La France accueillera ces prochains jours à Nice la 3e Conférence des Nations unies sur l’océan, dans un contexte marqué à la fois par des avancées récentes sur la conservation et la gestion durable de l’environnement marin, mais également des dynamiques géopolitiques qui fragilisent la coopération internationale. 

30 000 personnes attendues, plus de 150 pays représentés, une soixantaine de chefs d’État et de gouvernement, des événements parallèles par centaines : la Conférence de Nice s’annonce comme un moment fort pour la mobilisation internationale autour des enjeux côtiers et marins. Pour comprendre la portée et le périmètre de cet évènement, il convient tout d’abord de bien en saisir le contexte. 

En 2015, les États membres des Nations unies ont adopté l’Agenda 2030 pour le développement durable, notamment constitué de 17 objectifs thématiques parmi lesquels l’Objectif de développement durable (ODD) 14 : « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ». Cet objectif comprend plusieurs cibles visant, par exemple, à lutter contre les pollutions marines, à conserver les écosystèmes côtiers et marins, à réduire l’acidification de l’océan, à mettre fin à la surpêche et à approfondir les connaissances scientifiques. Dès décembre 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution convoquant une première Conférence des Nations unies sur l’océan pour soutenir la mise en œuvre de l’ODD 14. Après une première édition en 2017 à New York, une deuxième en 2022 à Lisbonne, c’est cette fois la France, en partenariat avec le Costa Rica, qui accueille l’UNOC, toujours dans l’objectif d’évaluer et d’accélérer la mise en œuvre de l’ODD 14. 

L’UNOC n’est donc pas une Conférence des Parties (COP) – car elle n’est pas liée à un traité spécifique – ni une enceinte formelle de négociation : c’est un moment de bilan pour la communauté internationale, visant à faire le point sur la trajectoire prise par les États au regard des cibles de l’ODD 14, qui se conclura par une déclaration politique finale dont le contenu, en cours de finalisation, appellera à l’accélération des efforts pour la conservation et la gestion durable de l’océan. Un processus onusien assez classique, en somme, encadré par des procédures et des règles formelles, qui laisse peu de place à l’innovation mais qui a le mérite d’instituer un rendez-vous régulier pour évaluer les actions entreprises à la lumière des objectifs fixés en 2015. 

Mais, au-delà, l’UNOC constitue traditionnellement un moment où les États qui co-président cherchent à utiliser le momentum pour inscrire des sujets à l’agenda politique, et susciter des engagements et des « accélérations » sur certaines dossiers. C’est ce que la diplomatie française s’attache à construire depuis de nombreux mois déjà et dont on pourra apprécier la portée et l’importance après l’évènement. À cet égard, la France – son Président en tête – a à maintes reprises formulé le souhait que l’UNOC coïncide avec la 60e ratification du traité haute mer, condition pour son entrée en vigueur. À ce jour1, 22 États ont déposé leur instrument de ratification et, si l’on en attend de nouvelles prochainement, on risque cependant d’être encore loin du compte. Les processus de ratification impliquent des procédures nationales souvent complexes et lourdes, dont beaucoup ont été retardées en raison des nombreuses élections nationales organisées en 2024 : on ne peut donc légitimement blâmer la diplomatie française pour ne pas avoir tenu sa « promesse », et on peut espérer que l’accélération liée à l’UNOC permettra l’entrée en vigueur du traité d’ici la fin de l’année. 

Des avancées sont néanmoins attendues sur d’autres sujets. La science sera à l’honneur lors d’un évènement dédié du 3 au 6 juin et les annonces devraient être nombreuses dans le domaine de la recherche, sur le rôle des solutions spatiales au service de l’océan (Space4Ocean) ou encore sur l’interface science-décision à travers le Panel International pour la durabilité de l’Océan (IPOS) qui sera officiellement lancé. Le secteur privé sera également mobilisé, en particulier lors du Forum sur l’économie et la finance bleues qui se tiendra à Monaco, les 7 et 8 juin. Parmi les initiatives attendues, une coalition des représentants de l’industrie touristique devrait pour la première fois inscrire les exigences de durabilité du tourisme maritime et côtier au cœur de l’agenda international Océan. Une autre coalition, cette fois constituée d’élus des principales villes et régions côtières, devrait également voir le jour à Nice, à l’issue d’un sommet sur l’élévation du niveau de la mer organisé le 7 juin. Sans doute l’UNOC sera-t-elle par ailleurs une opportunité pour les représentants étatiques de dialoguer informellement sur les sujets « chauds » du moment, notamment le futur traité plastiques (Iddri, 2024), dont une prochaine session de négociation est prévue en août à Genève, les enjeux liés aux ressources minérales des fonds marins et le débat ravivé par un récent décret du Président américain2, ou encore la préparation à l’entrée en vigueur du traité haute mer. 

La Conférence de Nice devrait donc constituer un temps fort de l’engagement international sur les questions liées aux zones côtières et aux milieux marins. Dans un format onusien assez classique, le segment formel aura le mérite de faire un point d’étape sur la mise en œuvre de l’ODD 14. L’agenda parallèle, construit par la diplomatie française et nourri par des États qui souhaiteront venir en France avec des engagements concrets à annoncer, devrait quant à lui marquer des « accélérations » et le lancement de nouvelles initiatives pour la conservation et la gestion durable du milieu marin et côtier. Enfin, les rencontres informelles et discussions de couloir pourraient mener à de nouveaux partenariats, non seulement entre États, mais également avec les acteurs de la société civile. 

Pays hôte, la France devrait profiter de l’engouement suscité par l’organisation de cet évènement qui réunira des milliers de personnes, représentants de pays, scientifiques, ONG, membres du secteur privé et citoyens. Sa politique maritime et côtière n’est pourtant pas toujours exemplaire et de nombreuses voix s’élèvent actuellement, à juste titre, pour critiquer le manque d’ambition de son réseau d’aires marines protégées, la pollution du milieu marin par les activités terrestres  ou encore les trop nombreuses subventions néfastes qui contribuent à la détérioration de la santé de l’océan. La France est donc également attendue au tournant et elle devra nécessairement faire quelques annonces si elle souhaite que les discours de ses représentants officiels ne soient pas en décalage avec ses propres pratiques. 

Dans un monde aujourd’hui fragilisé par les tensions, les clivages et les incertitudes, les occasions de faire vivre le multilatéralisme sont précieuses et doivent être saisies pour renforcer la coopération internationale et le dialogue entre les parties prenantes. C’est dans cet esprit que l’UNOC doit être mobilisée afin d’aboutir à des avancées concrètes pour la protection de l’océan et des côtes.

Plus d’informations sur la participation de l’Iddri à l’UNOC