Une des caractéristiques du développement durable est de requérir l'attention pour la transmission des différentes composantes de biens capitaux ou de patrimoines entre les générations successives : capital humain (connaissances, culture, techniques), capital naturel (ressources, services écologiques) ou capital productif (usines, infrastructures, équipements). Elle est aussi d'intégrer les considérations d'équité inter et intragénérationelle, dans leurs interactions, en donnant une priorité à la satisfaction des besoins essentiels des plus démunis. On sait également depuis les travaux d'Amartya Sen l'intérêt de distinguer les principaux axes de réalisation des personnes (les functionnings) et les capacités et compétences (capabilities) qui permettent aux personnes d'utiliser à bon escient les ressources disponibles pour réaliser leurs projets.
Pour appréhender si nos sociétés se réorientent vers un développement durable, il convient donc de regarder en premier lieu si, et comment, les différentes composantes du capital et du patrimoine se transmettent entre générations et d'étudier en quoi les inégalités sociales ne touchent pas seulement la propriété du patrimoine et la distribution de revenus mais aussi les capacités de transmettre, les capacités à recevoir et au total les transmissions effectives des capacités et compétences.
La conférence de Daniel Cérézuelle portera cette interrogation sur un type de compétences dont la transmission semble aller de soi et dont pourtant la chaîne de transmission est aujourd'hui interrompue pour certains groupes souffrant de marginalisation sociale: les savoir-vivre du quotidien.

Résumé de l'intervention
Deux siècles après les débuts de la civilisation industrielle, il apparaît que le développement accéléré a débouché sur la montée et la multiplication des problèmes d'environnement. On se rend moins bien compte que le développement s'accompagne aussi d'une crise culturelle. Les équilibres culturels qui organisent la vie humaine, individuelle et collective ne sont pas moins fragiles que les équilibres naturels, et les ressources culturelles ne se renouvellent pas aisément. C'est ainsi que la modernisation accélérée de nos sociétés s'accompagne d'une crise des savoir-vivre. Nombreux sont ceux pour qui les processus informels de transmission et d'intégration des savoir-vivre sont en panne alors qu'ils conditionnent la construction de la personnalité et de la sociabilité et qu'ils permettent la maîtrise de la vie quotidienne.
Ainsi assistons-nous à une crise du savoir habiter. Nous en examinerons les conséquences pour les publics en difficulté sociale. Une rapide présentation des démarches d'accompagnement à l'autoréhabilitation du logement qui ont été mises en oeuvre pour y remédier permettra de mettre en évidence la fonction socialisante de l'autoproduction et de l?économie non monétaire dans une société moderne et d'aborder le problème des limites anthropologiques de la monétarisation et de la professionnalisation