L’accélération de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable passe par une amélioration et une meilleure mobilisation des canaux de financement en faveur du développement durable. Bien qu’il existe un consensus sur la nécessité de passer de milliards de dollars d’aide publique au développement (APD) à des milliers de milliards d’investissements1 , l’Agenda 2030 cherche toujours des acteurs capables de transformer la promesse d’un monde meilleur en réalité.

Financer plus, et mieux

Les lacunes les plus importantes concernent les pays en développement. Quelle aide leur est fournie pour les aider à atteindre leurs propres Objectifs de développement durable (ODD) ? À ce jour, personne ne le sait : il n’existe pas de normes statistiques internationales permettant de mesurer et de suivre ces ressources. Pour combler cette lacune, plusieurs initiatives émergent, comme par exemple l’appui total officiel au développement durable (TOSSD) que développe, entre autres, l’OCDE. En termes de volumes globaux de financement dédié, on sait néanmoins que si on prolonge les niveaux annuels actuels d’APD et de dépenses privées, les ODD ne seront pas atteints d'ici 2030. L’OCDE évalue le déficit de financement (public et privé) annuel à environ 2 500 milliards USD, alors que l'APD s'élevait à 147 milliards USD en 20172 . L’Agenda 2030 appelle ainsi à mobiliser davantage de ressources en faveur du développement durable. Mais, dans ses Perspectives mondiales du financement du développement durable 2019, l’OCDE insiste sur la nécessité de ne pas se contenter de « mobiliser davantage de ressources financières en faveur des pays en développement ; la qualité – c’est-à-dire l’empreinte sur le développement durable – de tous les financements doit être améliorée». L'Agenda 2030 met donc au défi la communauté internationale de renouveler ses approches et ses normes de financement du développement international pouvant être utilisées par les destinataires et les fournisseurs, y compris les fournisseurs de coopération Sud-Sud et triangulaire.

Évaluer les impacts du financement sur l’Agenda 2030

Au-delà de la seule logique quantitative, comment financer l’Agenda 2030 en respectant son caractère intégré et universel, et l’engagement de ne laisser personne de côté ? Sur ce plan, l’Agenda 2030 pourrait paradoxalement souffrir de l’ambition de ses promesses, qui peuvent sembler illusoires ou inatteignables pour beaucoup d’acteurs. Elles ne doivent pourtant pas être oubliées. On risquerait alors de se focaliser uniquement sur la liste des objectifs et des cibles et de se contenter d’une posture de sélection, qui consisterait à dire que l’on finance l’Agenda 2030 dès lors que l’on considère avoir un impact plus ou moins direct sur une seule des 169 cibles. C’est un risque qui guette de nombreuses acteurs, parfois malgré eux, en particulier pour le secteur privé.

Contribuer au financement de l’Agenda 2030 doit par conséquent impliquer de veiller à minimiser l’impact du financement sur l’ensemble de l’agenda. Cela revient à s’interroger sur son mode d’intervention : peut-on faire mieux, et autrement, afin de maximiser l’impact de son action en faveur de l’Agenda 2030 dans son intégralité et son caractère transformationnel, y compris si l’objectif de l’action en question ne vise qu’une seule cible ?

Comme le rappelle le Global Sustainable Development Report 2019 (GSDR), la politique économique (en particulier fiscale, monétaire et commerciale) et les flux financiers sont des leviers puissants pour réaliser les transformations nécessaires aux ODD lorsqu’ils définissent des incitations et conduisent à des actions visant à obtenir des résultats durables et socialement justes. Mais ils peuvent aussi être limités, voire contre-productifs. Il faut éviter au maximum les investissements ayant un impact négatif sur l’Agenda 2030 (sur un ou plusieurs ODD), il est donc indispensable de renforcer les évaluations des impacts de ces instruments et de les mettre au service de véritables transformations sectorielles telles que celles appelées par le GSDR (par exemple dans le secteur agroalimentaire ou énergétique).

Intégrer le financement dans des trajectoires de développement

Les défis pour répondre à cette ambition sont nombreux, et peuvent être regroupés autour d’un besoin central pour les institutions financières de passer de l’intention stratégique de mettre en œuvre l’Agenda 2030 à une « intégration véritable » dans leurs pratiques à tous les niveaux. Or ce que recouvre cette intégration reste à définir. Les banques de développement doivent analyser les pratiques du développement durable sur le terrain, comment les ODD ont été mis en œuvre jusque-là et comment aligner leurs financements sur les trajectoires des pays, tout en prenant en compte les trois dimensions du développement durable (économique, sociale et environnementale). Le GSDR insiste sur l’importance de définir ces trajectoires de développement durable à l’échelle d’un pays et d’éviter une approche de checklist des 169 cibles, trop lourde administrativement et inefficace.

Pour ce faire, un nombre croissant de banques de développement développent des projets pilotes sur un nombre restreint d’ODD (cherchant à lier développement socio-économique et climat, notamment), mettant ainsi en pratique le concept d’alignement des financements sur l’Agenda 2030. Le caractère transformatif des projets ou programmes (changement de trajectoire des grands systèmes considérés, alimentaires ou énergétiques, par exemple) est testé dans ce cadre, de même que les potentiels verrous et dépendances de sentier (notamment technologiques) que ces projets pourraient mettre en place vers des modèles de développement non compatibles avec la réalisation des ODD.

Tous les acteurs du financement du développement ont fait évoluer leurs pratiques depuis l’adoption de l’Agenda 2030 en 2015 : certains ont pris de nouveaux engagements, d’autres ont mené des réformes internes, d’autres encore ont développé de nouveaux instruments, stratégies ou partenariats. À cet égard, on peut souligner l’engagement, pris en marge des sommets climat et ODD de septembre 2019, de l’IDFC (International Development Finance Club), qui regroupe 24 banques nationales ou régionales de développement, d’harmoniser davantage ses flux financiers avec l’Accord de Paris et les ODD ; ou l’adoption des « Principes pour une banque responsable » par 130 banques privés de 49 pays3 .

La coordination entre les divers acteurs doit également être améliorée, de façon à mieux mettre en adéquation l’offre et la demande de financement à l’appui du développement durable dans les pays, en particulier en mettant au point des cadres de financement nationaux intégrés afin de soutenir les stratégies nationales de développement durable, comme le suggéraient récemment le G74 et l’OCDE5 .

C’est en partageant les avancées de chacun, en les comparant et en les additionnant, que les acteurs du financement du développement durable pourront obtenir une vision panoramique de ce qu’ils peuvent faire des ODD. Tous les acteurs devraient tendre dans cette direction.