Alors que la COP21 approche à grands pas, la « communauté océan », rassemblant scientifiques, ONG et représentants du secteur privé, s’interroge sur ses marges de manœuvre pour influencer les négociations climatiques. De telles interrogations sont légitimes : au même titre que l’atmosphère, l’océan se trouve au cœur des processus climatiques. Parce qu’il absorbe du CO2 et une partie de la chaleur accumulée dans l’atmosphère, il participe à limiter le réchauffement climatique global. Mais il en subit du même coup les conséquences : il se réchauffe et s’acidifie.

Une cinquantaine de scientifiques internationaux(1) se sont réunis à Monaco du 12 au 14 janvier 2015 pour se pencher sur les impacts socioéconomiques locaux de l’acidification des océans, et dégager les messages-phares à adresser aux décideurs, notamment dans le cadre des négociations sur le climat.

Ces experts ont d’abord identifié cinq raisons pour lesquelles la communauté internationale sur le changement climatique se doit désormais d’intégrer pleinement la question de l’acidification des océans :

  • Des milliards d’individus dans le monde dépendent plus ou moins directement d’un océan en bonne santé, tant pour leur bien-être que pour leur développement. L’acidification ne se résume donc pas à une question environnementale, c’est également une question de développement.
  • Puisque l’acidification a pour origine une sur-concentration de CO2 dans l’atmosphère, son traitement relève nécessairement du cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). La COP21 représente donc une véritable opportunité d’intégrer l’océan dans les discussions et d’avancer vers un régime plus complet de lutte contre le changement climatique.
  • Réduire les émissions de CO2 est une priorité car cela aura des conséquences très significatives sur l’acidification des océans.
  • Par le passé, la communauté internationale a connu plusieurs succès en matière de gestion des pollutions planétaires (par exemple le protocole de Londres sur les déchets, la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, etc.). Elle peut donc également réussir dans le domaine du changement climatique et de l’acidification des océans.
  • L’acidification des océans est une raison supplémentaire pour prendre des décisions ambitieuses, notamment en termes de réduction des émissions de CO2. À ce titre, elle doit être pleinement intégrée aux négociations de la CCNUCC.

Sur ces bases, sept recommandations ont été formulées, parmi lesquelles quatre touchent directement au processus CCNUCC, et donc à la COP21 :

  • 1. TEXTE JURIDIQUE : inclure l’océan dans le texte juridique de la COP21 et dans l’agenda post-2015, pour que le rôle de l’océan dans le devenir de l’humanité soit formellement reconnu, mais également pour stimuler les politiques de lutte contre l’acidification des océans aux échelles nationale et locale.
  • 2. FINANCE : encourager activement les projets liés à l’océan au sein du Fonds vert pour le climat, pour favoriser l’accès aux fonds par les communautés côtières et insulaires qui vont avoir à s’adapter à l’acidification des océans.
  • 3. SOLUTIONS : inclure la communauté scientifique sur les océans dans l’évaluation des solutions développées pour l’atténuation comme pour l’adaptation, pour s’assurer que ces solutions n’affectent pas, de manière indirecte et négative, la santé des zones côtières et des océans, ce qui en réalité aggraverait le problème futur et relèverait donc d’une forme de maladaptation.
  • 4. OBSERVATIONS : consolider l’intégration des observations sur l’acidification des océans dans les documents de l'Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA en anglais) de la CCNUCC, pour favoriser un suivi de cette question à l’échelle globale.

(1) https://www.iaea.org/newscenter/news/bringing-ocean-acidification-climate-change-agenda ; https://www.iaea.org/newscenter/news/experts-include-ocean-acidification-climate-change-negotiations