La «révolution» des gaz non conventionnels n'est pas la panacée pour la croissance économique, l'emploi ou la compétitivité industrielle des États-Unis. Il est également clair que l'exploitation des gaz de schiste dans l'Union Européenne ne changerait pas fondamentalement la donne énergétique européenne. L’efficacité énergétique, les sources d'énergie renouvelables, et un marché européen de l’énergie mieux intégré constituent les priorités pour une énergie compétitive, sûre et durable. Ce sont les deux principales conclusions de l'étude présentée hier au Parlement Européen par l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), intitulée « Unconventional wisdom: an economic analysis of US shale gas and implications for the European Union ».

Selon cette étude, les avantages économiques de l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis sont beaucoup plus restreints que ce qu’on a l’habitude d’entendre et n'expliquent pas la reprise économique des États-Unis.

En regardant de près les données, on ne peut conclure à une renaissance industrielle qui serait due à l’exploitation des gaz de schiste.

Mathilde Mathieu, co-auteur de l'étude

Les gaz de schiste ont un impact sur une poignée de secteurs à forte intensité de gaz seulement, comme les produits pétrochimiques ou les engrais. L'impact de prix bas du gaz aux Etats-Unis reste donc local et sectoriel. 

Ces secteurs ne représentent que 1,2% du PIB des États-Unis. Ils ont peut-être augmenté leurs exportations, mais ne représentent qu’une faible part de la balance commerciale du secteur manufacturier américain, dont le déficit continue de se creuser.

Mathilde Mathieu, co-auteur de l'étude

 

En ce qui concerne l'économie dans son ensemble,

la réduction des importations de pétrole et la baisse des prix du gaz ont à long terme un impact limité sur l’économie américaine, correspondant à une augmentation ponctuelle du PIB d’environ 0,84 %. Ce qui reste modeste, comparé à la croissance économique américaine, qui s’élève environ à 1,4% par an

Oliver Sartor, économiste à l'Iddri

Concernant les effets sur les émissions de CO2,

La part du charbon dans le mix électrique des États-Unis est passée de 32,5% à 40% entre la mi-2012 et 2013, alors les prix du gaz naturel atteignaient des niveaux très bas. Sans politiques complémentaires, la part du charbon dans le mix électrique des Etats-Unis restera importante pour les décennies à venir, en dépit des gaz de schiste

Oliver Sartor, économiste à l'Iddri

 

Quelles sont les implications pour l'Union Européenne ?

L'exploitation des gaz de schiste en Europe ne modifierait pas fondamentalement la donne énergétique européenne. Même dans les scénarios d'exploitation les plus optimistes, l'Union Européenne restera un importateur de gaz et de pétrole, et les prix de l’énergie resteront dépendants de prix internationaux élevés

Thomas Spencer, directeur du programme Climat à l’Iddri

L'Union Européenne se trouve en effet au début de la phase d'exploration. L'industrie du gaz et du pétrole est beaucoup moins développée, les questions de l'accès aux terrains et d'acceptation du public restent complexes.

Le gaz de schiste en soi ne sera donc en aucun cas un moyen de résoudre les problèmes énergétiques et d’émissions de gaz à effet-de-serre de l'Union Européenne. Celle-ci a besoin d'une politique globale d'efficacité énergétique, d'innovation, et d’un marché commun de l'énergie renforcé, ainsi que de sources d’énergie domestiques à faibles émissions carbone, comme les énergies renouvelables.

L'étude complète sera mise en ligne très prochainement.