Le 1er janvier 2017, les Objectifs de développement durable (ODD) ont fêté leur premier anniversaire d’entrée en vigueur. À cette occasion, l’Iddri dresse un premier bilan des initiatives menées pour répondre à ce nouvel agenda international du développement durable. Première épisode de cet exercice : la mise en œuvre des ODD par les gouvernements nationaux.

 

Transformateurs, universels, interconnectés et holistiques : voici les principaux attributs des 17 objectifs et 169 cibles des ODD. Avec un tel niveau d’ambition, la tâche des gouvernements nationaux, acteurs essentiels de leur mise en œuvre, s’annonce donc ardue. Comment s’y prennent-ils pour essayer de répondre à ce nouvel agenda ? Quels sont les points sur lesquels ils sont les plus avancés et ceux qui posent le plus de difficultés ? Afin de répondre à cette question, l’Iddri s’est penché sur les rapports d’avancements des 22 pays volontaires à l’exercice de revue nationale lors de la dernière session du Forum politique de haut niveau (FPHN), analysée dans un précédent billet (Bilan du Forum politique de haut niveau (FPHN).
 

ODD, les points positifs

Sans soutien politique des plus hautes instances de représentation de l’État, il y a peu de chances que les processus de mise en œuvre des ODD influencent les politiques nationales. De ce point de vue, la dernière session du FPHN a montré des signes encourageants, puisque les pays étaient représentés par des responsables politiques de haut niveau : sur les 22 pays ayant présenté leur rapport d’avancement, 10 étaient représentés par un ministre, celle de l’Environnement en France par exemple ; étaient également présents le Premier ministre norvégien, ainsi que le vice-président de la République vénézuélienne.

L’importance politique accordée aux ODD se manifeste également au sein des entités de coordination nationales : dans la moitié des pays, les ODD sont sous la responsabilité directe du Premier ministre ou du Président. Ce haut niveau de coordination favorise, en théorie du moins, la cohérence des politiques publiques. Rappelons en effet que les principes phares des ODD sont l’universalité et l’indivisibilité. Concrètement, il faut éviter qu’une politique sectorielle ait des effets négatifs sur d’autres secteurs (les politiques agricoles sur la biodiversité par exemple), mais aussi sur la réalisation des ODD dans les autres pays. Confier la responsabilité de la mise en œuvre des ODD au chef du gouvernement plutôt qu’à un ministère spécifique répond à cette exigence de cohérence globale.

Les aspects sur lesquels les pays sont les moins avancés

Les ODD ne sont pas uniquement l’affaire des gouvernements. Société civile, entreprises, collectivités locales et parlementaires sont autant de parties prenantes à la mise en œuvre de cet agenda, à la fois en tant qu’acteurs de la transformation – atteindre les ODD demandent des efforts de tous – et catalyseurs de l’émulation collective : les ONG ont ainsi un rôle fondamental de surveillance et de plaidoyer pour inciter les gouvernements à prendre leurs responsabilités. Or, si les pays mentionnent généralement dans leurs rapports la nécessité d’impliquer les différentes parties prenantes, les modalités de cette implication varient fortement. En ce qui concerne les ONG par exemple, certains pays comme le Togo, le Maroc ou la Turquie se contentent de les consulter de manière ponctuelle, généralement en aval des discussions au sein du gouvernement. D’autres pays, à l’inverse, les intègrent de manière plus pérenne, à l’instar de la Sierra Leone qui a mis en place un comité de pilotage comprenant des représentants d’associations. Même chose pour les parlementaires, dont le rôle dépasse rarement celui de la consultation. On note néanmoins l’initiative très prometteuse de la Norvège, qui a choisi de structurer l’élaboration et la discussion budgétaire autour des ODD, ce qui donne un rôle important aux parlementaires dans leur suivi.

De plus, un prérequis pour que chaque pays réponde aux ambitions des ODD est de faire une évaluation nationale de l’écart par rapport à l’objectif, évaluation appelée gap analysis dans la novlangue des ODD. Une gap analysis a pour objectif d’identifier en quoi les ODD renouvellent les ambitions nationales (est-ce que les ODD vont au-delà des objectifs fixés au niveau national ?), mais aussi et surtout d’évaluer l’état d’avancement du pays par rapport à chaque cible. Globalement, les pays sont peu avancés dans la réalisation de ces gap analysis (pour un exemple de gap analysis, voir cette publication de l'Iddri : La France passera-t-elle le test des Objectifs du développement durable (ODD) ?). La plupart ont initié le processus, mais rares sont ceux (Estonie, Norvège, Finlande, Sierra Leone) à avoir fait un véritable état d’avancement. Enfin, les réflexions sur les mécanismes de suivi des progrès et des engagements des gouvernements sont encore à un stade embryonnaire.


ODD, les incertitudes demeurent

Ce premier exercice de revue nationale volontaire au FPHN a montré que de nombreuses incertitudes demeurent pour ce qui concerne la mise en œuvre des ODD. Par exemple, 6 des 22 pays qui ont fait cet exercice de revue nationale n’ont pas encore défini l’entité en charge de la coordination et du pilotage : la Chine, l’Ouganda, les Îles Samoa, le Togo, la Turquie et le Venezuela. Dans le cas de la France, la situation est ambiguë dans la mesure où la Commissaire générale au développement durable en charge des ODD est rattachée au ministère de l’Environnement tout en étant déléguée interministérielle au développement durable sous la responsabilité du Premier ministre. De plus, si la quasi-totalité des pays – à l’exception de la France – a identifié les documents stratégiques utilisés pour intégrer les ODD (principalement les stratégies nationales de développement durable et les plans nationaux de développement), rien n’est dit sur la manière dont les ODD vont les transformer, ni sur la capacité desdites stratégies à influencer les politiques publiques et les grands investissements. Cet enjeu est d’autant plus important que les stratégies nationales de développement durable ont eu historiquement un poids politique assez faible. Que vont apporter en plus les ODD ? Cette question centrale est pour le moment éludée.


Les États sont au tout début de la mise en œuvre des ODD ; il est beaucoup trop tôt pour dresser un bilan définitif. Mais si certains éléments sont encourageants, d’autres suggèrent que beaucoup d’efforts restent à faire et que de nombreuses incertitudes subsistent. De plus, les ODD n’auront d’impact que si tous les acteurs – entreprises, ONG, syndicats, parlements, collectivités et autres – se saisissent des opportunités qu’ils recèlent, les utilisent dans leurs stratégies. Où en sont ces parties prenantes ? À suivre dans la « série ODD » de l’Iddri !