Le calendrier climatique n'a jamais été aussi chargé, ni aussi dispersé, que le mois dernier. Le mois de juin s'est en effet achevé avec les réunions intersessions de la Convention Climat (CCNUCC) à Bonn, la London Climate Week et un rassemblement des dirigeants municipaux à Paris pour le 10e anniversaire de l'Accord de Paris sur le climat. En lien avec cet agenda climatique, la présidence sud-africaine du G20 a atteint la moitié de son mandat avec un programme de travail qui donne la priorité à la résilience, au rééquilibrage des finances et à une transition juste ; et la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4) se tient actuellement à Séville. Chaque forum met en lumière une facette différente de la transformation dont le monde a besoin pour faire face à l'urgence climatique et constitue une étape importante vers la COP 30 qui se tiendra à Belém en novembre prochain. La question n'est plus de savoir s'il y a suffisamment d'activité et d'espace pour les efforts diplomatiques, mais si ce travail technique et cette dynamique politique peuvent être fusionnés en un package cohérent et crédible qui aboutira en Amazonie avec l'ambition d’aller « plus loin, plus vite, de façon plus juste » comme le recommande Simon Stiell, secrétaire exécutif de la CCNUCC. Ce billet de blog dresse une liste des tâches clés à mener en préparation de la COP 30.

1. Consolider les progrès réalisés dans les négociations techniques 

Les négociations de Bonn n'ont abouti ni à un échec ni à une avancée décisive. Les négociateurs ont fait avancer le nouveau programme de travail pour une transition juste (JTWP) en convenant d'un projet de modalités et en esquissant un mécanisme d'action de Belém, mais ils sont restés divisés sur la question de savoir si la « transition juste » doit être entendue principalement comme un défi de développement ou comme un accélérateur de l'atténuation du changement climatique. Le texte de l'Objectif mondial d'adaptation (GGA) et les indicateurs sous-jacents ont été clarifiés, mais les tensions sur les indicateurs relatifs aux moyens de mise en œuvre ont montré que le financement de l'adaptation devra occuper une place importante dans le résultat final de la COP. Les délégués ont fait un pas en avant vers la mise en œuvre de la coordination des trois conventions de Rio (climat, biodiversité, désertification) et de la logistique du deuxième processus de Bilan mondial (GST-2), mais ne sont pas parvenus à s'entendre sur la manière de suivre la mise en œuvre des résultats du GST-2 ni sur la manière d'aligner le calendrier du 7e rapport d'évaluation du Giec (AR7) sur celui du GST-2. Ajoutez à cela les querelles institutionnelles autour du Comité d'adaptation, et vous obtenez un agenda qui ne peut pas simplement être reporté, mais qui doit être porté au niveau politique pour permettre des progrès substantiels lors de la COP. Néanmoins, le processus avance, lentement mais sûrement, car les Parties continuent d'investir dans son fonctionnement, montrant ainsi que, malgré les frustrations, la CCNUCC reste l'arène légitime pour la gouvernance collective du climat. L'augmentation de 10 % de son budget principal a été saluée comme une mesure positive, reconnaissant, comme l'a déclaré un responsable, que « la mise en œuvre de la Convention et de l'Accord de Paris a un coût qui doit être supporté ».

2. Mettre (de nouveau) la finance au centre

S'il y a une leçon à tirer des discussions de couloir à Bonn, c'est que ni les discours, ni les dialogues, ni les programmes de travail – même s'ils sont tous importants pour la mise en œuvre du traité international – ne seront déterminants à Belém. Séville (et avant elle l'UNOC [Iddri, 2025]) a donné un aperçu de ce à quoi pourrait encore ressembler un multilatéralisme efficace, avec des coalitions progressistes soutenant des initiatives innovantes, telles que l'Alliance pour la suspension de la dette, soutenue par l'Espagne, le Canada, la France, le Royaume-Uni et six banques multilatérales de développement (BMD), visant à intégrer des clauses relatives aux catastrophes climatiques dans tous les nouveaux prêts souverains, ou la coalition de solidarité pour la taxation des vols premium menée par la France, le Kenya, la Barbade, l'Espagne, la Somalie, le Bénin, la Sierra Leone et Antigua-et-Barbuda. Combinée à la pression exercée par l'Afrique du Sud au sein du G20 pour que le secteur des assurances joue un rôle plus important dans le soutien à la résilience et l'accès aux marchés des obligations catastrophes, une dynamique se met en place autour du partage des risques plutôt que de nouveaux transferts budgétaires. Pourtant, personne à Bonn n'a pu dire comment ces initiatives s'inscriront dans la responsabilité collective d'aligner les flux climatiques sur l'Accord de Paris, ou dans la responsabilité des pays développés de soutenir les pays en développement conformément à l'article 9.1 de l’accord1. La feuille de route de Bakou à Belém, en cours d'élaboration par les présidences brésilienne et azerbaïdjanaise de la COP, pourrait apporter des éclaircissements à ce sujet et, dans l'idéal, servir de base au Cercle des ministres des Finances lancé par le Brésil.

3. Capitaliser sur la montée en puissance des acteurs non étatiques

La London Climate Action Week a rappelé aux observateurs que les marchés et les municipalités peuvent mener le mouvement lorsque les négociations multilatérales sont tendues. Les tables rondes du secteur privé ont porté sur l'accélération de la sortie du charbon, l'adoption des technologies vertes, le développement du commerce des matières premières aligné sur la transition et les trajectoires sectorielles détaillées pour l'industrie lourde. La participation des États, notamment des États-Unis, à cet événement coorganisé par la ville de Londres témoigne de leur intérêt croissant pour la transition. Parallèlement, plusieurs maires, conseillers municipaux et représentants de réseaux de villes se sont réunis à Paris le 23 juin pour célébrer et évaluer les dix ans de l'Accord de Paris, insistant sur la nécessité de consolider lors de la COP 30 un espace permanent (track en anglais) pour les villes et les régions au sein de la CCNUCC. Cela s'inscrit dans le cadre des efforts de la présidence de la COP 30 pour tirer parti du leadership non étatique, comme l'illustre une quatrième lettre publiée le 20 juin, qui décrit comment l’Agenda de l'action soutiendra la mise en œuvre des résultats négociés, en particulier ceux liés au Bilan mondial. Reste à déterminer dans quelle mesure cette proposition peut parvenir à mobiliser efficacement les acteurs pour accélérer l'action tout en renforçant la responsabilité et en évitant le greenwashing.

4. Tirer parti du rôle important joué par l'Afrique du Sud au sein du G20 avant que les États-Unis ne prennent la présidence

Lors de leur réunion au Cap en février, les ministres des Finances du G20 ont témoigné de leur ambition d'élaborer des recommandations visant à intégrer l'adaptation et la résilience dans les processus décisionnels des institutions financières et des entreprises, à améliorer la disponibilité et l'accessibilité des assurances pour gérer l'impact financier des catastrophes naturelles et à aider les pays à renforcer leur protection contre les catastrophes naturelles. Cela pourrait contribuer de manière significative à mobiliser le secteur financier pour combler certaines lacunes en matière de financement de l'adaptation, en sensibilisant à l'évaluation des risques et au rôle des assurances pour atténuer les risques financiers liés aux événements climatiques. Pour ce qui concerne le programme traditionnel de réforme de l'architecture financière internationale du G20, élément important du puzzle que constituent les discussions financières de la feuille de route de Bakou à Belém, il est difficile de croire qu'une réforme majeure puisse émerger des discussions de cette année, qu'elles se tiennent dans le cadre du G20 ou de la FfD4 en cours ; la faisabilité politique de telles réformes est incertaine. Toutefois, des progrès progressifs sont possibles, notamment dans le cadre des discussions sur la réforme des banques multilatérales de développement et des plateformes nationales (Iddri, 2025). Il convient également de noter que le groupe d'experts mis en place par l'Afrique du Sud sous la direction de l'ancien ministre Trevor Manuel examine les questions liées au déséquilibre financier et aux effets paralysants de la dette sur le développement. C'est l'occasion de poursuivre les discussions sur l'évaluation du risque souverain par les agences de notation, les outils financiers permettant le rachat de la dette (tels que les échanges de dette [Iddri, 2023]) et la lutte contre les flux financiers internationaux illicites, en renforçant les décisions en cours d'élaboration dans le cadre de la FfD4. S'il est difficile d'imaginer que le G20 parvienne à un communiqué commun lors de son sommet de novembre, des progrès pourraient être relevés au sein des groupes de travail, ce qui donnerait à Belém le signal macroéconomique qui manque pour s'engager sur la voie d'un alignement des flux financiers.

5. Empêcher les frictions commerciales de faire dérailler la diplomatie climatique

Le calendrier entre aujourd'hui et Belém prévoit deux sommets importants incluant des questions climatiques à l'ordre du jour : la réunion des dirigeants des BRICS à Rio (6-7 juillet) et le sommet UE-Chine à Bruxelles (24-25 juillet). Ces deux événements pourraient contribuer à envoyer des signaux indispensables sur l'importance du multilatéralisme pour soutenir les objectifs climatiques et rétablir la confiance après une année marquée par des différends sur l'ajustement carbone aux frontières, le contrôle des exportations de minerais critiques et les menaces de droits de douane sur l'acier vert. À Bonn, les négociateurs ont entendu à plusieurs reprises que les mesures d'atténuation nationales ayant des effets extraterritoriaux affectaient la capacité des pays partenaires à opérer des transitions justes, voire à opérer tout simplement des transitions. Lorsque le climat est un objectif commun, la collaboration devient essentielle, même dans un monde concurrentiel. Même si la CCNUCC peut définir des principes et des orientations, des approches coopératives mutuellement avantageuses et transparentes devront trouver leur place dans les chaînes de valeur et entre les partenaires commerciaux dans le cadre de forums bilatéraux et multilatéraux, les minéraux critiques en étant un exemple typique, comme le souligne la déclaration T20 qui vient d'être publiée.

6. Élargir le champ des réformes

Plus que lors des sessions précédentes, l'attention à Bonn s'est concentrée sur des questions qui ne figuraient pas à l'ordre du jour des négociations. Alors que le monde attend la prochaine série de contributions déterminées au niveau national (CDN) actualisées – seuls 24 pays les ayant communiquées à ce jour2 –, l'écart entre les ambitions et la mise en œuvre continue de définir le défi climatique. Si les pays sont censés présenter, avant la COP 30, des engagements actualisés qui répondent à l'exigence de « la plus grande ambition possible » et qui soient réalisables, la mesure réelle des progrès ne réside pas seulement dans les engagements pris, mais aussi dans la manière dont ils sont mis en œuvre. Dans un processus qui s'est jusqu'à présent concentré sur une augmentation progressive de l’ambition, il est nécessaire de passer de « ce que les pays s'engagent à faire » à « comment ils comptent y parvenir », grâce à des cadres politiques solides, des environnements favorables et la suppression des obstacles à la mise en œuvre. Dans une certaine mesure, l'Accord de Paris contient des dispositions visant à ancrer le programme « comment », et les enseignements tirés de 10 ans de mise en œuvre du traité (Iddri, 2025) fournissent des indications précieuses sur la manière d'aller de l'avant, mais une correction de cap doit être engagée avant la COP 30. Si le tableau collectif qui se dégage des nouvelles CDN s'avère insuffisant, l'ambition réelle doit alors être de dépasser les objectifs existants en accélérant l'action sur le terrain, tant en matière d'atténuation que d'adaptation. 

Dans un contexte où la création des conditions politiques et économiques nécessaires pour inscrire l'action climatique dans un programme de développement plus large, centré sur une transition juste et soutenu par des financements alignés, sera particulièrement difficile, la COP 30 peut mettre en œuvre des réformes qui renforcent l'efficacité de l'Accord de Paris et mobilisent les coalitions de pays et d'acteurs non étatiques qui peuvent, dans l'esprit du Mutirão appelé par le président de la COP 30,[2] rendre la transition irréversible.