L’Agenda 2030 pour le développement durable doit être mis en œuvre au niveau national. Tous les pays sont concernés, au Nord comme au Sud. Chacun doit orienter, en fonction de ses singularités, sa stratégie de développement vers plus de durabilité. Mais les défis et les moyens pour y parvenir sont fondamentalement différents et inégaux selon les catégories de pays. Et l’universalité des ODD suppose que la durabilité des stratégies nationales des uns n’empêche pas celle des autres. Autrement dit, ce n’est pas parce que les ODD s’appliquent à tous qu’ils ne s’appliquent qu’à chacun. L’avenir des PMA doit être au cœur de leur mise en œuvre dans les pays développés.
ODD, un enjeu d’équité internationale…
Les Objectifs de développement durable (ODD) constituent un agenda indivisible et universel : tous les objectifs (pour la plupart interconnectés) doivent être traités, par tous les pays, chacun devant se mettre en ordre de marche pour mettre en œuvre les politiques et les transformations nécessaires à l’atteinte de ces objectifs. Selon Ban Ki-moon (juin 2015)[1], « l’universalité implique que tous les pays auront besoin de changer, chacun avec sa propre approche, mais chacun avec un sens du bien commun mondial ».
l’universalité implique que tous les pays auront besoin de changer, chacun avec sa propre approche, mais chacun avec un sens du bien commun mondial
Les capacités (notamment institutionnelles et financières) variant considérablement d’un pays à un autre, d’une région à une autre, la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable – comme celle de l’Accord de Paris sur le climat – ne pourra ainsi s’opérer que dans le cadre du principe de « responsabilités communes mais différenciées et de capacités respectives », inscrit dans la Déclaration de Rio (1992).
…à articuler dans le cadre des stratégies nationales
Pour les pays riches, cet enjeu d’équité devra être inclus dans leurs propres stratégies de développement durable renouvelées : les politiques de financement et d’aide au développement devront y être mises en cohérence avec les politiques de développement domestiques des PMA. En termes de financement, les besoins des PMA, déjà plus vulnérables aux chocs (environnementaux, économiques) que des pays plus riches en raison notamment d’institutions et d’infrastructures plus faibles, sont immenses. Un rapport réalisé par l’Overseas Development Institute (ODI) en avril 2015[2] indique que le financement qui pourrait permettre aux PMA d’atteindre les seules cibles relatives aux ODD de santé, éducation et pauvretés s’élèverait à 148 milliards de dollars par an (soit la totalité de l’aide publique au développement [APD] aujourd’hui, dont les PMA ne reçoivent qu’une faible partie). Selon une étude de l’OCDE parue en 2015[3], quelques semaines avant la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement, les PMA ont reçu en 2014 38 milliards de dollars d’aide en provenance du Comité d'aide au développement (CAD) de l’OCDE ; ce volume total a diminué depuis 2010 et ne représente que 0,10 % du revenu national brut des membres du CAD, contre un objectif plancher fixé par l’ONU à 0,15 %. Au-delà de l’APD, il est ici question du mainstreaming des différentes sources (publiques, privées) de financement disponibles vers des projets et un développement durables.
Pour ce qui concerne le renforcement des capacités, plus encore que les OMD (période 2000-2015), agenda des uns (pays du Nord) pour les autres (pays du Sud), les ODD (2015-2030), agenda de chacun pour chacun et de chacun pour tous, impliquent pour chaque pays de disposer de capacités techniques, institutionnelles et démocratiques permettant de définir la stratégie de développement durable qu’il aura à concevoir et financer. Dans les PMA, les acteurs locaux, notamment les organisations de la société civile, en soutien des États, devront pouvoir participer activement à ce processus ; les pays développés et leurs différents acteurs publics et privés devront quant à eux poursuivre et intensifier leur contribution à cet effort de mise en politique des ODD par les transferts de technologies et le soutien et le renforcement des capacités de gestion, de recherche et d’innovation.
Enfin, les pays du Nord devront veiller à ce que leurs stratégies de développement durable ne créent pas de difficultés supplémentaires pour d’autres pays, et plus spécifiquement les PMA. Par exemple, la définition de politiques commerciales visant à soutenir telle ou telle technologie verte, la mise en place de mesures d’adaptation au changement climatique ou certains choix en matière énergétique (délocalisation d’industries polluantes) ou agricole, pertinents d’un point de vue environnemental au sein d’un pays, pourraient s’avérer contre-productifs pour les PMA et freiner le déploiement de leurs stratégies de développement durable. Ce que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ont manqué de pleinement réaliser – la mise en place d’un partenariat pour le développement contribuant effectivement à un développement durable véritablement inclusif –, les ODD parviendront-ils à le provoquer ? [1] Lire l'article : U.N. chief: We can end poverty, hunger [2] Lire le rapport : Financing the future How international public finance should fund a global social compact to eradicate poverty [3] Lire l'article : Taking stock of aid to least developed countries (LDCs)