À l’occasion de la récente présentation du projet de loi de finances pour 2018, l’Iddri revient sur la question de l’évaluation des politiques budgétaires et montre le rôle potentiel des Objectifs de développement durable (ODD) pour organiser le débat autour du budget.

Le 27 septembre dernier, le gouvernement a présenté le projet de loi de finances pour 2018 en Conseil des ministres. Ce premier « budget Macron » a donné lieu à de nombreuses analyses, commentaires et prises de parole tant du monde médiatique qu’associatif ou politique. Impact sur les inégalités de revenus, pertinence de l’allocation des moyens pour l’éducation, conséquences pour l’aide au développement… Les sujets d’examen ne manquent pas ! Néanmoins, il est beaucoup plus rare (et compliqué) d’avoir une évaluation cohérente de l’ensemble de ce projet budgétaire, autrement dit une vision globale sur ce que signifie ce budget pour le progrès et le bien-être individuel et collectif des Français. Les ODD, dont nous venons de fêter la deuxième année d’existence, seraient un moyen de remédier à cette limite.


Les ODD, un cadre d’évaluation global et cohérent du progrès

En adoptant les ODD en septembre 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a fait un pas historique : pour la première fois, l’ensemble des États du monde se sont mis d’accord sur une vision commune du progrès, détaillée à travers 17 objectifs, 169 cibles et mesurée par plus de 200 indicateurs. Outre le fait de constituer un agenda mondial pour le développement, l’un des intérêts des ODD est de fournir un cadre d’évaluation de la cohérence des politiques publiques. Chaque objectif repose en effet sur des cibles qui associent différentes dimensions du développement durable, ce qui permet de prendre en compte les interrelations entre les politiques publiques. L’objectif 9 « Infrastructures et industrialisation » rappelle ainsi qu’une politique d’industrialisation a non seulement des impacts sur l’emploi et la croissance, mais aussi sur les inégalités (à travers l’accès aux infrastructures) ou sur la production et la consommation durables (à travers l’utilisation efficace des ressources).

Les ODD, un outil intéressant dans le cadre du débat budgétaire

Le caractère multidimensionnel des ODD en ferait ainsi un outil pertinent pour organiser le débat budgétaire. Plusieurs pays commencent ainsi à les utiliser en ce sens, tandis que d’autres en expriment la volonté (voir par exemple notre analyse des rapports nationaux volontaires lors du Forum politique de haut niveau de 2016). En ce qui concerne la France, nous avons pu constater un intérêt grandissant de la part des parlementaires. La présidente de la Commission développement durable à l’Assemblée nationale, Barbara Pompili, a d’ailleurs annoncé sa volonté d’utiliser les ODD dans le cadre du débat budgétaire de 2019.

Aller au-delà de l’existant

L’idée de disposer de nouveaux cadres d’indicateurs permettant de mieux évaluer le progrès n’est pas propre aux ODD. Plusieurs pays et organisations internationales se sont ainsi lancés depuis le début des années 2000 dans une réflexion sur de « nouveaux indicateurs de richesse » visant à mesurer de manière plus fine et complexe l’ensemble des dimensions du progrès. En France, ces réflexions ont débouché sur l’adoption de la loi Sas en 2015, qui oblige le gouvernement à soumettre à la Commission des finances du Parlement un rapport concernant dix indicateurs de richesse à l’occasion de chaque proposition budgétaire. Après deux ans d’existence, ce rapport est encore peu mobilisé dans les discussions parlementaires sur le budget. La perspective d’intégrer des ODD dans le cadre du débat budgétaire doit donc être envisagée en prenant en compte l’existant : comment faire en sorte que les ODD aient une réelle plus-value et ne constituent pas une énième couche d’indicateurs sans prise sur le débat public ? Comment les articuler avec les indicateurs existants ? À quel moment de l’exercice budgétaire doivent-ils être utilisés, et pour faire quoi ? Autant de questions que l’Iddri va explorer au cours des prochains mois, notamment la manière dont d’autres pays les utilisent.