Après deux semaines d’âpres négociations, la COP 24 s’est achevée, samedi dernier à Katowice en Pologne, par l’adoption d’un ensemble de règles opérationnalisant les principes de la gouvernance internationale du climat fixés par l’Accord de Paris, mais la communauté internationale n’a pas su profiter de cette occasion pour répondre à l’appel unanime des scientifiques du monde entier et à initier un élan politique en faveur de davantage d’ambition climatique.


Dans un contexte géopolitique difficile et très différent de celui de 2015 qui avait permis un succès à la COP 21 à Paris, le système multilatéral a démontré sa solidité et sa résilience en parvenant à doter l’Accord de Paris de nécessaires règles de mise en œuvre. Néanmoins, sans leadership international clair sur la question climatique, c’est au niveau national que des politiques publiques ambitieuses permettant de mener à bien la transition écologique doivent dès maintenant être définies et mises en œuvre. Il incombe aux dirigeants d’y consacrer leur capital politique. C’est un véritable défi puisque l’on ressent dans de nombreux pays la difficulté à tenir un débat national sur ces sujets malgré la mobilisation de nombreux acteurs de la société civile et du secteur privé. C’est pourtant indispensable en vue du sommet du secrétaire général des Nations unies de septembre 2019, où les chefs d’État et de gouvernement devront être prêts à revoir à la hausse leurs engagements d’ici à 2020 dans l’objectif d’approfondir leur transition et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Après avoir fait durer le suspense pendant plus de 30 heures, les délégués des 197 pays présents à Katowice depuis deux semaines ont enfin mis un point final à la COP 24. Bien que l’on semblait s’approcher d’un équilibre dès vendredi matin, c’est notamment la question complexe des mécanismes d’échanges d’émissions de CO2 qui a fait traîner les négociations et tenu les délégations en haleine ; une responsabilité partagée entre le Brésil, qui souhaite continuer à bénéficier de l’ancien système parallèlement au nouveau, et la gestion hésitante du processus par la présidence polonaise.

L’adoption du rulebook, trois ans après l’Accord de Paris

Trois ans presque jour pour jour après l’adoption dans une ferveur quasi unanime de l’Accord de Paris, le premier objectif de cette COP a été atteint : promulguer un ensemble de règles précises permettant de concrétiser les principes fixés par l’Accord de Paris et de rendre ce traité opérationnel et efficace. Elles relèvent du type d’informations fournies par les pays tant sur leurs réductions d’émissions que sur les politiques d’adaptation aux impacts du changement climatique qu’ils mettent en œuvre ou des financements qu’ils mobilisent ou reçoivent afin d’assurer leur transition. La transparence sur ces questions est un gage de confiance fondamental entre pays, tout comme leur suivi et leur vérification qui permettront en outre de faire tous les cinq ans le bilan de l’action collective. Car c’est bien là que se situe le cœur des principes décidés à Paris : une accélération progressive et régulière des actions de tous.

Les questions financières, qui constituent souvent dans cette enceinte la principale pomme de discorde, ont également connu des progrès notables. Un point d’étape formel sur la mobilisation des fameux 100 milliards de dollars par an, qui doivent être transférés vers les pays en développement à partir de 2020, a démontré que la trajectoire actuelle, avec près de 75 milliards de dollars déjà mobilisés en 2016, devrait permettre d’atteindre l’objectif. D’autres part, les nombreuses annonces de contribution aux différents fonds1 (Fonds vert, Fonds d’adaptation, Fonds pour les pays les moins avancés) ont notamment contribué à renforcer la confiance dans le fait que, si les appels à davantage d’ambition climatique se multiplient, les pays en développement et particulièrement les plus vulnérables seront appuyés et accompagnés pour mener à bien leur transition vers un monde sans carbone et résilient aux impacts du changement climatique.

L’ambition climatique en berne

Le second objectif de cette conférence n’a cependant pas été atteint : nombreux sont ceux, au sein des gouvernements comme de la société civile, qui attendaient que cette première COP depuis la publication du dernier rapport du Giec, sans ambiguïté sur l’urgence à agir, y apporte une réponse politique claire et sans équivoque. Mais la réception du rapport a été timide notamment du fait d’une opposition de l’Arabie Saoudite renforcée par l’appui implicite des États-Unis et le soutien d’alliés de circonstance (Russie, Koweït). C’est finalement seulement la remise de leurs travaux « à point nommé » qui sera saluée dans la décision finale (sic.)

Pis, les pays n’ont pas profité du dialogue de Talanoa2 , premier exercice de bilan mondial, pour s’engager fortement pour un relèvement de leur ambition. La Présidence polonaise, qui tout au long de l’année avait évité ce terrain qu’elle jugeait miné politiquement – du fait de la pression au sein de l’Union européenne, des divisions politiques internes de sa majorité gouvernementale, et de sa proximité géostratégique avec les États-Unis –  a finalement mis ce sujet à l’agenda politique durant la seconde semaine de COP. Mais sans direction politique forte, le résultat est au mieux tiède et en demi-teinte, puisque la décision finale n’appelle pas clairement à accélérer les efforts nationaux et à présenter d’ici 2020 des contributions substantiellement plus ambitieuses3 .

Et ce sont surtout les interventions répétées du secrétaire général des Nations unies (3 fois en 15 jours), ses déclarations publiques et ses efforts diplomatiques qui auront permis davantage de visibilité à cet enjeu dans la décision finale de Katowice. C’est d’ailleurs afin de redéfinir la notion d’ambition climatique et de mettre les pays face à leurs responsabilités qu’il convoque le sommet de septembre 2019. Après une année de flottement dans l’élan politique international, marquée néanmoins par l’engagement accru des acteurs de la société civile, des entreprises aux territoires en passant par les mobilisations citoyennes, on attend un sursaut international en 2019. C’est le Chili, économie très investie dans sa transition énergétique, qui sera l’hôte de la prochaine COP. Après les atermoiements de l’année écoulée, la responsabilité qui lui incombe sera importante.

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