Alors que la Climate Week se déroule cette semaine à Paris, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et CDC Climat Recherche publient deux rapports qui montrent pourquoi le secteur financier à intérêt à intégrer les enjeux climatiques, en quoi cela pourrait significativement renforcer l’efficacité des politiques publiques pour le climat, et formulent des propositions pour le faire.

Lors du Sommet Climat de New-York en septembre 2014, des investisseurs représentant 24 milliers de milliards de dollars d’actifs sous gestion se sont prononcés en faveur d’un nouvel accord mondial sur le climat et ont demandé aux gouvernements des politiques pour diriger leurs investissements vers l’économie bas-carbone.

Dès juin 2014, la Banque mondiale avait réuni plus de 70 gouvernements et 1000 entreprises et investisseurs pour appeler à un prix mondial du carbone.

Il y a un mois, les Ministres des finances et Gouverneurs des banques centrales du G20 ont demandé au Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board) de travailler sur l’intégration du risque climat dans les pratiques du secteur financier.

Le climat n’est peut-être pas encore au cœur des préoccupations du secteur financier, mais force est de constater que ce secteur est actuellement l’un des plus vocaux sur le sujet. Cela devrait à nouveau se vérifier lors du Climate Finance Day organisé demain à l’UNESCO, 200 jours avant la conférence Paris Climat 2015.

Dans deux rapports de recherche publiés cette semaine, l’Iddri et la CDC Climat Recherche montrent que le secteur financier a intérêt à renforcer encore cette dynamique, que cela revêt un potentiel transformatif important, et donnent des pistes concrètes pour mieux prendre en compte les risques posés par le changement climatique pour la stabilité financière.

Pourquoi le secteur financier a-t-il intérêt à intégrer l’enjeu climatique ?

  • Les impacts physiques du changement climatique, comme la multiplication des évènements climatiques extrêmes, engendrent des catastrophes humaines et économiques significatives, avec des effets systémiques de nature à influer sur la stabilité financière à l’échelle mondiale.
  • Les politiques actuelles et futures pour lutter contre le changement climatique vont inévitablement détruire de la valeur, celle des infrastructures les plus émettrices de gaz à effet de serre. Les montants en jeu atteignant les milliers de milliards de dollars, les secteurs de la finance et du climat ont intérêt à mieux anticiper les dynamiques en jeu.
  • Les opportunités pour le secteur financier vont également être colossales. La transition vers une économie bas-carbone va réclamer des investissements très importants, estimés entre 89 et 93 milliers de milliards de dollars d’ici à 2030 dans le récent rapport de la New Climate Economy.

Dès lors, comment les institutions qui veillent sur les marchés financiers (G20, FMI, OCDE, banques centrales, etc.) pourraient-elles significativement contribuer à renforcer l’ampleur et l’efficacité de l’action climatique tout en respectant leurs mandats actuels ?

Pour réaliser effectivement les investissements permettant de « décarboner » l’économie, il faut :

  • Favoriser la compétitivité des investissements bas-carbone par rapport à ceux intensifs en carbone, à travers des politiques de demande (taxes carbone, systèmes de quotas d’émissions, politique industrielle, etc.).
  • Créer des conditions favorables pour que les investisseurs et banques réorientent leurs capitaux vers une trajectoire bas-carbone.
  • Créer des produits financiers et des réglementations qui fassent le lien entre cette offre et cette demande de capitaux.

Pour chacun de ces trois leviers, le secteur financier possède des cadres et outils de grande valeur, dans lesquels il s’agit d’intégrer l’enjeu climatique. Les institutions de gouvernance financière sont par exemple bien outillées pour pallier aux distorsions de compétitivité potentiellement induits par des différentiels de politiques fiscales à l’échelle des pays, grâce à des mécanismes de coopération à l’échelle internationale. Quant au meilleur alignement de l’offre de capital avec les enjeux climatiques (en intégrant mieux le risque carbone, par exemple dans les collatéraux des banques centrales) ou la création de produits financiers (par exemple des obligations vertes), c’est là leur cœur de métier.

Parallèlement à l’atteinte de l’objectif de 100 milliards de dollars d’ici à 2020 et la capitalisation du Fonds Vert, la question est bien d’opérer une transition profonde de l’ensemble de l’économie mondiale et des flux gérés par le secteur financier. Dans leurs rapports de recherche publiés cette semaine, l’Iddri et CDC Climat Recherche montrent que l’internalisation de l’enjeu climatique par le secteur financier est à la fois souhaitable, faisable, et synergique.