Mercredi 30 novembre, la Commission européenne a publié son très attendu « paquet hiver » – un ensemble de propositions législatives et de nouvelles initiatives politiques dans le domaine du climat et de l’énergie. Le but est de mettre en place les politiques et les mesures dont l’UE a besoin pour atteindre ses objectifs en matière de climat et d’énergie pour 2030 et au-delà. Les mesures proposées constituent une étape importante vers la réalisation des objectifs à moyen terme de l’UE, mais elles ne sont pas encore assez ambitieuses pour mettre l’UE sur la trajectoire d’une décarbonation à long terme.

Le paquet hiver s’inscrit dans le cadre des efforts réalisés par la Commission européenne pour « opérationnaliser » ses objectifs énergétiques et climatiques énoncés en 2015 dans sa Stratégie européenne pour l’Union de l’énergie. Celle-ci comprend notamment son objectif d’atténuation des changements climatiques, présenté l’an dernier comme sa contribution à l’Accord de Paris, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de -40 % d’ici 2030 et de -80 % d’ici 2050.

Que propose le paquet hiver ?

Le paquet comprend des propositions législatives détaillées dans quatre domaines clés : l’efficacité énergétique ; les énergies renouvelables ; l’organisation du marché de l’électricité ; et la gouvernance de la politique climatique de l’UE.
Sur l’efficacité énergétique, l’UE se fixerait comme objectif de réduire sa consommation d’énergie de 30 % d’ici 2030 par rapport à une référence historique (relativement généreuse), en prolongeant essentiellement les systèmes d’obligations d’économies d’énergie, en renforçant les financements et les incitations à la rénovation des bâtiments, et en poursuivant les politiques efficaces en matière d’étiquetage écologique et de conception de produits.
Sur les énergies renouvelables, les États membres seraient tenus de contribuer à l’objectif européen de 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie d’ici 2030, en disposant d’une certaine souplesse pour y parvenir. Pour atteindre cet objectif, l’UE propose également d’imposer aux fournisseurs de chauffage et de systèmes de refroidissement une augmentation de la part des énergies renouvelables dans les ventes de 1 % par an, de nouvelles obligations de mélanges de combustibles pour les fournisseurs de carburants utilisés pour le transport, ainsi que de nouveaux financements et règlements visant à renforcer l’investissement.
En matière de réglementation du marché de l’électricité, des changements sont proposés pour tenir compte de la forte augmentation des énergies renouvelables dans le réseau, par exemple l’assouplissement du système, la possibilité offerte aux consommateurs de participer au marché de l’électricité et la promotion d’une approche commune pour assurer la sécurité d’approvisionnement entre les États membres par le biais de nouvelles initiatives de coopération régionale. Sur la gouvernance, les mesures visent à instaurer une plus grande cohérence des politiques nationales des États membres en matière de climat et d’énergie et à rationaliser leurs obligations de rapports en les obligeant à élaborer des plans nationaux pour le climat et l’énergie intégrant toutes les dimensions de la stratégie européenne pour l’Union de l’énergie [1]
Celles-ci devront être cohérentes avec les nouvelles stratégies nationales de réduction des émissions à long terme qui s’étendent jusqu’au milieu du siècle. Elles s’accompagneront également d’un nouveau processus annuel de suivi « de haut niveau » des progrès.

Le paquet hiver est-il adapté aux objectifs ?

Les propositions contenues dans le paquet hiver représentent un pas dans la bonne direction. Les mesures proposées peuvent aider fortement l’UE à atteindre ses objectifs énergétiques et climatiques de 2030 et certaines pourraient également aider à mettre en place les changements structurels profonds du système énergétique nécessaires pour obtenir des réductions d’émissions plus drastiques en 2050. S’il est largement adopté, ce paquet permettrait de montrer au niveau international que l’UE dispose d’un ensemble de politiques raisonnablement crédibles appuyant ses engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris. La Commission a également proposé de manière intelligente que les dates de révision des performances des plans et directives nationaux soient alignées sur les « cycles d’ambition » quinquennaux de l’Accord de Paris.
L’ambition pourrait donc être revue à la hausse dans le temps. Au-delà du climat, il faut également saluer le fait que la Commission ait souhaité que le système énergétique profite aux consommateurs, aux communautés locales et aux entreprises innovantes.
L’UE est souvent stéréotypée comme étant dominée par des élites peu préoccupées par les priorités des citoyens ordinaires. Toutefois, une bonne partie des mesures proposées peuvent être efficaces pour aider les consommateurs ordinaires à réduire leurs factures énergétiques, promouvoir des solutions énergétiques décentralisées pour les ménages et les communautés locales et contribuer à réduire la pauvreté énergétique. Cependant, le paquet présente aussi d’importantes faiblesses. Premièrement, les mesures proposées sont à peu près certainement incompatibles avec les transformations sectorielles que l’UE doit poursuivre pour atteindre son objectif d’émissions de 2050. Par exemple, s’ils sont adoptés, les objectifs de 30 % d’économies d’énergie et de 27 % d’énergies renouvelables ne feront qu’améliorer modérément les tendances actuelles de l’UE.
Pourtant, comme l’Iddri l’a récemment soutenu, les tendances actuelles sont encore loin d’être suffisantes pour mettre l’UE sur la voie de ses objectifs climatiques à long terme. Par exemple, l’objectif de 27 % pour 2030 implique en réalité un ralentissement du taux de déploiement par rapport à la décennie précédente. Le risque est que des taux de déploiement beaucoup plus rapides soient nécessaires dans les décennies suivantes pour atteindre l’objectif de -80 % de l’UE à l’horizon 2050, et a fortiori pour le dépasser (voir figure 1).

renewable-deployment-levels

Figure 1. Les niveaux de déploiement des énergies renouvelables proposés pour 2030 ne sont pas compatibles avec les tendances passées ou l’objectif de -80 % en 2050
Source: Iddri, d’après des données MILES (2016).

Il est donc essentiel que le nouveau mécanisme de gouvernance mette en évidence ces incohérences, que les États membres soient incités à aller au-delà des exigences minimales de l’UE et que les cycles de révision intégrés dans la législation permettent de remédier à ces faiblesses. La stratégie de la Commission cherche également à trouver un équilibre délicat entre les responsabilités de l’UE et celles des États membres et l’on ne sait pas encore comment cela se concrétisera dans la pratique.
 

D’une part, la Commission tente clairement de donner aux États membres davantage de voix dans la mise en œuvre de leurs transitions énergétiques nationales (par exemple avec les plans nationaux), en partie pour qu’ils s’approprient les objectifs énergétiques et climatiques de l’UE.
D’autre part, l’UE tente toujours de mettre en place un ensemble d’objectifs, de mandats et de mesures sectoriels, des objectifs contraignants pour l’UE, des mécanismes de remplacement si les objectifs de l’UE ne sont pas respectés, etc., afin de ne pas perdre tout contrôle du processus. Ce n’est pas nécessairement une tension malsaine, mais cela peut signifier qu’il n’est pas facile de trouver le bon équilibre entre l’appropriation de l’UE et celle des États membres. Enfin, certaines propositions de la Commission manquent parfois de précision pour être appliquées efficacement. Par exemple, la Commission souhaite à juste titre que les États membres élaborent des stratégies de décarbonation à long terme à l’horizon du milieu du siècle. Le but de ces stratégies est de guider les mesures à court terme devant être prises aujourd’hui pour permettre d’atteindre des objectifs profonds dans les décennies à venir. Toutefois, la finalisation de ces stratégies à long terme n’est curieusement requise qu’en 2020. Soit deux ans après l’échéance de la soumission des plans nationaux en matière de climat et d’énergie (fixant les stratégies pour 2030) en 2018.

Quelle sera l’étape suivante ?

Les propositions présentées dans le cadre du paquet hiver vont désormais être débattues, renégociées et modifiées au cours des deux prochaines années avant leur adoption finale. Cela se fera par le biais du processus dit de « codécision » de l’UE, qui impliquera le Parlement européen et les États membres siégeant au Conseil de l’UE. Beaucoup de choses peuvent encore changer et, dans le climat politique actuel, cette négociation promet d’être difficile. Idéalement, les propositions seront amendées et adoptées sous leur forme la plus ferme possible. Le paquet hiver pourrait être considéré comme le strict minimum que la Commission estime pouvoir faire accepter de la part de Bruxelles par les États membres à l’heure actuelle. Toutefois, rien n’empêche les États membres d’aller au-delà des exigences minimales de l’UE, ou l’UE de réviser ce niveau minimal d’ambition conformément aux cycles de révision de l’Accord de Paris. Il convient donc d’interpréter le paquet hiver comme la définition d’un plancher des ambitions de la politique climatique et énergétique de l’UE, et non pas comme un plafond.


[1] Les 5 dimensions de l’Union de l’énergie sont : la décarbonation, l’efficacité énergétique, la sécurité énergétique, le marché intérieur de l’énergie (gaz et électricité) et l’innovation et la compétitivité.