J'ai connu Michel Mousel à Sciences Po, au début des années 1960. Il présidait alors l'assemblée générale des étudiants de Sciences Po, rattachée à l'UNEF. C'était non seulement le temps des combats syndicaux pour la promotion du statut de l'étudiant, mais également celui de la lutte contre la guerre d'Algérie, contre l'emploi de la torture, pour l'engagement étudiant dans la sortie du colonialisme.

Quelques années plus tard, il fut élu président de l'UNEF, une position syndicale d'importance dans la France pré-1968.

Il militait au Parti socialiste unifié (PSU), créé à l'initiative de Michel Rocard. Le PSU, issu d'une réaction contre l'implication de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) dans la guerre l'Algérie et d'une critique sans faille du stalinisme, a été la matrice de la gauche autogestionnaire, attachée à la démocratie participative, à l'engagement citoyen, à la décentralisation et à la diffusion des pouvoirs, autant d’idées qu'on retrouve dans la philosophie du développement durable.

À sa sortie de l'École nationale d’administration (ENA), Michel Mousel a intègré la Direction de la prévision du ministère des Finances, alors auréolée du prestige d'avoir conçu et mis en place la comptabilité nationale après 1945. Elle était la « tête pensante » du ministère. Ceux qui y servaient, loin de rechercher le pouvoir et la carrière, étaient imprégnés du souci collectif de donner une solide base scientifique à la politique économique de la France.

Les passerelles étaient nombreuses entre la Direction de la prévision, le Commissariat général au Plan, le Club Jean Moulin, think tank réputé de l'époque, et les cercles politiques progressistes qui cherchaient soit à moderniser la gauche, soit à donner une coloration plus sociale au gaullisme alors au pouvoir. Déjà, le passage entre think tank, haute administration et politique était d'actualité.

Les années 1970 virent la création du Parti socialiste du congrès d’Épinay et le ralliement de Michel Rocard en 1974, tandis qu'Huguette Bouchardeau, puis Michel Mousel maintenaient en vie la petite maison du PSU, petite mais féconde en hommes et femmes de qualité et en idées innovantes.

Après 1981, et deux ans de non politique environnementale, le besoin se fit sentir de relancer le thème de l'environnement. Michel Mousel devint le directeur de cabinet de la nouvelle secrétaire d'État, Huguette Bouchardeau. Pour le ministère de l'Environnement, sorti terriblement affaibli d'une fusion inégale avec l'Équipement, privé de moyens, sans service international, alors même que décollait la politique internationale et européenne de l'environnement avec notamment la négociation sur les pluies acides et la protection de la couche d'ozone, l'arrivée de cette nouvelle équipe a représenté une ouverture bienvenue. En 1985, la loi Bouchardeau sur la démocratisation des enquêtes publiques a symbolisé l'intérêt pour une approche citoyenne et participative des questions d'aménagement et d'environnement.

Après la nomination de Michel Rocard en 1988 comme Premier ministre et de Brice Lalonde comme ministre de l'Environnement dont je dirigeais le cabinet, c'est tout naturellement que nous avons pensé à Michel Mousel, qui s'était imprégné des enjeux environnementaux en les enrichissant de sa vision d'économiste, pour piloter la Direction de l'eau et de la prévention des pollutions. Il y a fait preuve d'un grand brio. On lui doit la relance des agences de l'eau, qui avaient beaucoup pâti de la restriction de leurs ressources. On lui doit aussi un engagement sans faille dans la négociation de la Directive européenne sur les eaux usées de 1991 qui a permis d'accomplir un progrès décisif dans l'équipement des villes françaises en stations d'épuration.

C'est à nouveau à lui que le gouvernement fait appel pour mettre sur pied et présider la nouvelle Ademe (aujourd’hui Ademe-Agence de la transition écologique), issue de la fusion de l'Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME), de l'Agence nationale pour la récupération et l’élimination des déchets (ANRED) et de l'Agence pour la qualité de l’air (AQA). Fusionner des agences de cultures, de statuts et de moyens différents est toujours un défi. Michel Mousel y a mis tout son savoir-faire administratif et financier, son souci de l'humain, ses capacités diplomatiques. L'Ademe a été mise sur de bons rails et joue depuis un rôle majeur dans les politiques de développement durable en France.

Il adhère sans réserve à la philosophie du développement durable qui s'exprime dans l'Agenda 21 adopté à la Conférence de Rio en 1992, dans lequel on retrouve bien des thèmes qui lui sont chers, en particulier la participation des acteurs et les liens entre économie, équité sociale et protection de la biosphère. Et c'est très logiquement qu'après Rio, il s'efforce de mobiliser la société civile en créant l'Association 4D - Dossiers et Débats pour le Développement Durable, qui rassemble militants associatifs, chercheurs, experts, syndicalistes, fonctionnaires, cadres du secteur privés, pour analyser et débattre des enjeux du développement durable.

Il reprend une position publique de haut niveau en présidant la Mission interministérielle de l'effet de serre (MIES) entre 1997 et 2002, s'efforçant de mobiliser les ministères pour la mise en œuvre de la Convention climat et le protocole de Kyoto, avec la crédibilité que lui donner son parcours.

Un engagement multiple, une vie rectiligne au service d'un idéal social, une personnalité attachante, pétrie d'humanisme, un militant authentique de la cause environnementale et sociale, un engagement exemplaire et inspirant.