L’UE est-elle sur les rails d’une décarbonation compatible avec l’objectif des 2°C ?
Et comment se replacer sur la bonne voie…

Bruxelles, 8 novembre 2016 – L’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) publie aujourd’hui un rapport évaluant les progrès réalisés par l’UE pour atteindre ses objectifs climatiques à l’horizon 2030 et 2050. Ce travail a été mené en coopération avec 7 autres instituts de recherche dans 6 États membres : E3MLab/ICCS (Grèce), ENEA (Italie), UCL (Royaume-Uni), ENERDATA (France), Grenoble Applied Economics Lab (France), Europa (Pologne), Institut Wuppertal (Allemagne).

 

Principaux résultats

L’UE a fait des progrès importants en ce qui concerne la décarbonation structurelle de son système énergétique. Cette amélioration est particulièrement remarquable pour le secteur de l’électricité, où l’intensité carbone de la production d’électricité a chuté de 20,9 % entre 2000 et 2014.

Malgré ces progrès, l’UE n’est actuellement pas « sur les rails » pour atteindre ses objectifs d’ici 2030 et 2050. Pour un grand nombre d’indicateurs évalués, les changements suivent un rythme insuffisant. Une grande partie de la réduction des émissions totales résulte d’effets conjoncturels plus que d’une décarbonation structurelle, et notamment de la crise financière et de la lente reprise qui a suivi. La préparation des options de décarbonation à long terme, visant par exemple à décarboner les procédés industriels et la production de matériaux, est insuffisante. Même dans le secteur de l’électricité, où le développement des énergies renouvelables a été impressionnant, l’amélioration de l’intensité carbone doit s’accélérer pour passer de près de 1,8 % à environ 3 % par an dans les dix prochaines années. Dans le secteur des transports, l’UE est en retard par rapport aux besoins, l’amélioration de l’intensité énergétique du transport de voyageurs n’étant que d’environ 0,8 % par an, quand elle devrait atteindre près de 1,8 % par an au cours de la prochaine décennie pour réaliser les objectifs de 2030 et de 2050 de l’UE.

L’Europe a fait des progrès considérables, mais de nouvelles politiques sectorielles sont nécessaires pour lui permettre d’atteindre ses objectifs à long terme, en particulier dans les transports et l’industrie

Teresa Ribera, directrice de l’Iddri

 

Implications politiques

L’UE et les États membres doivent revoir en profondeur leur approche de la décarbonation en se recentrant sur les principaux moteurs d’émissions dans chaque secteur. L’UE a besoin d’une série de nouvelles politiques innovantes en matière de mobilité propre. Par exemple, parallèlement à un objectif ambitieux de réduction des émissions de CO2 d’au moins 70 grammes par kilomètre d’ici 2025, l’UE devrait définir un cadre pour l’achat de véhicules publics et commerciaux 100 % électriques d’ici 2025.

De même, il convient de renforcer les objectifs, le financement et le suivi de la modernisation de l’efficacité énergétique ainsi que le remplacement des combustibles dans les bâtiments.

En soi, les objectifs agrégés d’émissions ne donnent pas un élan suffisant pour la décarbonation structurelle du système énergétique de l’UE

Thomas Spencer, directeur du programme Climat de l’Iddri et co-auteur du rapport

 

Les propositions actuelles pour la mise en œuvre du Cadre pour le climat et l'énergie à l'horizon 2030 (« paquet 2030 ») doivent être adoptées dans leur forme la plus ambitieuse, afin de remettre l’UE sur la bonne voie. Cela concerne particulièrement les objectifs de l’UE en matière d’efficacité énergétique. L’adoption de l’objectif sous sa forme actuelle, c’est-à-dire entre 27 % et 30 % d’économies d’énergie d’ici 2030, correspondrait à un ralentissement du rythme des gains de productivité énergétique pour l’UE. Le système communautaire d’échange de quotas d’émissions a besoin d’être renforcé pour que le risque de prix du carbone bas et inefficaces ne persistent pas jusqu’à la fin des années 2020.

Une refonte radicale des politiques actuelles de l’UE est nécessaire pour décarboner les industries à forte intensité énergétique et exposées aux échanges commerciaux, telles que l’acier. Cela doit inclure une attention renouvelée aux mesures visant à induire une demande du marché, afin de créer un marché pour les matériaux et procédés sobres en carbone.

L’UE devrait envisager des politiques visant à éliminer le charbon de la production d’électricité, étant donné l’absence d’un tel signal dans le système européen d’échange de quotas d’émissions. D’ici 2030, le charbon doit diminuer de plus de 50 % pour faire place à des sources d’électricité sobres en carbone.

 

Une méthodologie innovante

L’analyse en profondeur des transformations des systèmes énergétiques de tous les secteurs et tous les États membres a permis de réaliser l’une des évaluations les plus complètes, robustes et révélatrices de la “performance climatique” de l’UE dans le secteur de l’énergie à ce jour 

Roberta Pierfederici, chercheure à l’Iddri et co-auteur du rapport

 

Le projet a ainsi analysé des dizaines de milliers de données afin d’identifier quels changements structurels étaient nécessaires pour une trajectoire du système énergétique compatible avec l’objectif des 2°C en Europe. Ces données ont ensuite été comparées aux tendances actuelles des émissions, pour chaque secteur et chaque État membre.