Le One Planet Summit, qui s’est tenu à Paris le 12 décembre dernier, visait à relancer la mobilisation internationale contre le changement climatique et a donné lieu à quelques annonces fortes, parmi lesquelles on retiendra tout particulièrement la fin – « sauf circonstances exceptionnelles » – du financement de projets d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures en 2019 par la Banque Mondiale. Ce sommet d’un genre nouveau que le Président de la République Emmanuel Macron a appelé à renouveler tous les ans, a constitué le premier moment fort du « dialogue de Talanoa » et a permis de donner une plateforme aux initiatives multiples des acteurs étatiques et non-étatiques et contribue à élargir la mobilisation. Le peu d’annonces liées à la contribution climatique des États, alors que ces derniers sont invités dans le cadre de l’Accord de Paris à réviser leurs objectifs à la hausse dès 2020 et tous les cinq ans par la suite, montre le besoin d’approfondir rapidement ces discussions au niveau domestique. Dans le cas de l’Union européenne, qui propose sa contribution à l’Accord de Paris de manière conjointe, il apparaît nécessaire d’engager dès à présent une réflexion pour rendre ces révisions du niveau d’ambition plus flexibles et plus rapides.

Comment dès lors engager ce renforcement de l’ambition européenne ? À quelle date peut-on viser de façon réaliste un accord sur un nouvel objectif européen de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ? Le Conseil de l’Union européenne du lundi 18 décembre marquera une première étape : les États membres devraient y soutenir un cadre de gouvernance apte à assurer l’atteinte des objectifs déjà sur la table. Tout nouvel objectif climatique devra ensuite être intégré au calendrier des cycles de révision de l’Accord de Paris et être en cohérence avec les politiques sectorielles de l’Union. Rouvrir l’ensemble des dossiers législatifs européens mobilisés pour mettre en œuvre les objectifs climat et énergie décidés fin 2014 engagerait, avec le processus de décision actuel, un nouveau cycle de négociation de quatre années et devrait probablement attendre l’arrivée d’un nouveau parlement et d’un nouvel exécutif européens en 2019 pour être lancé. Cette réflexion doit donc être engagée en amont des prochaines élections européennes pour que le Parlement et les États membres soient en mesure de fixer le mandat à la nouvelle Commission de soumettre une contribution plus ambitieuse en 2020.

Dans l’intervalle, il faudra maintenir la question climatique au sommet de l’agenda politique. Le relèvement de l’ambition européenne devra se faire sur la base d’une identification claire et partagée des stratégies, leviers et conditions nécessaires pour atteindre les objectifs de long terme. Pour ce faire, la formation rapide d’une coalition d’États membres pour pousser la Commission européenne à engager la définition d’une nouvelle feuille de route de long terme vers la neutralité carbone serait un premier pas. Le travail de la Commission pourra s’appuyer pour cela sur les progrès des États membres sur la définition de leurs plans énergie-climat 2030.

La mobilisation des flux financiers est une condition nécessaire à la réussite de la lutte contre le changement climatique. Mais l’attention des décideurs politiques doit avant tout se porter sur l’identification des ressorts économiques, technologiques ou sociétaux qui permettent d’enclencher les transformations nécessaires à la décarbonation profonde de l’économie.

En effet, pour orienter les flux financiers vers les investissements bas carbone, la mobilisation de volumes dédiés et la création de nouveaux standards ne suffiront pas : il faudra également s’attacher à créer les incitations législatives et réglementaires ainsi que les mesures d’accompagnent adéquates. En somme, aller au-delà de la fixation d’objectifs de réduction d’émissions pour ancrer la transition bas carbone au niveau de chaque secteurs d’activité, des territoires et des personnes concernées. Il faut par exemple accompagner la diffusion rapide de véhicules bas carbone, permettre le report modal vers les transports doux (marche, vélo) et les transports publics collectifs par un meilleur alignement des politiques urbaines, nationales et des flux financiers publiques, renforcer les réseaux électriques et repenser les règles du marché pour intégrer les productions renouvelables, et accompagner les travailleurs et territoires liés au secteur du charbon.

Enfin, l’Union devra également élaborer des solutions innovantes pour gérer les différences d’appétit des États membres au sujet de la lutte contre le changement climatique. Les pays de l’Est les plus dépendants du charbon et inquiets quant à leur indépendance énergétique du fait des approvisionnements de gaz russe seront les plus difficiles à convaincre. Les partenaires européens devront trouver pour cela un équilibre entre mesures incitatives et demandes d’engagement de la part des États les plus réticents autour d’un dialogue politique de haut niveau. Renforcer le poids de la lutte contre le changement climatique dans le budget de l’Union et intégrer une conditionnalité climatique des projets financés par le budget l’Union, en particulier dans la politique de cohésion territoriale, pourraient constituer dans ce cadre des leviers à explorer pour faire avancer de façon conjointe tous les États membres et limiter le risque d’une Europe du climat et de l’énergie à deux vitesses.