L’océan tempère le réchauffement global du climat au prix d’une altération profonde de son fonctionnement physique et chimique, de ses écosystèmes et des services qu’ils fournissent à l’humanité (pêche, aquaculture, tourisme littoral, protection côtière, etc.). Les niveaux d’impacts d’ici la fin du siècle dépendront fortement de la trajectoire mondiale d’émissions de gaz à effet de serre que l’humanité suivra d’ici là [1]. Or, lors de la COP21, les pays se sont engagés à limiter l’augmentation de température de la planète à « moins de 2°C d’ici 2100, voire à 1,5°C ». Quelles sont les implications d’un tel engagement pour l’océan ?
C’est la question à laquelle des chercheurs de l’Iddri et de l’Initiative Oceans 2015  répondent dans un article récemment paru dans la revue Nature Climate Change. Ils montrent que la mise en œuvre de scénarios d’émissions de gaz à effet de serre tirés des « contributions nationales » des pays en 2015 (les INDCs) engendreraient, d’ici à la fin du siècle, une multiplication par 2,2 à 2,5 du niveau de risque d’impact actuel sur l’océan et les sociétés. Cela représente une différence significative par rapport au scénario « basses émissions » – connu sous le nom de RCP2.6 et qui est en accord avec une augmentation de température de l’ordre de +2°C d’ici la fin du siècle par rapport à la période pré-industrielle – qui multipliera par 1,4 le niveau de risques d’impact actuel. Cette analyse renforce bien entendu le discours sur l’impératif de révision à la hausse des « contributions nationales » en termes d’émissions de gaz à effet de serre, que l’Accord de Paris cherche à favoriser à travers un cycle de révision quinquennal à partir de 2020. Elle permet par ailleurs d’insister sur deux points.
D’abord, la « communauté océan » a un rôle important à jouer dans le processus de négociations climatiques post-2015 : dans la lignée des efforts qu’elle a engagés dans le cadre de la préparation de la COP21, et avec pour objectif de poursuivre la mobilisation et l’action en faveur de modèles de développement compatibles avec une hausse des températures de +2°C au maximum d’ici la fin du siècle. Le processus politique de révision des engagements des pays doit être alimenté de manière continue par des analyses scientifiques sur les futurs « à éviter » et « à espérer ».
Ensuite, l’Accord de Paris et sa mise en œuvre constituent une opportunité majeure pour passer de trajectoires d’émissions « théoriques » à « réalistes », c’est-à-dire reflétant mieux la réalité et l’évolution des décisions prises dans le cadre des négociations climatiques. Ce processus devrait permettre à la communauté scientifique « océan » de développer des scénarios de risques d’impact plus empiriques. Les négociations climatiques et la recherche scientifique peuvent donc se nourrir l’une l’autre « au fil de l’eau ».

Cette relation à double sens contribuera également aux rapports spéciaux que le GIEC va produire d’ici à 2020, l’un sur un monde à +1.5°C, l’autre sur les océans et la cryosphère (c’est-à-dire l’eau à l’état solide). Les négociations climatiques ont en effet besoin d’une vision claire des bénéfices à espérer d’efforts d’atténuation très ambitieux. C’est en partie la responsabilité de la communauté scientifique, et notamment celle qui s’intéresse à l’océan, dont le rôle est fondamental dans la régulation du climat.
  [1]  Lire à ce sujet le billet de blog du 3 Novembre 2015 L’Océan et les négociations sur le climat ainsi que l'article publié dans Science Contrasting futures for ocean and society from different anthropogenic CO2 emissions scenarios