 30.
En 2023, la Déclaration de Nairobi avait donné le ton pour une position commune à la COP 28 en appelant à une réforme de l'architecture financière internationale, à des régimes de taxe carbone, à un renforcement du financement et de l'équité climatiques, et à un repositionnement de l'Afrique en tant que partenaire, et non plus seulement en tant que bénéficiaire de l'aide. La Déclaration d'Addis-Abeba s'appuie sur ces fondements, mais avec un glissement de la réception de l'aide vers l'exécution. L'augmentation des investissements dans l'industrialisation verte, la justice climatique et le développement d'écosystèmes d'innovation à travers le continent font partie des questions qui ont pris de l'importance dans la définition de la position commune de l'Afrique avant la COP 30. Pour réaliser ces ambitions dans des économies confrontées à des contraintes budgétaires et à des coûts d'investissement élevés, l'Afrique doit exiger sans équivoque des financements concessionnels sous forme de dons, et non pas simplement des prêts, et doit promouvoir des mécanismes d'investissement qui libèrent les capitaux privés. Elle doit également veiller à ce que le financement repose sur un suivi et une évaluation efficaces, y compris en matière de réglementation et de redevabilité. Les priorités climatiques de l'Afrique sont les suivantes : accès à l'énergie, capacités renouvelables, industrie verte, résilience des systèmes alimentaires et solutions fondées sur la nature.
En amont de la COP 30, l'Afrique doit également : présenter un texte de négociation unifié reflétant les engagements pris à Addis-Abeba en faveur du Fonds pour le financement de la lutte contre le changement climatique, du Pacte pour l'innovation, de l'objectif de 300 GW d'énergies renouvelables et de l'accès à l'énergie pour des millions de personnes ; renforcer sa collaboration avec l'UE en tirant parti de sa promesse de ne pas renoncer à ses responsabilités ; amplifier la pression en faveur de la réforme des systèmes financiers mondiaux : attirer davantage de dons, moins de conditionnalité, davantage de financements concessionnels. Avec la mise en œuvre en cours de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), il est urgent d'intégrer l'Afrique dans les chaînes de valeur mondiales et de créer un environnement commercial propice à une industrialisation verte robuste.
L'approfondissement de la collaboration autour de l'innovation verte et de l'industrialisation pourrait également être l'un des objectifs des délégués qui se quitteront la COP 30 pour se rendre au sommet UA-UE qui se tiendra fin novembre à Luanda, en Angola. L'Afrique et l'UE pourraient toutes deux tirer profit de ces partenariats industriels verts mutuellement avantageux (Iddri, 2024).
Sur le plan interne, l'Afrique doit de toute urgence renforcer ses capacités au niveau national : en matière de création d'emplois verts, de compétences, de politiques et d'institutions, tout en veillant à ce que les acteurs infranationaux ne soient pas mis à l'écart. Ceux-ci doivent s'approprier la mise en œuvre, en particulier dans les domaines de l'investissement, de la transition énergétique et de la résilience alimentaire, afin que la COP 30 soit effectivement une « COP de mise en œuvre ».