Un article dont les résultats présentés sont tirés de la thèse « La frontière pionnière amazonienne aujourd’hui : projet socio-environnemental de conservation forestière contre dynamique pastorale de déforestation. Une analyse stratégique 2000-2006 de l’action collective en Terra do Meio (Pará, Brésil) », soutenue en mars 2008 à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement (AgroParisTech), spécialité Sciences de l’environnement.

Points clés :

L’ÉLEVAGE SUR LE FRONT PIONNIER : UNE ACTIVITÉ ORGANISÉE ET RENTABLE
Les déboisements localisés dans la Terra do Meio (« terre du milieu »), région forestière de 7,9 millions d’hectares, représentent près de 4 % du total enregistré en forêt amazonienne brésilienne. Environ 90 % des surfaces défrichées y sont destinées aux usages pastoraux. La logique économique des grands éleveurs pionniers de la région (les fazendeiros) repose sur trois composantes : l’élevage au sens strict, soit la « production de bovins » ; la production de pâturages, c’est-à-dire la production de surfaces déboisées pérennes et vouées à l’alimentation animale ; et la spéculation foncière, consistant à impulser et profiter de la hausse fulgurante de la valeur des terres de la région lors de la vente d’une exploitation (la fazenda). Notons que ce dernier point, souvent méconnu, constitue la source principale de revenus pour les éleveurs de la zone étudiée, et ce d’autant plus quand la spéculation est conjuguée à l’entretien de pâturages.

L'ÉLEVAGE SUR LE FRONT PIONNIER : UNE ACTIVITÉ FORTEMENT SOUTENUE PAR DIVERSES AIDES PUBLIQUES
L’activité de déforestation dans la Terra do Meio est soutenue par un ensemble impressionnant d’aides publiques, directes et indirectes. À l’échelle locale, des investissements massifs en infrastructures permettent de désenclaver des zones jusqu’alors inaccessibles. À l’échelon régional, l’État du Pará octroie d’importantes aides fiscales et assure la coordination des actions de lutte sanitaire, afin de répondre notamment au problème posé par la fièvre aphteuse. Enfin, au niveau national, l’État fédéral catalyse l’avancée de l’élevage en contribuant à l’adaptation des systèmes d’élevage aux conditions amazoniennes, par un soutien financier omniprésent et par une politique agro-exportatrice hyperactive.

LA LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION : UNE AGRICULTURE DURABLE ?
En dépit d’un cadre juridique protégeant formellement les forêts du Brésil, la situation dans la Terra do Meio est caractérisée par une illégalité généralisée et croissante. Le Code forestier n’est la plupart du temps pas respecté, faute de cadastre rural et par manque de titres fonciers qui en permettraient l’application. Un nouveau paradigme spécifiquement dédié à l’agriculture familiale s’impose en Amazonie : « développer sans dévaster », en soutenant une agriculture familiale « durable ». L’avancée des défriches serait ainsi freinée, et la spéculation foncière maîtrisée. De nombreux projets pilotes sont mis en œuvre dans ce cadre, mais leur développement se heurte à la force d’entraînement de l’organisation pionnière pour la pastoralisation du territoire, qui génère de nombreux profits pour beaucoup d’acteurs. Le bilan des initiatives durables reste au final mitigé.

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