Le 20 avril 2020 correspond au dixième anniversaire de l’accident de la plateforme pétrolière offshore Deepwater Horizon. Catastrophe environnementale majeure, cet évènement a mis au jour les lacunes de l’encadrement du secteur extractif offshore. Dix ans plus tard, où en est la réglementation de ce secteur, et a-t-on su tirer les enseignements de cet accident ?

Le 20 avril 2010, la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, exploitée par BP dans le golfe du Mexique, explose, faisant 11 victimes et laissant échapper pendant 87 jours l’équivalent de 5 millions de barils de pétrole1 . Les conséquences environnementales sont colossales – causant la mort de centaines de milliers d’animaux parmi lesquelles 800 000 oiseaux et 170 000 tortues marines2 – et l’impact de la marée noire sur les secteurs de la pêche et du tourisme s’élève, respectivement, à un milliard et 500 millions de dollars3 4 . Le retentissement médiatique est également considérable. Une décennie après cet accident majeur, où en est la réglementation de cette activité ?

À l’échelle nationale, les réponses apportées par les autorités restent fortement disparates d’un pays à l’autre. Dans un double objectif de préservation de l’environnement marin et de lutte contre le changement climatique, certains États ont choisi la voie d’un durcissement de leur réglementation, voire de l’interdiction pure et simple de tout nouveau forage : c’est le cas, par exemple, du Belize, du Costa Rica, de la France, de l’Italie, de la Nouvelle-Zélande, ou encore de certains États des États-Unis comme la Floride. D’autres, à l’inverse, continuent de promouvoir le développement du secteur. Ainsi, la Russie développe de nouveaux projets en Arctique5 , les États-Unis ont récemment modifié leur plan quinquennal 2017-2022 d’attribution de permis en mer pour ouvrir de nouvelles zones à l’offshore6 et la Norvège vient d’élargir sa zone accessible aux forages en mer7 .

La catastrophe du Deepwater Horizon avait aussi mis en lumière les lacunes de la réglementation internationale et la faiblesse de la coopération interétatique. Dix ans plus tard, le constat reste similaire. Un temps envisagée par les membres du G20, l’idée d’une convention internationale sur la sécurité des plateformes n’a jamais abouti, faute d’accord politique. De même, la proposition indonésienne visant à l’élaboration de règles internationales en matière de responsabilité et d’indemnisation8 a été rapidement enterrée, rencontrant trop d’opposition parmi les pays membres de l’Organisation maritime internationale (OMI). À ce jour, l’extraction pétrolière et gazière reste l’activité maritime la moins encadrée par le droit international.

C’est à l’échelle régionale que les avancées ont été les plus notables, bien qu’encore parcellaires et fragmentées. L’Union européenne a ainsi adopté en 2013 une directive spécifique, centrée sur les questions de sécurité, mais occultant celles relatives à la responsabilité et l’indemnisation9 . En Afrique de l’Ouest, c’est à travers la Convention d’Abidjan que les États se sont dotés de règles communes, par l’adoption en 2019 d’un protocole établissant des normes et standards environnementaux pour le secteur offshore. De l’autre côté du continent, les États parties à la Convention de Nairobi collaborent également pour encadrer les futures exploitations. L’adoption de cadres communs à l’échelle des régions marines revêt plusieurs intérêts, notamment l’échange d’expériences entre autorités nationales et la lutte contre le dumping environnemental10 . Néanmoins, la seule adoption de règles n’est évidemment pas suffisante et l’enjeu porte aujourd’hui sur leur mise en œuvre effective, dans des contextes où les capacités nationales, en matière de contrôle notamment, sont souvent limitées.

Ainsi, dix ans après l’accident du Deepwater Horizon, le bilan reste donc en demi-teinte. Les initiatives en faveur d’un renforcement de la sécurité des plateformes restent fragmentées et aucune réponse n’a pour le moment été apportée à l’épineuse question de la responsabilité et de l’indemnisation en cas de pollution transfrontalière. L’Afrique, qui connaît un développement significatif des activités extractives11 , voit se développer une coopération interétatique prometteuse : l’adoption de règles communes concourt ainsi à un mieux-disant environnemental et renforce le poids des gouvernements face aux initiatives privées. Il faut parallèlement s’assurer que les enjeux économiques – gigantesques – ne viennent pas mettre à mal les initiatives des acteurs d’environnement pour une meilleure protection du milieu marin. À cet égard, la société civile a un rôle crucial à jouer pour inscrire ces enjeux au cœur de l’agenda politique et s’imposer comme force de proposition – et si besoin d’opposition – face aux gouvernements et aux compagnies12 .