La COP 30 s'est achevée après d'intenses négociations qui ont mis en évidence à la fois l'unité durable autour des objectifs de l'Accord de Paris sur le climat (AP) et la fragilité croissante du multilatéralisme. Les Parties ont réaffirmé que l'AP constituait le cadre central de l'action climatique mondiale, mais les discussions ont également révélé des tensions géopolitiques, une méfiance et des intérêts nationaux divergents. Néanmoins, les pays ont montré leur détermination commune à passer d'un accord sur ce qui doit être fait à la recherche de moyens pour y parvenir. Ce billet de blog examine si ce changement est véritablement ancré dans les résultats de la COP 30, s'il peut perdurer et comment les tensions géopolitiques actuelles façonneront la coopération internationale future et le rôle des acteurs clés.

La COP 30 s'est tenue à Belém du 10 au 22 novembre, dans le sillage d'un sommet mondial des dirigeants qui a rassemblé un nombre modeste de participants et au cours duquel le président brésilien Lula a donné le ton en appelant à une « COP de la vérité » et à l'élaboration de feuilles de route pour sortir des énergies fossiles et mettre fin à la déforestation d'ici 2030.

Contrairement à de nombreuses COP précédentes, celle-ci a été marquée par une mobilisation sans précédent tout au long de l'année, dans un esprit dit de « Mutirão » (effort collectif et solidarité)1 ainsi qu'un travail préparatoire approfondi sur l'Agenda de l'action climatique de la COP 30. Avec la plus forte participation de peuples autochtones jamais enregistrée lors d'une COP, la présidence a défendu la transparence et l'inclusion, non sans susciter des critiques alors que les négociations s'intensifiaient et que plusieurs pays et observateurs exprimaient leur besoin d'une délibération plus collective. 

La conférence a finalement abouti à une série de décisions techniques et à un ensemble de mesures politiques regroupées sous le nom de « Décision Mutirão ». Parmi les nombreux résultats, trois se distinguent particulièrement : un diagnostic de l'état du multilatéralisme, l'émergence de nouvelles alliances et une nouvelle approche visant à accélérer la mise en œuvre.

Le multilatéralisme à la croisée des chemins

La COP 30 a souligné l'engagement collectif inébranlable d’atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, notamment celui de limiter le réchauffement climatique en-dessous de 2 °C, voire 1,5 °C. Malgré le sabotage et les pressions politiques incessantes de l'administration Trump depuis son élection2, aucun autre pays n'a choisi de se retirer de l'accord.

La Cop 30 a également montré un consensus sur les réalisations des dix dernières années : inflexion de la courbe des émissions de gaz à effet de serre ; baisse des coûts des technologies vertes et niveaux records des capacités mondiales en matière d'énergies renouvelables et d'investissements dans les énergies propres ; bénéfices et opportunités économiques et sociaux de l'action climatique. La décision finale de la COP 30 reconnaît que la transition mondiale vers un développement à faibles émissions et résilient au changement climatique est irréversible, et que l'Accord de Paris fonctionne et est déterminé à aller plus loin et plus vite pour combler les lacunes en matière d'ambition et de mise en œuvre. La décision fait référence à « l’urgence » d'accélérer les progrès, sans reconnaître explicitement la réalité d'un dépassement temporaire de l’objectif 1,5 °C ni le fait qu'une nouvelle économie est en train d'émerger, mais plutôt que de remplacer totalement l'économie des combustibles fossiles, elle s'y ajoute en grande partie (Iddri, 2025a). En fait, la décision Mutirao reflète l'état d'esprit de nombreux pays, en particulier au Sud, qui souhaitent d'abord négocier la manière de construire concrètement le « nouveau monde », et qui en paiera le prix, avant de s’engager à s’éloigner de « l’ancien monde ».

Parallèlement, les négociations ont révélé la fragilité croissante du multilatéralisme et la difficulté d'obtenir des résultats ambitieux. La réticence à réaffirmer les engagements passés, les dialogues au point mort qui alimentent la perception du processus comme un simple « forum de discussion », les positions de négociation incohérentes avec les actions économiques réelles des pays, les blocages isolés et répétitifs qui empêchent le consensus ou le non-respect des contraintes limitées exercées par les pairs : tout cela illustre cette fragilité. L'incapacité des Parties à s'entendre sur une feuille de route pour la transition vers l'abandon des combustibles fossiles a illustré les limites du système multilatéral, constituant un revers symbolique, même si ses implications pratiques sont incertaines. 

Ces dynamiques révèlent des tensions géopolitiques sans précédent tout en soulignant la nécessité de réformes de gouvernance susceptibles de renforcer le régime climatique international et d'améliorer l'application des dispositions de l'Accord de Paris. La transition est déjà en cours, ce qui signifie que la tâche ne consiste pas à partir de zéro, mais à façonner, orienter et accélérer les efforts existants. Les COP restent des forums essentiels pour mobiliser un large éventail d'acteurs, comme le démontrent les plus de 50 000 participants à la COP 30, malgré les coûts élevés et les obstacles logistiques. Cependant, la nécessité de catalyser plus efficacement l'action, en s'appuyant sur une meilleure compréhension des défis liés à la mise en œuvre et des leviers d'action (Iddri, 2025b), combinée à l'évolution des réalités géopolitiques, exige de nouvelles formes de coordination et de coopération internationales ainsi qu'un engagement diplomatique renforcé.

Émergence de nouvelles coalitions

À mesure que la transition mondiale progresse et que l'ordre géopolitique évolue, les intérêts et les enjeux nationaux changent également. La COP 30 a révélé une nouvelle configuration dans la dynamique des acteurs. Certaines tensions entre le Nord et le Sud demeurent importantes, notamment en matière de financement. Par exemple, la confiance entre les pays les moins avancés (PMA) et les pays du Nord était au bord de la rupture, mais elle a été sauvée par une déclaration de bonne volonté visant à tripler le financement de l'adaptation d'ici 2035, ainsi que par un programme de travail de deux ans sur le financement climatique et une table ronde ministérielle de haut niveau sur le nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) en matière de financement climatique.

Mais au-delà du clivage Nord-Sud, les économies industrialisées et les grandes économies émergentes se sont souvent alignées pour défendre les principaux résultats politiques de la COP 30. Cela a toutefois donné à de nombreux petits pays appartenant à différents groupes le sentiment d'être mis à l'écart. On peut considérer que les grandes puissances émergentes comme le Brésil, la Chine, l'Afrique du Sud ou l'Inde ont toutes intérêt à ce que le multilatéralisme climatique reste dynamique : le Brésil, avec sa position de leader au sein du G20 l'année dernière et sa présidence de la COP 30 cette année ; la Chine, qui entend déployer ses technologies bas-carbone dans le monde entier ; l'Afrique du Sud, avec sa présidence du G20 ; et l'Inde, qui a candidaté pour présider la prochaine COP sur le Bilan mondial, en 2028. L'espoir que ces pays jouent le rôle de médiateurs s'est concrétisé lors de la COP 30, bien que ce ne soit pas officiellement au nom du groupe des BASIC. Même s'ils n'ont pas clairement assumé un rôle de leader, ils ont néanmoins exercé une influence significative en aidant à négocier des compromis.

Les pays producteurs de pétrole et les alliés du président Trump ont pour leur part formé un bloc puissant et coordonné s'opposant à toute avancée. En réponse, des coalitions de volontaires ont vu le jour pour contrer cette résistance et faire avancer des collaborations pratiques, principalement par le biais de l’Agenda de l'action. 

Le débat sur la feuille de route pour la transition vers l'abandon des combustibles fossiles (TAFF en anglais) a illustré la nécessité de mobiliser une telle « coalition de volontaires » afin de soutenir l'envoi d'un signal explicite. En quelques heures, plus de 80 pays ont manifesté leur intérêt pour la coalition et, à la fin de la COP, après avoir échoué à parvenir à un consensus, la présidence brésilienne a proposé de mener les efforts visant à élaborer cette feuille de route (Iddri, 2025c) (ainsi qu'une feuille de route sur la déforestation) et de s'associer à la Colombie, qui accueillera une conférence dédiée à la TAFF en avril 2026. La proposition de la présidence n'a suscité aucune objection.

Une nouvelle ère pour la mise en œuvre 

La COP 30 a donné la priorité à un changement stratégique vers une nouvelle ère, souvent décrite comme « l'ère post-négociations », axée sur la concrétisation des engagements, l'ancrage du régime climatique dans la dynamique de l'économie réelle et des solutions dans les réalités nationales (DDP-Iddri, 2025). Dans une large mesure, elle a répondu à cette ambition. 

La COP 30 s'est d’abord distinguée par l'intérêt croissant des Parties pour la redistribution des opportunités sociales et économiques générées par la transition écologique, et pour la manière dont le commerce, les politiques industrielles, les investissements et la coopération internationale doivent s'aligner sur les objectifs climatiques mondiaux. Cela reflète une reconnaissance plus large du fait que la politique climatique actuelle est fondamentalement une politique économique et de développement, une évolution qui fait passer le débat sur le partage du fardeau à un débat sur l'accès équitable aux opportunités, et des objectifs abstraits aux moteurs et aux obstacles qui façonnent l'action dans le monde réel. L'émergence de discussions sur le commerce au sein de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui vont au-delà des préoccupations relatives aux mesures commerciales unilatérales pour explorer plus en profondeur les liens systémiques entre le commerce et le climat, illustre clairement ce changement. La COP 30 a souligné la nécessité pour les pays de se coordonner au niveau international afin que les stratégies commerciales et industrielles nationales renforcent, plutôt que compromettent, les objectifs de l'Accord de Paris. La décision finale de la COP 30 appelle à une coopération renforcée et établit un dialogue dédié de trois ans, avec la participation du Centre du commerce international, du Programme des Nations unies pour le commerce et le développement et de l'Organisation mondiale du commerce, afin d'identifier les défis et les opportunités pour renforcer la collaboration climatique liée au commerce.

Deuxièmement, la COP 30 a répondu aux dernières contributions déterminées au niveau national (CDN) soumises, avec la ferme intention d'accélérer leur mise en œuvre et en soulignant le rôle des dispositions existantes établies dans le cadre de l’Accord de Paris, telles que les rapports de transparence, les CDN, les plans d'adaptation nationaux (PAN) et les stratégies de développement à long terme à faibles émissions (LT-LEDS), en tant qu'outils clés pour orienter les discussions axées sur la mise en œuvre. La Décision Mutirão exhorte les pays à élaborer des stratégies de développement plus larges visant la neutralité carbone (Iddri, 2025d) et à préparer des plans de mise en œuvre et d'investissement pour leurs CDN, en soulignant la nécessité d'une coopération internationale renforcée, notamment en matière de financement. Les résultats concrets en la matière sont limités, mais la feuille de route de Bakou à Belém, avec ses options détaillées visant à mobiliser 1 300 milliards de dollars par an pour les pays du Sud, fournit une base essentielle qui doit désormais être reprise dans d'autres forums afin de faire progresser les actions sur ces options. Dans l'ensemble, la COP 30 a réaffirmé le potentiel du cadre fixé par l’Accord de Paris, mais son impact dépendra de l'efficacité avec laquelle les parties utiliseront ces instruments au niveau national, de la qualité du dialogue et de l'apprentissage au niveau international et de la capacité à fournir des incitations et des instructions aux acteurs extérieurs au régime climatique.

Troisièmement, même avec une forte volonté politique, le régime climatique ne peut atteindre ses objectifs à lui seul. Une coopération dédiée est nécessaire pour relever les défis spécifiques que les plateformes existantes ne sont pas en mesure de traiter. À Belém, de nouveaux processus ont été lancés afin de relier les efforts déployés au sein et en dehors de la CCNUCC et de mieux orchestrer et mobiliser les acteurs clés : l'Accélérateur de mise en œuvre, la Mission Belém vers 1,5 °C et le Mécanisme d'action de Belém pour une transition juste. Bien que de nature différente, ces trois initiatives visent à combler les lacunes en matière de mise en œuvre et à renforcer l'apprentissage et la coordination en impliquant les acteurs non étatiques et l'écosystème plus large de la coopération internationale afin de soutenir des approches englobant l'ensemble de l'économie et de la société. L'Accélérateur, axé sur la mise en œuvre des CDN et des PAN, et la Mission 1,5 (Iddri, 2024), axée sur les leviers tels que la coopération internationale, fonctionnent comme des plateformes politiques conçues pour maximiser la participation non étatique. Ancrés dans les objectifs à long terme de l'Accord de Paris, ils pourraient devenir de facto des espaces permettant de faire progresser la mise en œuvre du premier Bilan mondial (GST en anglais), notamment en ce qui concerne la transition des combustibles fossiles, la déforestation et les priorités en matière d'adaptation. Le Mécanisme d'action de Belém fonctionnera dans le cadre de la CCNUCC afin d'aider les pays à réaliser des transitions justes, en renforçant la coopération internationale, l'assistance technique, le renforcement des capacités et le partage des connaissances. Avec ce mécanisme, la COP 30 a saisi l'occasion d'affirmer que les transitions doivent être justes, et que cette justice ne doit pas être considérée comme un élément subsidiaire des politiques climatiques, mais comme un principe fondamental pour une action durable et ambitieuse (Iddri, 2025e). Ce faisant, elle met en avant une dimension essentielle d’une mise en œuvre efficace.

Quatrièmement, l'une des priorités de cette présidence était la réforme de l’Agenda de l’action climatique (GCAA), en réponse à la prise de conscience croissante qu'il ne réalisait pas pleinement son potentiel (Iddri, 2025f). Il a été fondamentalement réorganisé, passant d'une structure de partenariat à un cadre unifié articulé autour de 6 axes thématiques qui reflètent les résultats du premier GST. Il a donné lieu à la mise en place de 117 plans collectifs visant à accélérer les solutions et à une multiplication par six des initiatives présentant des résultats mesurables, prouvant ainsi que les engagements se traduisent en actions concrètes. Afin de garantir les effets durables de ces efforts, un programme de travail quinquennal a été présenté. Plusieurs nouvelles initiatives ont également été lancées, telles que la Tropical Forest Forever Fund (TFFF), la Déclaration de Belém pour une industrialisation verte, la Coalition ouverte pour les marchés du carbone ou le centre (hub) regroupant les plateformes pays, pour n'en citer que quelques-unes. 

De Belém à Antalya

Après de longues délibérations, la COP 31 se tiendra finalement à Antalya (Turquie), l'Australie partageant la présidence et organisant une pré-COP dans le Pacifique. Le Brésil continuera toutefois à jouer un rôle jusqu'en novembre 2026, date à laquelle Turquie et Australie prendront officiellement le relais. À mi-parcours en juin 2026, lors des intersessions de la CCNUCC à Bonn, les négociateurs devront poursuivre leurs travaux afin de finaliser les indicateurs permettant d'évaluer l'Objectif mondial en matière d'adaptation (Iddri, 2025g) et de s'accorder sur les fonctions exactes et la structure de gouvernance du Mécanisme de transition juste nouvellement créé.

Désormais, et avec la période de 11 mois qui s’ouvre – et que le président de la COP 30 Andrea Correado Lago a affirmé, au nom du Brésil, vouloir mettre à profit –, plusieurs priorités se dégagent des résultats de la COP 30 : diriger l'élaboration des feuilles de route pour la transition vers l'abandon des combustibles et pour la déforestation ; mettre en œuvre l'Accélérateur et la Feuille de route vers la Mission 1,5 ; accompagner la Feuille de route de Bakou à Belém dans les forums appropriés ; et faire progresser les réformes de gouvernance, y compris celles de l’Agenda de l'action. Ces tâches seront menées par la présidence brésilienne mais, pour être efficaces, nécessiteront un engagement important des Parties – par le biais de la CCNUCC, de coalitions ou d'autres instances – ainsi que des acteurs non étatiques et des organisations internationales afin de garantir l'appropriation et la durabilité des résultats. Les progrès réalisés dans ces domaines seront essentiels pour faire germer les graines semées lors de la COP 30 et démontrer que le processus s'est véritablement orienté vers une accélération de la mise en œuvre – et donc de l'ambition – afin de maintenir les objectifs de l'Accord de Paris à portée de main.