La « Climate Week » s’ouvre aujourd’hui à New York, alors que les ouragans Harvey et Irma viennent de frapper le nord-ouest de la Caraïbe et le sud-est des États-Unis. Ils montrent une fois de plus le potentiel de destruction de tels événements climatiques – lequel est corrélé à leur intensité, leur vitesse et leur trajectoire – sur les territoires continentaux comme insulaires, aussi bien dans des pays en développement que dans des pays développés.

Ils rappellent ainsi que les enjeux liés au changement climatique, tels que l’intensification probable des cyclones – l’augmentation de leur fréquence ne faisant pas consensus au sein de la communauté scientifique – affecte toutes les communautés qui vivent dans des zones à risque, au Nord comme au Sud, des paradis touristiques aux États insulaires plus démunis en passant par les États bordant le golfe du Mexique qui ont puisé une partie de leur richesse dans les hydrocarbures du sous-sol.

Une nouvelle fois, ces terribles manifestations démontrent la dimension globale des enjeux climatiques : les impacts de ces dérèglements affectent de façon indiscriminée des populations et des communautés entières sans se préoccuper de savoir lesquelles ont le plus émis de gaz à effet de serre. Ainsi nous sommes potentiellement tous victimes, mais aussi tous responsables, car, on le sait, seule une transformation drastique de nos modes de production et de consommation permettra d’endiguer ce phénomène.

Cependant, la leçon fondamentale de ces derniers jours est ailleurs : de telles catastrophes naturelles ne sont pas des fatalités. En effet, elles ne résultent pas exclusivement de ce que l’on nomme des « événement climatique extrêmes », mais plutôt de la conjonction entre ces derniers et nos modes d’occupation des territoires, eux-mêmes générateurs et multiplicateurs de « risques ». Lorsque des phénomènes comme Harvey et Irma surviennent, les médias, les autorités et l’opinion publique en général ont coutume de les qualifier d’événements « sans précédent », inédits, laissant ainsi entendre que les catastrophes induites n’auraient pas pu être anticipées. L'analyse approfondie de catastrophes récentes révèle toutefois la contribution des sociétés humaines à leur propre vulnérabilité face aux dangers naturels, et donc à l’ampleur des impacts.

À La Nouvelle-Orléans, la destruction des zones humides et la construction d'un système urbain très dense ces dernières décennies ont ouvert la voie aux conséquences dramatiques de l'ouragan Katrina 2005, c'est-à-dire à la fois la pénétration des vagues à l'intérieur des terres et la non-évacuation des eaux générées par la pluie et le débordement des lacs adjacents. En France, en 2010, la tempête Xynthia a dévasté les zones sableuses de basse altitude fortement urbanisées depuis les années 1950. Des histoires similaires ont lieu partout sur la planète, des îles du Pacifique aux côtes européennes, en passant par les territoires d'outre-mer. C’est ce qu’a notamment vécu l'île franco-néerlandaise de Saint-Martin, lourdement affectée par Irma, notamment parce qu’elle n’avait pas suffisamment tiré les leçons du puissant cyclone tropical Luis en 1995. Ici, les incitations fiscales de 1986 (Loi Pons) mises en place pour favoriser un développement rapide du tourisme, ont eu pour conséquence, du fait d’un appel d’air de main d’œuvre clandestine venue en masse des îles voisines (multiplication de la population par 4 en à peine 8 ans), une urbanisation brutale et incontrôlée des zones basses comme le cordon sableux de Sandy Ground, côté français. En l’absence d’un contrôle suffisant de l’urbanisation, des flux de migrants informels se sont installés dans des zones naturellement très exposées au risque de submersion marine, par exemple, situation d’autant plus préoccupante que l’habitat était par ailleurs très précaire. Ces zones ont été rasées par Luis, entraînant de sérieuses menaces pour la santé et la sécurité et révélant les causes profondes de la vulnérabilité de Saint-Martin.

Cet exemple, comme tant d’autres, révèle les conséquences dramatiques des dynamiques territoriales de la fin du siècle dernier (urbanisation côtière, dégradation des écosystèmes naturels tamponnés, perte progressive de la mémoire du risque, etc.) : l’aménagement de ces territoires (ou plutôt son absence) est, avec les aléas naturels, un des facteurs majeurs de risque. La vulnérabilité mise en avant ces dernières semaines n’est pas une fatalité. Il faut reconstruire sans commettre les mêmes erreurs. Tirer des leçons aussi vite que possible.

Et c’est bien là l’enjeu au lendemain de telles catastrophes, car chacune d’entre elles est source d’information et de compréhension nouvelle sur les facteurs de vulnérabilités. Les analyser, les ausculter et les disséquer est le premier devoir envers les nombreuses victimes pour éviter que chaque année de tels scénarios se répètent devant des pouvoirs publics impuissants. Répondre aux questions sur la meilleure manière d’adapter nos sociétés et nos pratiques, et engager des politiques ambitieuses pour accroître la résilience à long terme de nos territoires s’impose. Et vite ! Ne pas chercher à s’adapter coûte que coûte en s’entêtant dans l’erreur, mais plutôt réfléchir à comment accroître la résilience des territoires en assurant leur capacité constante d’adaptation au cours du temps.

En plus d’être une semaine symbolique illustrant l’engagement et la mobilisation d’acteurs chaque année plus nombreux, la « Climate Week » ouvre également une séquence plus longue, de deux ans, pendant laquelle le maître mot sera celui de « l’ambition », dans le cadre de la révision des engagements de l’Accord de Paris. La vulnérabilité doit être au cœur de cette discussion, car protéger sur le long terme les communautés et leur devenir socio-économique sera un pilier de l’ambition climatique. Le monde de demain présentera des risques nouveaux et accrus, qu’il faudra prévenir. Il est important d’avancer dans cette direction aussi afin de conserver l’unité, la confiance et l’équilibre de l’Accord scellé à Paris il y a près de deux ans, à travers une mobilisation renforcée et une meilleure coopération entre tous les acteurs concernés, au premier rang desquels figurent les communautés les plus touchées.  

 

Illustration : www.climateweeknyc.org