À moins de 9 mois de la 26e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (9-19 novembre) qui se tiendra à Glasgow sous présidence britannique, ses contours se précisent enfin avec la nomination d’Alok Sharma comme nouveau président (13 février)1 et l’annonce de cinq priorités thématiques (24 février). La tâche des Britanniques est immense : sur quoi sont-ils attendus ? Quels thèmes veulent-ils porter ? Sur quels atouts peuvent-ils s’appuyer ? Et quels grands défis s’annoncent ?

La COP 26 marque le cinquième anniversaire de l’Accord de Paris sur le climat. Les Britanniques sont d’abord attendus sur leur capacité à faire respecter la date-butoir à laquelle les États sont tenus de soumettre de nouveaux engagements d’action climat (contributions déterminées au niveau national, ou CDN, à échéance 2030-2035) et encouragés à soumettre des stratégies de plus long terme vers un développement bas-carbone et résilient. Pour l’heure, seuls trois États2 ont soumis de nouvelles CDN, et si plus d’une centaine se sont engagés à un relèvement plus ambitieux, de gros émetteurs manqueront à l’appel, comme les États-Unis, sauf à ce qu’un démocrate batte Donald Trump et annonce un retour dans l’Accord de Paris. D’autres n’ont pas envoyé un signal diplomatique très clair : on pourrait parler de la Chine ou de l’Union européenne, où Commission et États-membres devront œuvrer de concert pour donner corps à l’engagement de -50 à 55 % d’émissions d’ici 2030 de la présidente Ursula Von der Leyen en une décision du Conseil européen d’ici novembre. Le Royaume-Uni est lui-même attendu sur sa première CDN, à la suite du Brexit3 , dont le calendrier aussi bien que le contenu seront scrutés. Nombre d’observateurs pointent déjà que la crédibilité de la présidence britannique de la COP 26 tiendra aussi aux décisions que le pays prendra sur le plan domestique par rapport à l’objectif d’atteindre zéro émission nette en 2050, tous gaz confondus, le Royaume-Uni ayant été le premier pays du G7 à formaliser cet engagement.

Par ailleurs, la présidence britannique doit également réussir à dénouer les principales tensions sur lesquelles les COP précédentes se sont abîmées : d’abord, définir des règles pour les marchés carbone internationaux, instaurés dans l’Article 6 de l’Accord, après l’échec des COP de Katowice (COP 24) et Madrid (COP 25), notamment du fait d’une position brésilienne isolée ; et convaincre que les 100 milliards par an en 2020, promis à la COP 15 de Copenhague, seront au rendez-vous, tout en préparant la discussion quant à un nouvel objectif de finance climat post-2020.

Les priorités thématiques de la présidence4 incluent :

  1. l’adaptation : un thème co-piloté par le Royaume-Uni pour le sommet du secrétaire général de l’ONU en septembre dernier ;
     
  2. la finance : le Royaume-Uni est perçu comme étant « en pointe » sur le sujet, notamment via la figure de Mark Carney, ex-gouverneur de la Banque d’Angleterre très impliqué dans les initiatives de transparence (disclosure)5 et conseiller spécial de la présidence ;
     
  3. la nature : une façon de renforcer les liens avec la présidence chinoise de la COP 15 de la Convention sur la diversité biologique (CDB), mais aussi de dénouer l’Article 6, qui pourrait permettre de financer la conservation et la restauration des solutions climatiques fondées sur la nature (SFN);
     
  4. la transition énergétique : qui peut s’appuyer sur la coalition de sortie du charbon Powering Past Coal Alliance6 lancée par le Royaume-Uni en 2017 ;
     
  5. le transport routier propre : qui peut s’appuyer sur la décision prise au niveau domestique de sortir des véhicules thermiques en 2035.

Face à ces défis majeurs, tout porte à croire que le gouvernement du Royaume-Uni semble convaincu de ses responsabilités en matière de diplomatie climatique devant accompagner la programmation de la COP 26. Si le remplacement tardif de Claire O’Neill par Alok Sharma (nommé secrétaire d’État à l’Économie, l’Énergie et la Stratégie industrielle en charge de la préparation et de la présidence de la COP 26) a été critiqué comme significatif des retards dans la préparation de la COP, on peut considérer qu’en changeant de leadership, Boris Johnson a marqué son engagement pour sa réussite par la mise en place d’une véritable diplomatie climatique indispensable au succès escompté. L’expérience internationale du nouveau titulaire, précédemment en charge du développement, devrait lui être utile dans un contexte international plutôt tourmenté. Mais le temps restant jusqu’à Glasgow est court.

Le nouveau président peut néanmoins s’appuyer sur une équipe solide, notamment sur le département Business, Energy & Industrial Strategy (BEIS) et le réseau diplomatique du Foreign & Commonwealth Office (FCO), ainsi que sur une unité spéciale COP 26 de plus de 100 personnes rattachée au Cabinet Office sous la responsabilité directe du Premier ministre. Au-delà d’Alok Sharma et, on l’espère, de l’implication personnelle de Boris Johnson, la présidence s’appuie principalement sur deux envoyés spéciaux de l’administration (John Murton, envoyé ‘COP26’ rattaché au Cabinet Office, et Nick Bridge, envoyé spécial ‘climat’ auprès du Foreign Office/Ministère des Affaires étrangères) et un champion issu de la société civile (Nigel Topping, ancien directeur de We Mean Business et Carbon Disclosure Project, en charge de rallier entreprises, investisseurs, villes et régions, aux côtés de Mark Carney). La présidence britannique serait aussi bien inspirée de s’appuyer sur le rôle que pourrait jouer l’Écosse, au-delà des tensions indépendantistes, pour rallier les collectivités régionales et locales à la COP.

Si la diplomatie britannique ne bénéficiera pas de l’équivalent des annonces Chine/États-Unis qui, en 2014 et 20157 , avaient représenté une étape capitale ouvrant la voie au succès de la COP 21, elle attend beaucoup du sommet de Leipzig entre chefs d’États européens et le président chinois Xi Jinping. Le Royaume Uni doit aussi tenir compte du retrait des États Unis – qui influence des pays tels que le Brésil et l’Inde – et des difficultés de la Chine entravée dans le contexte du Covid-19 et mobilisée par ailleurs pour la réussite de sa propre COP biodiversité pour le moment prévue à Kunming en octobre prochain. En toute logique, l’allié naturel pour la préparation de la COP devrait être l’Union européenne engagée dans le rehaussement de ses engagements climatiques, dont l’Italie, qui doit accueillir à Milan une réunion préparatoire à la COP (28 septembre-2 octobre). Mais 2020 sera aussi l’année de la négociation de l’accord commercial UE-RU faisant suite au Brexit, qui s’annonce délicate et tendue. Le Royaume-Uni devra en outre chercher un appui du côté du Commonwealth, au sein duquel se trouvent des pays favorables à une action climatique déterminée (certains des Small Islands and Developing States8 ) et d’autres tels que l’Inde, actifs au sein du groupe des Like Minded Developing Countries (LMDCs)9 .

Le professionnalisme reconnu de la diplomatie britannique sera nécessaire pour mener la préparation de la COP 26 dans ce contexte particulièrement difficile. Mobilisation du gouvernement et du réseau diplomatique, concertation avec les acteurs non- gouvernementaux, rien ne doit être négligé. Comme l’ecrit The Economist, « Britain has been handed the opportunity to prove, post-Brexit, that it can be a world leader on a pressing issue. It could do worse than swallow its pride and learn a lesson from its neighbours over the Channel »10  ; la présidence britannique a d’ailleurs décidé d’apprendre de ses prédécesseurs, en invitant les champions et présidents des COP de 2015 à 2019 à une retraite stratégique à Wilton Park (20-21 février)11 .