Alors que la Semaine du climat et de la nature vient de s’achever à Paris et que la COP 30 débute dans quelques jours au Brésil (Iddri, 2025a), les questions de mise en œuvre du cadre et du droit international sur le climat se font toujours plus pressantes. Les contributions déterminées au niveau national que les pays étaient censés rendre en février dernier attestent de ces enjeux de faisabilité politique de la transition et de barrières structurelles au niveau national, de même que les demandes répétées de mettre les questions de financement à l’agenda, comme élément structurant de la capacité des pays à délivrer l’action climatique. Les blocages dans les discussions et la difficulté à avancer sur la transition sont-ils le signe que la dynamique instaurée par l’Accord de Paris est cassée ? 

Une dynamique à soutenir

Le diagnostic réalisé par l’Iddri (Iddri, 2025b) le dément : l’Accord de Paris sur le climat a bel et bien créé l'espace juridique et politique nécessaire à une action mondiale coordonnée, conçu pour guider via une direction de long terme, catalyser les efforts de pans entiers de l’économie, et créer une dynamique, en particulier au sein des processus nationaux. L'impact est visible, dans les avancées considérables en matière de technologies vertes, l'électrification massive, l’évolution des consciences et des comportements et, in fine, une trajectoire de hausse des températures d’ici la fin du siècle réduite de +4 °C à +2,1-2,8 °C. Et le rapport annuel de l’Initiative Deep Decarbonization Pathways (DDP-Iddri, 2025) sur la transition en cours dans une vingtaine de pays le confirme : l'Accord de Paris a façonné les contextes nationaux avec la mise en place quasi universelle de cadres juridiques, politiques et de gouvernance dédiés – mécanismes de coordination interministériels ou organismes indépendants de conseil et d’évaluation – visant à soutenir l'action climatique. 

Alors, que dire des frustrations liées au retard des contributions déterminées au niveau national (NDCs en anglais), à leur manque d’ambition1, de ces négociations qui semblent patiner, de ces signes de retour en arrière sur l’engagement climatique des puissances hier leaders, alors même que le constat est sans appel : nous ne sommes pas sur la trajectoire de réduction des émissions compatible avec la science et les objectifs de l’Accord de Paris.

On pourrait parler de géopolitique adverse et de cycle vicieux de désengagements (comme l’Accord de Paris avait en son temps bénéficié d’un cycle vertueux d’engagements). Mais, plus fondamentalement, ce qui est en jeu, ce sont les puissants intérêts qui se disputent l’accès aux marchés d’économies de plus en plus orientées vers la décarbonation, au même titre que la compétitivité et la sécurité (Iddri, 2025c). Ces signaux faibles donnent aussi à voir les déséquilibres à la fois macroéconomiques et socioéconomiques que la double transition – verte et numérique – engendre : les surcapacités, les guerres commerciales et la course aux matières premières, la concentration des investissements internationaux qui n’atteignent pas les pays en développement, les impacts sociaux et sociétaux que les changements structurels de mobilité, d’accès à l’énergie, de modes de production et de consommation et d’emploi génèrent.

Une dynamique est en cours, mais elle est perturbatrice et a besoin que l’on se penche davantage sur ses impacts redistributifs, ses effets de bord, et les instabilités qu’elle crée. Ce que la « mise en œuvre » du droit international implique au sein des pays et à l’international doit être pris au sérieux, non comme un aspect secondaire de la transition, mais comme la traduction d’un changement systémique en marche qu’il faut soutenir tout en en gérant les coûts et leur partage et en corrigeant les effets inattendus.

Des solutions internes et externes à la CCNUCC

Alors oui, dans ce contexte, nous avons encore besoin des COP et que les pays se parlent – la négociation de nouvelles directions n’étant pas la seule motivation à la coopération internationale. Une meilleure orchestration des efforts existants est critique, y compris ceux entrepris hors de la Convention Climat (CCNUCC) dans les multiples organisations internationales qui détiennent les pièces du puzzle climatique au niveau sectoriel (telles que l’Organisation maritime internationale ou l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) ou en termes de politiques transversales (telles que les institutions de Bretton Woods ou l’Organisation mondiale du commerce) (Iddri, 2025d). Comme l’est l’identification des barrières à la mise en œuvre au niveau national ou sectoriel et la reconnaissance d’un besoin d’apprentissage réciproque et de partenariats spécifiques pour identifier des solutions et remédier aux blocages (Iddri, 2025e). Ce sont autant de domaines qui peuvent et doivent être abordés en marge des COP. 

Les solutions sont multiples et à portée de main – ce n’est pas insurmontable au vu du chemin parcouru. Cela doit certainement s'accompagner d'une réorientation des processus de la CCNUCC existants, y compris une utilisation des différents plans d’action et de transparence soumis par les pays pour mieux identifier les barrières à la transition et leurs solutions. Le potentiel du Programme de travail sur la transition juste de la CCNUCC2 doit en outre être mieux exploité pour intégrer des considérations socio-économiques dans les politiques climatiques (Iddri, 2025f). Et la création de fora COP de mise en œuvre au niveau régional ou entre pays similaires pourrait générer un cadre de confiance pour l’échange et peut être pour la revue critique entre pairs et conforter ainsi un apprentissage collectif et une émulation réciproque. Mais cela passe aussi par la reconnaissance des limites du processus de la CCNUCC, et du besoin de continuer à porter l’agenda climatique hors de la CCNUCC au sein des autres organisations internationales, ainsi que d’institutionnaliser des plateformes d’échanges entre communautés politiques telles que celle établie par le Brésil sous sa présidence du G20 et en vue de la COP 30 visant à rassembler les ministres des finances et ceux en charge du climat.