Si les contributions nationales soumises par les pays dans le cadre du futur accord mondial pour le climat ne suffisent pas encore à mettre le monde sur la trajectoire d’un réchauffement limité à 2 °C, elles démontrent néanmoins une accélération et un renforcement sans précédent des mesures contre le changement climatique au sein des grandes économies mondiales. En outre, elles peuvent constituer le point de départ d’une transition ambitieuse vers une économie bas-carbone, à condition que l’Accord de Paris prévoie un mécanisme pour renforcer et approfondir les engagements politiques au plus tard en 2020.

C’est le constat établi dans un rapport publié par un groupe de 14 équipes de recherche au sein du projet MILES (“Modelling and Informing Low-Emission Strategies”, modélisation et soutien des stratégies bas-carbone). Ce projet international est financé par la Commission européenne et coordonné par l’Iddri.

Le rapport étudie à l’horizon 2030 et au-delà les implications concrètes des INDC pour la transition bas-carbone des secteurs comme les systèmes énergétiques, le bâtiment, les transports et l’industrie.

Selon ce rapport, les INDC entraînent une accélération et un renforcement des mesures contre le changement climatique au sein des grandes économies mondiales. Plus particulièrement pour le secteur de l’électricité, où les INDC favoriseront la transition vers les énergies renouvelables et les autres formes de production électrique à faibles émissions. Dans les 5 pays et la région évalués individuellement, les émissions de dioxyde de carbone par unité d’électricité produite devraient diminuer d’environ 40 % entre 2010 et 2030 et l’électricité renouvelable deviendrait la principale source de production d’électricité, représentant 36 % du mix électrique total. Concernant l’efficacité énergétique, des tendances positives de même nature sont observées. Ainsi, l’intensité énergétique du transport de personnes reculerait de 30 % au total pour la Chine, l’Inde, l’Union européenne, les États-Unis, le Brésil et le Japon.

Cependant, le rapport pointe également les progrès inégaux engendrés par les INDC sur les différents leviers de la décarbonation. Les prévisions de développement de solutions bas-carbone telles que le captage et stockage du CO2 (« CCS » en anglais), les voitures électriques, les biocarburants de pointe et la planification urbaine durable semblent notamment insuffisantes tant en rapidité qu’en ampleur pour être compatibles avec l’objectif des 2 °C. Si les mesures ne sont pas rapidement renforcées, les risques de blocage dans une trajectoire à forte intensité carbone augmenteront. Le message est clair : les mesures politiques qui suivront la Conférence de Paris devront encourager l’innovation, le déploiement et la diffusion des technologies afin de diminuer les coûts dans ces secteurs qui pour l’instant montrent des progrès insuffisants.

Les INDC permettent une réduction significative des émissions par rapport aux prévisions basées sur les politiques et engagements existants. Cependant, le scénario présenté dans ce rapport indique des émissions de 54 Gt éq.CO2 en 2030, un chiffre supérieur aux scénarios d’émissions rentables du 5e Rapport d’évaluation du GIEC compatibles avec l’objectif de 2 °C, soit entre 30 et 50 Gt éq.CO2 en 2030. À ce niveau d’émissions en 2030, les réductions devront être extrêmement rapides, supérieures à 4 % par an, pour atteindre l’objectif de 2 °C maximum. L’analyse des INDC actuelles montre d’ailleurs qu’il faudrait un changement brutal et considérable en 2030 suivi d’un rythme de transformations techniquement ambitieux et coûteux pour atteindre l’objectif de 2 °C maximum.

L’Accord de Paris peut permettre de combler l‘écart entre les INDC et l’objectif de 2 °C en établissant un mécanisme prévisible et crédible pour renforcer régulièrement les objectifs et l’action politique, moyennant un calendrier quinquennal et une première étape de consolidation au plus tard en 2020. Le rapport détaille ce « scénario de liaison », soit une action consolidée dans le temps pour aller au-delà du niveau d’ambition des INDC existants. Dans ce scénario, le renforcement des politiques et des engagements d’ici 2020 permet un dépassement des niveaux indiqués dans les contributions et une trajectoire plus réaliste et moins coûteuse vers les 2 °C. Le scénario permet également une réallocation plus aisée des investissements vers des technologies et infrastructures bas-carbone en évitant le risque d’actifs échoués et de forte perturbation économique.

Le rapport souligne que les INDC représentent un changement majeur, mais que ces contributions ne sont pas encore alignées avec l’objectif de limiter le réchauffement à 2 °C, qui exige des transformations profondes. Cette conclusion souligne la nécessité de sortir de l’approche « incrémentale » dans la définition des objectifs climatiques. Les pays doivent considérer des trajectoires de transformation profonde de leurs économies. Selon le rapport, les prémices de cette transition sont là, mais le rythme est trop lent et l’ampleur encore insuffisante. Pour établir leurs prochains objectifs d’émissions, les pays devraient s’appuyer sur la vision d’un futur radicalement différent, celle d’une décarbonation profonde de leurs économies. Les INDC sont une première étape. Il faut maintenant produire des trajectoires nationales détaillées.