Présentation
Le biométhane, produit notamment à partir de biomasse d’origine agricole, est un gaz bas-carbone renouvelable. En France, il est proposé d’en multiplier sa production par près de 4 d’ici 2030, et par plus de 12 d’ici 2050 pour contribuer à la transition énergétique. Les politiques de méthanisation ont également pour objectifs de réduire les coûts de production et de valoriser économiquement des pratiques agricoles favorables à la transition agroécologique. Cette Étude analyse les tensions et synergies entre ces trois objectifs dans la mise en oeuvre des politiques de méthanisation.
Messages clés
- Les objectifs de production de biométhane en France reposent sur (1) des prospectives énergie-climat qui requièrent toutes au moins 95 TWh de biométhane pour atteindre la neutralité climat, en intégrant une baisse de 50 % de la demande énergétique finale et une forte électrification des usages ; (2) des évaluations de gisement de biomasse qui convergent vers un potentiel mobilisable équivalent à 100 à 170 TWh de biométhane.
- Depuis 2010, la croissance des volumes a été conforme aux objectifs. Cependant, les bénéfices agroenvironnementaux ont été limités et hétérogènes, et des impacts négatifs ont été relevés ; les coûts de production n’ont pas baissé significativement, tandis que le coût du gaz fossile n’a pas augmenté, conduisant à des dépenses publiques de l’ordre de 1 Md€/an.
Atteindre les volumes envisagés à 2030 serait en théorie possible au regard des gisements de biomasse, mais se ferait au détriment des autres objectifs :
• Le coût de production resterait stable en raison (1) des difficultés de mobilisation de la biomasse, déjà existantes ; (2) d’une faible baisse des coûts d’investissement. À soutien public constant, le coût total atteindrait 2 à 3 Mds €/an.
• Les bénéfices agroenvironnementaux resteraient modestes, tandis que la méthanisation, pourrait renforcer le verrouillage des modes de production dans des trajectoires non durables, en particulier si la demande en biomasse pour l’alimentation animale et la pression pour baisser les coûts de production se maintiennent.Par ailleurs, la viabilité économique de la filière pourrait être fragilisée par la variabilité et la tendance baissière des rendements, exacerbées par (1) la pression exercée sur les agroécosystèmes par la hausse de la demande de biomasse et (2) les effets du changement climatique.
- Trois axes de changement pour une production plus durable sont identifiés :
• Une gouvernance territoriale renouvelée pour renforcer : (1) le suivi des projets de méthanisation ; (2) les moyens de mise en oeuvre, afin de réorienter ou stopper les projets défaillants ; (3) la planification territoriale des usages de la biomasse, pour réduire les conflits d’usage.
• Une politique de demande, appuyée sur une hiérarchisation des usages, afin de (1) réduire les usages du gaz méthane dans les secteurs dotés d’alternatives décarbonées et (2) d'encourager les secteurs sans alternative à soutenir une production plus durable via des outils de financement adaptés.
• Une réévaluation régulière du rôle du gaz dans les scénarios énergétiques, et des impacts agroenvironnementaux de la méthanisation, afin de clarifier (1) les arbitrages systémiques associés à une baisse des objectifs de production et (2) les conditions économiques et politiques pour réduire au minimum les impacts négatifs de la méthanisation, tout en favorisant, lorsque c’est possible, certaines dimensions de la transition agroécologique.