Les pays ont commencé à publier leurs contributions nationales (Intended Nationally Determined Contributions, INDCs) au processus de négociation internationale. La Suisse et l'Union européenne ont été les premiers à le faire, et d'autres devraient bientôt suivre. Il est désormais important que le mouvement s’amplifie et s’accélère. Nous expliquons ici pourquoi, en montrant que les INDC font partie d'un processus de négociation renouvelé et prometteur, et en proposant aux Parties des voies pour les construire et les interpréter de la manière la plus constructive possible.

Les INDC font partie d'un processus de négociation renouvelé et prometteur

En cette période de préparation de la COP21, le processus des INDC représente un changement fondamental par rapport aux approches passées de coopération internationale sur le climat. Notamment, sous le protocole de Kyoto, les engagements proposés par les Parties donnaient lieu à une négociation, à un ajustement des engagements et à un processus « du haut vers le bas » établissant des règles précises et universelles pour ces engagements.

À Copenhague, la situation fut tout à fait différente. Les engagements nationaux ont été pris dans un moment de pression politique intense, alors que la forme du régime en cours de négociation n’était pas claire du tout, notamment sur des aspects essentiels tels que les objectifs, la différenciation et le cadre global de coopération. Il n’y avait pas non plus de règle commune pour la transparence des engagements, ni de cadre de redevabilité pour ces derniers.

Aujourd’hui, la situation a changé. Avec le processus des INDC, il s’agit de répondre à un objectif collectif – limiter le réchauffement en-dessous de 2 degrés – à travers des contributions nationales « par le bas ». Ces contributions sont proposées dans le cadre de règles de base communes et de mécanismes de redevabilité développés depuis Copenhague. Les Parties ont également désormais une vision plus avancée d'un accord de coopération à long terme, qui s’appuie sur ce qui a été convenu et appris depuis Copenhague, et auquel ces contributions seront ancrées.

Cette nouvelle perspective donne une vision renouvelée de ce qu’est un accord mondial sur le climat, avec la reconnaissance claire qu’une appropriation nationale de l'agenda climatique, combinée à un cadre de coopération dynamique et universel, permettrait de relever le défi de la transition d’une manière plus souple, efficace et équitable, vers l’objectif commun des 2°C. Ainsi, les INDC ne doivent pas être considérées comme le dernier mot des pays. Elles constituent plutôt la première étape pour opérationnaliser un processus dynamique dans lequel les contributions constituent la base sur laquelle les Parties doivent construire pour augmenter le niveau d'ambition, en collaboration avec la communauté internationale. Des cycles réguliers et des mécanismes de revue seront donc des éléments complémentaires clé pour évaluer clairement l'état global des mesures d'atténuation et d'adaptation, encourager les pays à élever l’ambition de leurs engagements et poursuivre ceux-ci dans le temps.

Dans ce contexte, les INDC devraient représenter une opportunité pour les pays de partager leur expérience, de s’engager dans un dialogue pour identifier les domaines de coopération permettant d’accélérer leurs efforts, et pour créer la confiance en fournissant des informations transparentes sur la mise en œuvre.

Pour toutes ces raisons, il est important que le plus grand nombre possible de pays soumettent leur INDC dès que possible, afin de commencer à préparer l'objectif principal de la COP21, qui est de fixer le cadre de ce processus, sur la base des INDC soumis et, si possible, de toute information supplémentaire les renforçant.

Quatre critères pour construire et interpréter les INDC

Afin que les INDC jouent efficacement ce rôle d’outil au service de la coopération internationale sur le climat, nous identifions quatre éléments-clés que les pays devraient aborder dans leurs INDC, ou au moins que les autres Parties devraient être en mesure d'interpréter sur cette base.

Tout d'abord, il faudrait que chaque INDC représente un renforcement de l'ambition de l'action climatique de chaque pays. Un INDC devrait constituer un signal aux investisseurs, au public, et aux autres pays concernant la trajectoire envisagée par le pays. Une fois que l’ensemble des INDC seront sur la table, il faudrait être en mesure d’évaluer si elles représentent bien une nouvelle dynamique et un changement de la trajectoire pour l'économie mondiale.

Mais dans un régime largement déterminé par une logique « du bas vers le haut », une compréhension uniquement agrégée des INDC n’est pas suffisante. Nous proposons ainsi trois questions supplémentaires qui devraient être posées concernant l'ambition politique de la trajectoire résumée et quantifiée dans chaque INDC. Notons que les INDC pourraient ne pas tous porter en eux-mêmes les réponses à ces questions; ils devront dès lors être analysés au sein d'une compréhension plus large des circonstances, des politiques et des ambitions de chaque pays. Le régime climatique devra d’ailleurs permettre de fournir des réponses à ces questions au fil du temps, à travers un dialogue politique élargi, sur la base d’une bonne transparence et d’une révision périodique des INDC.

Nous proposons donc d'interpréter chaque INDC à travers quatre questions :

  1. L’INDC représente-t-il un renforcement de l'ambition de l'action climatique dans le pays (par rapport aux politiques nationales, aux engagements antérieurs, etc.) ?
  2. Comment le pays envisage-t-il d’atteindre l'objectif de son INDC ? Le pays fournit-il des informations transparentes sur les politiques et mesures qu'il envisage ? Cette condition est importante pour créer la confiance, révéler des leviers potentiels pour une ambition ou une coopération accrue, et pour dialoguer sur la mise en œuvre de ces politiques.
  3. Comment l’INDC fait-il le lien avec les autres priorités politiques nationales ? Ce lien est en effet déterminant pour un engagement réel, global et durable sur une stratégie de développement faible en carbone et résiliente au changement climatique. Autrement dit, l’INDC fait-il partie d’une stratégie de développement économique et sociale cohérente ?
  4. Quels sont les freins et leviers (au niveau national et international) pour des réductions d'émissions plus importantes ? Peut-on identifier dans l’INDC des types de politiques ou d’actions de coopération permettant d’augmenter progressivement l'ambition de cette contribution et des suivantes ?