Les chefs d'État et de gouvernement du G20 se réunissent à Antalya (Turquie) les 15 et 16 novembre. Beaucoup de questions sont à l'ordre du jour de cette rencontre, notamment celle du rôle prometteur (mais pas encore accompli) que pourrait jouer le G20 dans la lutte contre le changement climatique. Dans ce contexte, quelle pourrait être la contribution de ce sommet à la gouvernance mondiale des politiques climatiques internationales et dans la préparation de la Conférence de Paris ?

Un travail colossal reste à faire dans les négociations en vue de l’accord de Paris. Les négociations techniques ont peu progressé lors des précédentes réunions, malgré les orientations données par des événements de haut niveau comme la déclaration bilatérale sur le changement climatique des États-Unis et de la Chine, ou encore le déjeuner des chefs d’État organisé par Ban Ki-moon. Le G20 représente donc une occasion cruciale d’apporter de nouvelles orientations politiques dans la perspective de la Conférence de Paris.

Quels problèmes pourraient être abordés ? Dans leur conclusion sur le déjeuner des chefs d’État sur le changement climatique, les présidents ont noté que l’accord de Paris devait « réaffirmer, clarifier et concrétiser l’objectif de limiter l’augmentation de la température moyenne en surface à moins de 2° C ». Toutefois, c’est dans les détails que les problèmes apparaissent : les chefs d’État pourraient aller plus loin pour clarifier et concrétiser cet objectif, par exemple par la transition vers des sociétés à faibles émissions et résilientes au cours de ce siècle, reconnaissant ainsi la recommandation du GIEC préconisant une réduction des émissions de 40 à 70 % d’ici 2050. Cela touche au cœur d’un rôle essentiel des chefs d’État : maintenir l’élan d’un accord de Paris « ambitieux ». Le G20 pourrait reconnaître les principales conclusions du rapport de la CCNUCC sur l’effet global des INDC. Il apparaît clairement que si les INDC permettent de consolider et d’accélérer l’action sur le changement climatique, ces contributions ne sont pas suffisantes pour que l’objectif de 2° C reste à portée de main. Dans ce contexte, le G20 pourrait soutenir la mise en place dans l’accord de Paris d’un mécanisme de révision à la hausse régulière, rapide et prévisible des ambitions nationales, à partir de 2020. Plus important encore, si les dirigeants du G20 doivent être au premier plan de la gestion de cette transformation profonde de l’économie mondiale, ils n’ont pas besoin d’attendre les retombées officielles de la COP de Paris pour s’engager individuellement à évaluer et faire avancer politiquement ce processus. Ils pourraient s’engager à se rencontrer en 2017, afin de coordonner et de poursuivre l’action climatique au-delà du processus de la CCNUCC, ce qui renforcerait les effets de synergie, aujourd’hui et dans les années à venir. Le développement par les pays du G20 de stratégies à faibles émissions d’ici le milieu du siècle, telles que celles proposées dans le projet Deep Decarbonisation Pathways Project, pourrait envoyer des signaux supplémentaires au sujet de l’orientation future de la politique mondiale, des marchés et des technologies.

La valeur ajoutée du G20 dans le domaine du financement climatique est particulièrement importante en raison de sa profonde interaction avec les institutions de gouvernance financière (organismes de réglementation, banques de développement, OCDE ou encore FMI) et de la présence de ministres des Finances et de représentants des banques centrales. La présidence turque a fait du financement climatique une priorité, notamment pour les pays à faible et moyen revenu. Le G20 pourrait reconnaître qu’il est important de poursuivre et de renforcer les efforts de mobilisation du financement climatique, en respectant l’objectif de 100 milliards de dollars auquel les pays développés se sont engagés, et en définissant des priorités pour les ressources publiques limitées en faveur de l’adaptation dans les pays les plus pauvres. Une dynamique est également en train de s’enclencher sur l’élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles, qui a toujours été une des principales revendications du G20. L’Arabie Saoudite, dont les subventions aux combustibles fossiles s’élèvent à plus de 13 % du PIB, serait en train d’évaluer une vaste réforme des subventions à l’énergie. Le G20 doit continuer à faire avancer ce dossier, en améliorant l’apport de données, la transparence et la définition d’objectifs et de calendriers pour une réduction progressive des subventions. Des mesures concrètes telles que des annonces individuelles ou des trajectoires vers un arrêt total des subventions aux combustibles fossiles, par exemple d’ici 2020, constitueraient une étape très positive. Dans cette même logique, le G20 peut aider à garantir l’écologisation progressive de l’argent public international afin d’appuyer les objectifs en matière de climat, notamment par l’élimination graduelle de l’aide au charbon, en se basant sur les récents travaux de l’OCDE ou encore sur la déclaration bilatérale Chine-États-Unis de cette année par exemple.

Le Conseil de Stabilité Financière a récemment proposé la création d’un groupe de travail consacré à l’information sur les risques climatiques, en réponse à une demande formulée en avril par les ministres des Finances et les représentants des banques centrales du G20. L’objectif de ce groupe serait d’étudier et éventuellement d’harmoniser les cadres en matière d’exposition du secteur privé aux risques liés au changement climatique, qu’il s’agisse de risques d’impacts physiques ou de risques résultant de la réévaluation des actifs financiers découlant de politiques climatiques rigoureuses. Un accord du G20 sur le lancement de ce groupe de travail permettrait d’envoyer un signal fort indiquant que le changement climatique est en cours d’intégration dans la gouvernance économique et financière, et aiderait à éloigner davantage les capitaux du secteur privé des investissements risqués pour le climat. Des travaux récents ont montré en particulier que le secteur des assurances à travers le monde n’avait pas harmonisé les cadres d’information en matière de risques climatiques, en dépit de progrès réalisés aux niveaux nationaux. L’année dernière, le G20 s’est également engagé dans un programme de travail sur l’efficacité énergétique, notamment en termes de normes pour les véhicules lourds. La Chine et les Etats-Unis se sont récemment engagés de façon bilatérale à adopter des normes dans ce domaine d’ici 2019. Le G20 plus largement pourrait suivre cet exemple et serait de plus bien placé pour encourager la R&D en matière d’énergies propres – indispensable, mais qui n’entre pas dans le champ d’application de la CCNUCC.

Cependant, l’action climatique relevant du portefeuille du G20 doit se prolonger au-delà de ces domaines. Les plus grandes économies du monde doivent s’engager à maintenir un dialogue et à assurer leur soutien aux 20 pays les plus vulnérables au changement climatique. L’agenda reste ici à construire, mais l’adaptation et la résilience sont déjà d’une urgence et d’une importance absolues. La formation du « V20 » (vulnerable 20 group), groupe de 20 pays vulnérables, souligne l’importance accordée par ces pays au besoin de faire de la vulnérabilité climatique un enjeu géopolitique plus large.

Il reste beaucoup à faire, et le G20 a certainement la carrure nécessaire pour s’y appliquer vigoureusement.