Les premiers jours de la COP21 ont été riches en annonces et discours. En voici quelques-uns :

  • La « Mission Innovation » rassemble 20 grands pays et vise à accélérer l’innovation dans les énergies propres, et en particulier à doubler d’ici 2020 les investissements publics en matière de recherche et développement dans ce secteur (qui s’élèvent actuellement à 10 milliards de dollars). Cette initiative est également soutenue par une coalition d’investisseurs du secteur privé, la « Breakthrough Energy Coalition » pour la commercialisation des technologies prometteuses à fort potentiel de transformation.
  • L’« Alliance solaire » regroupe plus de 100 pays dans le but d’aider les États pauvres dotés d’un potentiel en matière d’énergie solaire à l’exploiter ce potentiel, grâce à l’investissement de 1 000 milliards de dollars dans l’énergie solaire d’ici 2030.
  • Plusieurs engagement financiers : le Canada s’est engagé à doubler son financement climatique ; la Suisse, la France, l’Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et d’autres ont promis de verser 248 millions de dollars au Fonds pour les pays les moins avancés, en priorité pour l’adaptation ; et la nouvelle initiative Transformative Carbon Asset Facility de l’Allemagne, la Norvège, la Suède et la Suisse porte sur un montant de 500 millions de dollars pour financer des réductions d’émissions dans les pays en développement. Par ailleurs, dans un accord commun, la Norvège, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont promis 5 milliards de dollars pour lutter contre la déforestation tropicale dans le cadre de REDD+.
  • Le président Xi Jinping a rappelé la création d’un Fonds chinois de coopération Sud-Sud sur le climat doté de 20 milliards de yuans (3 milliards de dollars) pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique.
  • Un nouveau Communiqué pour la réforme des subventions aux énergies fossiles a également été présenté, appelant à l’intensification des efforts pour mettre un terme à ces subventions.
  • La Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone a été officiellement lancée : elle rassemble la Banque mondiale, le FMI et d’autres organisations internationales, notamment des ONG, de nombreux gouvernements (d’Europe, d’Afrique, d’Amérique Latine, d’Amérique du Nord et d’Asie centrale), ainsi que près de 90 entreprises, dans le but d’encourager les mécanismes de tarification du carbone.
  • La Transformative Carbon Asset Facility a également été lancée, une initiative de la Banque mondiale et l’Allemagne, la Norvège, la Suède, et la Suisse dotée de 500 millions de dollars destinée à aider les pays en développement à réduire considérablement leurs émissions, grâce aux réformes politiques et la création de nouvelles catégories de crédits carbone associés à la réduction des émissions.
  • L’initiative « Anticiper, Absorber, Refaçonner », lancée par le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, et 13 agences de l’ONU, vise à accroître la résilience dans les pays les plus vulnérables.
  • La Déclaration « Because the Ocean », signée par 11 pays, vise à améliorer les travaux scientifiques et politiques de protection des océans face au changement climatique.

Les initiatives listées ci-dessus sont les annonces phares d’une multitude d’actions climatiques observées dans le monde ces dernières années[1], tout un ensemble d’acteurs se mobilisant pour le climat : villes, autorités locales, entreprises, investisseurs, etc. Avec ces alliances, nous assistons à l’émergence de nouvelles coalitions entre pays, comblant le fossé Nord/Sud habituel.

Mais cela soulève aussi de nombreuses questions. Comment faire en sorte que tous ces engagements soient respectés et ne restent pas des vœux pieux ? Comment réaliser le suivi de ces initiatives ? Comment transposer ces initiatives et annonces à une plus grande échelle, afin d’aider les pays à accélérer leurs actions sur le climat ?

Le rythme des progrès réalisés dans les négociations pendant ces deux premiers jours de COP21 n’a pas été à la hauteur de ces annonces. Un enjeu semble en particulier hanter les négociations : la coopération et la solidarité. Comment l’Accord de Paris peut-il aider les pays les plus pauvres dans leur transition vers des économies résilientes à faibles émissions ? Comment faire face aux catastrophes climatiques ? Ces questions sont apparues de façon récurrente dans les discours de nombreux chefs d’État.

L’Accord de Paris ne peut pas reposer uniquement sur les INDCs et les systèmes de transparence et de contrôle régulier. Si c’était le cas, les INDCs constitueraient les « contributions » à une réponse collective de faible intensité. Un tel accord n’apporterait pas de réponse suffisante au changement climatique et n’offrirait pas le soutien nécessaire aux pays en développement. Le défi de la semaine et demi à venir sera de développer une vision commune d’un accord allant bien au-delà de ce strict minimum et doté d’un programme de coopération détaillé.

Et pourtant, en même temps, nous pouvons comprendre les arguments de certains pays qui estiment que la CCNUCC n’est pas le bon endroit pour développer une coopération technologique profonde et hautement technique, ni pour restructurer le système financier mondial afin de soutenir les investissements sobres en carbone. Ce n’est pas son rôle et elle n’est pas équipée pour le faire.

En revanche, les initiatives telles que celles décrites plus haut, si elles sont développées et mises en œuvre, pourraient former l’épine dorsale d’un programme de coopération très efficace. Il ne faut pas les opposer à l’accord international (ni à la CCNUCC) ; ils sont au contraire complémentaires et se renforcent mutuellement. La pression politique exercée afin de trouver un accord à Paris a attiré l’attention au plus haut niveau sur le développement de ces initiatives de coopération.

L’Accord de Paris sera déterminant pour tirer le meilleur parti de ces initiatives et rendre possible leur effet de transformation. Si l’Accord peut être durable et dynamique, cela encouragera aussi ces coalitions à se développer et à présenter des projets plus ambitieux, pour continuer à être les moteurs de l’ambition mondiale. Si l’Accord de Paris parvient à définir des orientations et des objectifs à long terme en matière de coopération technologique et de financement, la volonté politique de mettre en œuvre et de consolider ces initiatives de coopération en sera renforcée.

Voilà donc la clé de la question de la coopération. L’Accord de Paris a besoin de créer l’espace et d’exercer les pressions indispensables pour mettre en œuvre l’ensemble d’initiatives de coopération profondes, institutionnalisés et transformationnelles dont nous avons besoin. La définition d’orientations et d’objectifs à long terme en matière de financement, de coopération technologique et de résilience, et leur intégration dans un accord dynamique, peuvent constituer le moteur de la coopération. Ce ne sont là que quelques-uns des éléments du cadre nécessaire pour le suivi de ces initiatives et la poursuite du « Plan d’action Lima-Paris » après la COP21. D’autres éléments importants incluront la coordination et la liaison de ces initiatives avec les négociations dans les années à venir, les systèmes de déclaration de ces initiatives (en évitant le double comptage des réductions d’émissions), leurs évaluations, etc.

Nous avons pu en voir l’embryon dans les annonces faites lundi ; un Accord de Paris dynamique et durable a le potentiel de créer le contexte dans lequel cet embryon pourra se développer pour devenir une coopération très efficace.

[1] Un portail permet d’enregistrer les actions climatiques : lancé l’année dernière à Lima conjointement par les présidences française et péruvienne, le portail « NAZCA » a permis aux acteurs non-étatiques d’enregistrer plus de 10 000 engagements en à peine un an.