Après deux ans et demi de suspension pour cause de pandémie, les négociations pour l’élaboration d’un traité sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer reprennent lundi prochain au siège des Nations unies. 

Les négociateurs vont – enfin – revoir New York. Une partie d’entre eux tout au moins, puisque les conditions sanitaires encore fragiles imposeront un nombre limité de représentants nationaux et empêcheront, de fait, une participation élargie de la société civile. Mais les négociations reprennent, et c’est déjà là une excellente nouvelle. La dernière réunion de la conférence intergouvernementale remonte à août 2019 et si les délégations ont profité de la pause contrainte par la pandémie de Covid-19 pour échanger informellement sur le contenu du texte, il est grand temps de revenir à la table onusienne. Car les chantiers restant à finaliser sont multiples, le projet de traité dont la dernière version date de mai 2019 comprenant encore de très nombreux « crochets », soit de très nombreux points en suspens, encore à négocier et arbitrer. 

Ce nouveau round de négociations portera d’abord et avant tout sur les quatre composantes essentielles du futur traité : (i) les ressources génétiques marines (RGM), y compris les questions relatives au partage des avantages liés à leur exploitation ; (ii) les mesures telles que les outils de gestion par zone (OGZ), notamment les aires marines protégées (AMP) ; (iii) les études d’impact environnemental (EIE) ; et (iv) le renforcement des capacités ainsi que le transfert de la technologie marine.

S’agissant du premier volet, la définition des RMG, le champ d’application du texte et la nature du partage des avantages constituent des points particulièrement sensibles. Si la référence au patrimoine commun de l’humanité, principe longtemps invoqué par le groupe du G77, a disparu de la dernière version du texte, il reste notamment à déterminer si le partage des avantages sera obligatoire ou volontaire et s'il comprendra des avantages à la fois monétaires – ce qui nécessiterait vraisemblablement l'établissement d'un mécanisme de distribution – et non monétaires, tels que l'accès aux échantillons et le partage des informations. Les dispositions relatives aux OGZ et AMP sont quant à elles un peu mieux structurées, depuis l’identification des sites à protéger jusqu’à la mise en place de plans de gestion. Des améliorations textuelles sont néanmoins espérées pour donner aux futures AMP de haute mer les moyens de pouvoir assurer une conservation effective de la biodiversité marine, notamment à travers un contrôle, suivi et surveillance renforcés. Plus technique mais primordiale, la partie relative aux études d’impact environnemental reste également à finaliser. C’est en particulier le seuil à partir duquel procéder à une EIE et les critères à prendre en compte pour sa conduite qui ne font toujours pas l’objet d’accord. Enfin, les pays du Sud attendent des engagements plus fermes sur la composante « renforcement des capacités et transfert de la technologie marine », notamment à travers un mécanisme obligatoire et pas seulement volontaire. 

Au-delà de ces quatre piliers, les négociateurs auront également à revoir le dispositif institutionnel du futur traité, dont la robustesse conditionnera la mise en œuvre effective du futur accord. Le mandat et les règles de fonctionnement de la Conférence des Parties (COP), le rôle de l’organe scientifique et technique et du Centre d’échange, les modalités de financement, les mécanismes de coordination entre le futur traité et les instruments existants constituent, par exemple, des éléments déterminants pour donner à l’accord les moyens de remplir efficacement ses fonctions. On résume souvent l’enjeu des négociations en cours à la possibilité de créer des AMP en haute mer. Mais l’effectivité de ces mesures, et plus largement de l’ensemble du futur édifice, se joue aussi dans ces dispositions, certes techniques mais particulièrement stratégiques. 

Ces quinze prochains jours s’annoncent particulièrement chargés pour les négociateurs. Cette quatrième réunion de la conférence intergouvernementale, censée être la dernière, permettra-t-elle de finaliser le texte ? On peut en douter, tant les chantiers à clôturer restent nombreux. La composition de certaines délégations nationales a par ailleurs évolué depuis la dernière session et les nouveaux arrivants auront sans doute besoin d’un temps d’adaptation. Enfin, les conditions imposées par les règles sanitaires – limitant le nombre de délégués dans la salle et imposant des contraintes horaires – auront forcément un impact. 

Toutefois, de plus en plus d’États indiquent leur volonté de finaliser le traité en 2022 et la High Ambition Coalition lancée lors du One Ocean Summit1 en février dernier devrait se positionner comme garante d’un texte robuste et rapidement finalisé. 
 

  • 1La Coalition – composée de l’Union européenne, de ses Etats membres et d’autres pays (Maroc, Australie, Canada, Chili…) – appelle à « l'adoption cette année, d'un traité ambitieux pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale".