Résultats du projet MILES informant le dialogue facilitatif de 2018

Bruxelles, le 22 septembre – Pour atteindre l’objectif collectif de l’Accord de Paris visant à maintenir l’élévation de la température mondiale « nettement en-dessous de 2 °C », les pays doivent soumettre des Contributions Déterminées au niveau National (CDN, ou « NDC » en anglais) plus ambitieuses. Pour cela, il est essentiel de s’intéresser non seulement au niveau agrégé des émissions des pays, mais aussi aux transformations sectorielles qui seront nécessaires pour mener la décarbonation. Aujourd’hui, le projet MILES, coordonné par l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (Iddri) publie ses résultats sur les principaux leviers favorisant ces transformations sectorielles dans l’Union européenne et dans 7 pays clés (Brésil, Chine, Etats-Unis, Inde, Indonésie, Japon, Mexique). Ces résultats sont également présentés aujourd’hui à la Commission européenne à Bruxelles.

 

1. Il est communément admis que les prochaines NDC révisées devront être plus ambitieuses pour atteindre l’objectif climatique de Paris. Toutefois, au-delà de la simple révision de leurs objectifs d’émissions, il est important que les pays identifient les transformations sectorielles nécessaires pour réduire davantage leurs émissions.

Le projet MILES confirme que pour atteindre les objectifs de long terme de Paris, les pays doivent envisager des réductions d’émissions plus profondes que celles prévues dans leurs NDC actuelles. Ils doivent également engager une intensification des efforts d’atténuation dès 2020 afin d’aligner les stratégies de court terme sur les exigences des transformations à long terme.

Pour assurer cet alignement des nouvelles NDC avec les transformations de plus long terme nécessaires d’ici 2050, il est indispensable d’analyser et de communiquer les transformations sectorielles à un niveau de détail plus important – et non pas uniquement de rendre compte des réductions d’émissions.

Par exemple, aux États-Unis, les réductions de 26 à 28 % d’ici 2025 par rapport aux niveaux de 2005prévus dans la CDN correspond à une diminution linéaire entre 2020 et une réduction ambitieuse des émissions nationales  de 80 % en 2050  . Cependant, l’étude réalisée dans le cadre de MILES montre que cette évolution des émissions nécessiterait des transformations non linéaires, et notamment le triplement des ajouts de capacité énergétique annuelle bas carbone après 2025.

« Ouvrir la boite » des transformations sectorielles est essentielle pour la révision progressive des NDC et leur mise en œuvre : cela permet d’identifier les politiques et mesures concrètes à court terme qui déclencheront les transformations nécessaires à long terme

Michel Colombier, directeur scientifique de l’Iddri

 

2. Le projet MILES identifie les principaux leviers favorisant ces transformations sectorielles.

  • Une transition en douceur vers 2 °C nécessite une accélération des redirections d’investissements dans le secteur énergétique avant 2030. Par exemple, l’étude mexicaine montre que pour atteindre ses objectifs nationaux d’atténuation de 2050, qui sont cohérents avec l’objectif des 2°C, le pays devra éviter la construction de centrales à gaz prévues entre 2018 et 2022 dans sa NDC actuelle, et au contraire soutenir l’augmentation régulière de l’approvisionnement en énergies renouvelables avant 2020.

  • La diffusion des principales technologies émergentes à faible intensité de carbone doit être accélérée, ce qui nécessite notamment une meilleure collaboration internationale en matière d’innovation. Si les NDC actuelles prévoient d’ici 2030 une faible percée de certaines technologies bas-carbone émergentes, l’analyse montre bien que ces solutions pourraient jouer un rôle important dans des trajectoires bas carbone après cette date. L’analyse du cas chinois démontre le rôle important de la Capture et Séquestration du Carbone (CSC) après 2030, alors que son déploiement est faible avant cette date dans sa NDC ; cela témoigne du besoin de coordonner rapidement les efforts pour assurer des conditions favorables à leur déploiement, grâce à l’accélération des efforts de recherche, du développement et de la diffusion. Les conclusions de l’étude de l’Union européenne vont dans le même sens en ce qui concerne les véhicules électriques, et font ressortir le besoin de politiques ciblées et d’un développement d’infrastructures approprié favorisant la diffusion accélérée de ces véhicules au cours des 15 prochaines années, et préparant une intensification de cette diffusion après cette date.

  • L’électrification des usages finaux de l’énergie n’est pas suffisamment prise en compte dans les NDC actuelles. C’est particulièrement vrai dans des pays comme le Japon, où l’efficacité énergétique est déjà très élevée et la décarbonation de l’énergie est bien avancée, et où l’électrification représente ainsi une option essentielle à mobiliser pour réaliser des réductions d’émissions supplémentaires.

  • Les mesures d’atténuation qui ciblent également les émissions non liées au secteur de l’énergie sont plus rentables et flexibles. L’analyse sur la Chine montre que les mesures adoptées pour atténuer les émissions liées au secteur de l’énergie conduisent à des réductions limitées pour les autres gaz que le CO2, par exemple le méthane, si bien qu’il est nécessaire de mettre en place des politiques visant spécifiquement les émissions non liées au secteur de l’énergie. L’analyse montre que, même quand de telles mesures sont incluses comme pour l’ agriculture et l’usage des sols dans la NDC du Brésil, le potentiel d’atténuation concret n’est pas quantifié, malgré leur rôle clé dans l’atténuation globale du pays.

 

 

3.  Il est essentiel de tenir compte des transformations détaillées des principaux secteurs émetteurs pour aligner les objectifs climatiques avec les autres objectifs de développement durable, tels que la production alimentaire, la sécurité énergétique, la création d’emplois, la réduction des inégalités, la pollution locale et la préservation de l’eau.  

L’approche sectorielle des NDC renforce la crédibilité des engagements des pays en créant un lien entre les objectifs d’émissions et les objectifs nationaux de développement durable. Il est essentiel de concilier ces différents objectifs pour optimiser le soutien social et politique à la transformation

Teresa Ribera, directrice de l’Iddri

 

Les leçons tirées du projet peuvent aider à éclairer les discussions sur le bilan de l’action collective à l’occasion du dialogue facilitatif de 2018 et favoriser le renforcement de l’ambition d’ici 2020.

Le consortium MILES apporte une contribution majeure au processus lancé par l’Accord de Paris sur le climat. Il renforce la valeur collective des NDC en identifiant les domaines où la coopération internationale pourrait être capitale pour accélérer la transformation nationale vers une transformation bas-carbone. C’est indispensable pour envoyer les bons signaux aux acteurs non étatiques, notamment les investisseurs, et permettre la convergence de leurs propres stratégies avec les objectifs climatiques collectifs

Michel Colombier

 

Le projet MILES

MILES est un projet de 3 ans (2014-2017), coordonné par l’Institut pour le développement durable et les relations internationales (Iddri) et financé par la Commission européenne, qui regroupe des partenaires de recherche des États-Unis, du Japon, de l’Europe, de Chine, d’Inde, du Brésil, du Mexique et d’Indonésie, pour développer des stratégies de développement bas carbone aux niveaux national et mondial. Les institutions partenaires sont les suivantes :

  • COPPE, Universidade Federal do Rio de Janeiro (Brésil)
  • Tsinghua University (Chine)
  • Renmin University and National Centre for Climate Change Strategy and International Cooperation (Chine)
  • Energy Research Institute of NRDC (Chine)
  • The Energy and Resources Institute (Inde)
  • Indian Institute of Management Ahmedabad (Inde)
  • Bogor Agricultural University (Indonésie)
  • National Institute for Environmental Studies (Japon)
  • Research Institute of Innovative Technology for the Earth (Japon)
  • Tempus Analítica (Mexique)
  • Pacific Northwest National Laboratory (États-Unis)
  • Potsdam-Institut für Klimafolgenforschung (études globales)
  • International Institute for Applied Systems Analysis (études globales)
  • Energy - Economy - Environment Modelling Laboratory (études globales)
  • Netherlands Environmental Assessment Agency (études globales)
  • The Euro-Mediterranean Center on Climate Change (études globales)
  • The Sustainable Development Solutions Network (études globales)

Lire le Policy Brief: Beyond emission targets: how to strengthen the ambition of NDCs?

Lire les factsheets: Inside NDCs: national strategies in the light of the Paris Agreement