Une série d'événements importants1 a contribué à faire de 2021 une année cruciale pour la mise en œuvre de l'agenda mondial de développement durable et offre une occasion unique de créer un cercle vertueux d'engagement politique, de réglementation et de flux financiers en faveur d'une reprise durable dans les pays en développement, qui constitue une question clé du cycle du G20 de cette année. Faire entendre la voix des pays en développement dans l'agenda multilatéral mondial est un défi, en raison de priorités politiques différentes et souvent concurrentes. Ce billet de blog tire les leçons de la présidence italienne du G20 pour éclairer les discussions et les efforts en matière de politique de développement des prochaines présidences indonésienne, indienne et brésilienne du G20. Ces présidences peuvent, de leur propre chef et en coopération avec les présidences du G7 et de l'UE, le cas échéant, faire de la relance durable dans le Sud une priorité.

  • 1La discussion sur l'allocation des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI et l'initiative du G20 de suspension du service de la dette (DSSI) ont donné le ton. Mais ne peuvent être que le début d'un menu d'actions concertées pour faire face aux énormes défis causés par la pandémie de Covid-19. Les prochaines étapes dans la mise en place et le maintien d'un tel cercle vertueux pourraient être le sommet « Finance en commun » (Rome, 19-20 octobre) et les présidences française et allemande du G7.

Ce qui ralentit une réponse rapide du G20 à la relance durable dans les pays en développement

La rivalité et les tensions institutionnelles avec les autres volets du G20, ainsi qu'un déficit de représentation au sein du Groupe de travail sur le développement (GTD), ont entravé la prise de décision dans le cadre du programme de développement du G20. À titre d'exemple, si tous les pays du G20 ont un ministre des Finances, la plupart d'entre eux n'ont pas de ministère dédié à la Politique de développement ni de responsabilité politique associée au sein du gouvernement. Ce déficit de représentation a souvent conduit à des intérêts et des approches divergents au sein du GTD, ce qui a entravé la prise de décision effective, de nombreux sherpas n'étant pas formellement habilités à prendre des décisions au cours des réunions du groupe.

Deuxièmement, pour soutenir des relances durables, une compréhension commune de ce que signifie la durabilité est nécessaire. Malheureusement, six ans après l'adoption de l'Accord de Paris et de l'Agenda 2030 pour le développement durable, et en cette année de négociation du nouveau cadre pour la biodiversité, nous manquons toujours d'une vision partagée. Au cours de cette dernière année, nous avons observé des tensions croissantes en matière de changement climatique et de protection de la biodiversité autour du « droit de polluer » versus des transitions durables basées sur l'atténuation et l'adaptation aux impacts du changement climatique. S'il convient de noter que, pour la première fois, le forum a souligné l'importance de rester en deçà de 1,5°C (cf. objectif de l'Accord de Paris sur le climat), les prochaines présidences du G20 devront relever le défi de surmonter les positions ambiguës de certains membres qui tentent de réduire l'ambition climatique tout en craignant de rater de futures opportunités de marchés bas-carbone. Sans ralentir l'aide immédiate aux pays en développement, les membres du G20 devraient proposer une offre claire de soutien financier et technique en faveur de trajectoires bas-carbone et de stratégies de long terme.

Troisièmement, l'absence d'une représentation adéquate des pays en développement — et en particulier des pays les moins avancés (PMA) — a affecté la crédibilité du G20 en ce qui concerne les questions de développement. Au-delà de la question de la représentation, les progrès insuffisants dans l'augmentation de l'aide publique au développement (APD) aux PMA n'ont fait qu'empirer avec la Covid-19. Les données préliminaires montrent que les flux nets d'aide bilatérale des membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE vers les PMA se sont élevés à 34 milliards de dollars US en 2020, n'augmentant que de 1,8 % en termes réels par rapport à 20192 . Ces chiffres envoient un signal contradictoire si le G20 prétend faire du soutien aux relances durables dans les pays en développement une priorité, un soutien qui devrait être additionnel et ne laisser personne de côté.

Enfin et surtout, l'efficacité du G20 en matière de développement a été réduite ces dernières années par le manque de cohérence et de suivi des présidences successives, qui ont progressivement abandonné la programmation pluriannuelle et n'ont pas impliqué efficacement les huit groupes d'engagement officiels du G20. Cette situation a engendré une incohérence des politiques au fil des ans et une frustration, notamment au sein de la société civile et des milieux académiques.

Résultats prometteurs de la présidence italienne du G20

La présidence italienne du G20 a tenté de relever certains de ces défis. Pour commencer, bien qu'ils soient considérés comme des prérogatives du volet financier du G20, la présidence a placé certains sujets tels que l'allègement de la dette et le financement durable au cœur de l'agenda du GTD, en tentant de renforcer l'alignement avec les autres volets. Une innovation prometteuse de la présidence a été d'organiser des sessions conjointes entre le GTD et le groupe de travail sur le financement durable rétabli au sein du volet financier, afin de renforcer le dialogue et la cohérence des politiques. Dans le contexte d'une crise mondiale multiple qui risque de creuser non seulement les écarts financiers mais aussi les écarts politiques entre le Nord et le Sud3 , une collaboration plus étroite entre ces deux volets doit être développée encore davantage par les futures présidences. En outre, cette coopération horizontale intra-institutionnelle accrue, combinée au fait que l'Italie accueillera ce mois-ci la deuxième édition du sommet « Finance en commun », a contribué à renforcer la dynamique en faveur d'un changement vers plus de durabilité du système financier4 .

De plus, malgré des résultats mitigés, le GTD a abordé plusieurs questions clés pour les PMA, parmi lesquelles l'extension du DSSI, le cadre commun au-delà du DSSI, mais aussi les discussions sur la manière de réaffecter efficacement les droits de tirage spéciaux en s'assurant que ces ressources servent les objectifs d'une reprise durable, par exemple en discutant des propositions visant à accroître l'appropriation et le rôle des pays africains5 .

En outre, pour la première fois depuis 2010, la présidence a organisé une réunion ministérielle consacrée au développement, qui a abouti à plusieurs résultats importants, dont la déclaration de Matera sur la sécurité alimentaire, la nutrition et les systèmes alimentaires6 . Ces délibérations sur la politique de développement constituent une étape importante pour garantir la redevabilité des dirigeants et des bureaucraties nationales sur les questions de développement.

Enfin, la présidence italienne du G20 a encouragé une plus grande implication des groupes d'engagement dans la production des résultats du G20 en matière de développement, en les faisant participer pleinement aux réunions des groupes de travail sur le développement et à la rédaction de divers résultats.

Recommandations pour les futures présidences

Premièrement, alors que tous les pays continueront à promouvoir leurs agendas et leurs résultats nationaux au sein du GTD, il serait important de revenir à une planification pluriannuelle de la coopération pour le développement. Cela permettrait de créer un consensus ainsi que des récits communs entre les différentes présidences et de garantir une plus grande cohérence politique.

Deuxièmement, le G20 doit continuer à travailler en étroite collaboration avec d'autres forums clés tels que le G7 et la présidence de l'UE ; et, dans un contexte de crise mondiale, il est essentiel de renforcer la représentation et le rôle d'autres acteurs du Sud — en particulier de l'Afrique — qui sont exclus des processus décisionnels de ces forums multilatéraux.

Troisièmement, le G20 devra renforcer le rôle des groupes d'engagement pour garantir l'alignement et l'action concertée en évitant de créer de nouvelles bureaucraties. Cela s'applique non seulement aux groupes de recherche comme le Think20, mais aussi au secteur privé. En ce sens, le cas de l'initiative de suspension du service de la dette (DSSI) souligne que les acteurs privés sont essentiels pour que le G20 tienne ses promesses en matière d'allègement de la dette, renforçant ainsi sa crédibilité dans le monde entier.

Enfin, la légitimité du G20 devrait désormais être fondée sur l'ambition de réinventer une économie mondiale durable, inclusive et bas-carbone, en étroite coopération avec d'autres forums et institutions multilatéraux. En effet, considéré au moment de sa création comme une innovation institutionnelle respectée pour sa capacité de réponse à différentes crises financières, le G20 doit maintenant être à la hauteur du problème actuel : piloter le développement humain dans un contexte de crise planétaire. Par conséquent, la politique de développement devrait être une priorité du G20, ce qui en ferait un moteur pour progresser vers le développement durable mondial.