En mai 2018, plus d’une centaine de pays ont voté une résolution finalement adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) et ouvrant la voie à la négociation d’un Pacte mondial pour l’environnement. Un Groupe de travail spécial à composition non limitée a ensuite été créé, qui doit se prononcer, après trois réunions, sur la pertinence d’engager une négociation intergouvernementale en vue de l’adoption d’un nouvel instrument international. La deuxième session de fond de ce groupe s’est tenue du 18 au 20 mars à Nairobi (Kenya). Que faut-il en retenir ?

Lors de la première réunion de janvier 2019, la proposition originale d’un instrument juridiquement contraignant, le Pacte mondial pour l’environnement, n’avait pas été discutée formellement. Cette première réunion s’était surtout penchée sur l’analyse du rapport technique du secrétaire général des Nations unies1 et sur le recensement des lacunes du droit international de l’environnement (DIE), sans aboutir à un consensus. Cette fois-ci, certaines lacunes ont été relevées plus souvent que d’autres : manque de cohérence, manque de mise en œuvre effective due à un manque de moyens ou de mécanismes de contrôle, etc. La fragmentation du DIE est vue par certains pays comme la première lacune à combler, alors que pour d’autres elle ne constitue pas un défaut2 .

Mais la deuxième réunion a surtout permis de sortir de la discussion peu fructueuse sur l’identification des lacunes pour commencer à discuter des options sur la table. L’option d’un instrument juridiquement contraignant a été discutée, parmi d’autres options possibles et proposées par les représentants des États. Si un consensus général se dégage sur la nécessité de faire plus et mieux pour l’environnement et de rendre plus effectif le DIE, il reste à trouver sur la question de l’outil permettant d’y parvenir ; dans ce cadre, le projet de Pacte, qui doit faire face à de nombreuses difficultés dans le processus de négociation, est encore loin de faire consensus.

Un besoin de leadership et d’un diagnostic partagé

Avant sa démission en novembre 2018, le directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Erik Solheim, était un fervent soutien du projet de Pacte. La nouvelle directrice, déjà connue, Inger Andersen, n’a pas encore pris ses fonctions. Le secrétariat assuré par le PNUE s’en trouve affaibli, voire paralysé, et ne peut (ou ne veut) véritablement peser, éclairer ou orienter les discussions. Cette faiblesse contribue à l’absence de compréhension commune et de diagnostic partagé par les États. Les craintes et questions exprimées par plusieurs pays (Allemagne, Suisse, Nouvelle-Zélande, notamment) ne trouvent pas de réponses ni d’expertises indépendantes issues des organisations internationales. Il manque une étude de la faisabilité des options proposées par les différents pays, de leurs impacts et valeurs ajoutées. Dans ce contexte, le groupe de travail doit s’en remettre aux éclairages et à l’expertise de certains délégués en matière de DIE (Uruguay et Micronésie parmi d’autres).

Pour pouvoir avancer, un tel processus de négociation a besoin d’un leadership fort, soit de la part de plusieurs États membres, soit de la part des coprésidents du groupe, qui restent à ce stade très en retrait dans les discussions. Plusieurs délégations ont également insisté sur la nécessité d’avoir un processus transparent et basé sur le consensus, certains insistant même pour que les coprésidents présentent une feuille de route claire. Lors de la prochaine et dernière session, la responsabilité des coprésidents sera forte pour permettre de faire émerger un consensus et d’aboutir à des recommandations utiles pour l’Assemblée générale des Nations unies.

Cette absence de leadership se retrouve également dans la faiblesse relative de l’Union européenne. Empêtrée dans l’élaboration du fragile consensus interne entre les soutiens au projet de Pacte et ceux qui craignent qu’un tel projet affaiblisse le DIE, l’UE peine à proposer une direction claire aux autres États.

Une ambiance bienveillante, mais des propositions encore très hétérogènes

Pourtant, le contexte général n’est plus aussi défavorable qu’il pouvait le sembler lors de la session de janvier. Il existe globalement une volonté de travailler sur des propositions concrètes pour renforcer la mise en œuvre du DIE. Les principaux opposants au projet de Pacte – comme les États-Unis par exemple – n’ont pas cherché à bloquer le processus. Et des soutiens clairs en faveur d’un instrument contraignant existent : France, Maroc, Sénégal, Micronésie, Costa Rica, Pérou, Uruguay, Espagne, Burkina Faso, Nigeria, Cameroun. Par ailleurs, la Chine est clairement bienveillante vis-à-vis du processus, tout en affichant explicitement ses lignes rouges : non-intégration des droits de l’homme et prise en compte des principes de responsabilité commune mais différenciée, et de souveraineté nationale sur les ressources naturelles. Elle a par ailleurs exprimé son soutien à ce processus au plus haut niveau politique dans une déclaration franco-chinoise le 25 mars 20193 .

Ce contexte finalement bienveillant a permis à des propositions concrètes d’être faites. Plusieurs options ont été identifiées pour renforcer la mise en œuvre et la gouvernance du DIE, mais restent très hétérogènes : un instrument juridiquement contraignant, une déclaration politique de haut-niveau, une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. L’Union européenne, pour sa part, s’est prononcée en faveur d’une compilation possible de ces différentes options : une façon de dire que si elle était divisée en interne entre les différentes options, elle était aussi ouverte à la discussion avec les autres délégations. Et la société civile a évoqué la possibilité que ce processus aboutisse en 2022, pour les 50 ans de la conférence des Nations unies sur l'environnement de Stockholm.

Le contenu d’un possible instrument est également l’objet de visions assez divergentes. Si une codification des principes (comme un pacte) bénéficie de plusieurs soutiens, elle ne fait pas consensus, en particulier dans les pays qui pratiquent la common law4 . C’est d’ailleurs dans cette logique que certains pays comme l’Uruguay ont suggéré de travailler sur une « compilation » des principes, voire une simple liste. De nombreux États, en particulier issus des pays en développement, insistent pour un accroissement des moyens de mise en œuvre, s’appuyant sur le constat du rapport du SGNU5 .

Entre ces différentes propositions, il ne se dessine pas encore de majorité claire ni de recherche de compromis.

Une suite incertaine

La troisième, et dernière, session de négociations se tiendra à Nairobi du 20 au 22 mai. Elle devra définir les recommandations qui seront soumises à l’Assemblée générale des Nations unies d’ici juin pour éventuellement aboutir au lancement de négociations formelles pour l’élaboration (ou pas) d’un instrument, d’une déclaration ou autre option. Les États, ainsi que la société civile, ont jusqu’au 12 avril pour transmettre leurs propositions aux coprésidents.

D’ici là, il apparaît nécessaire que les pays souhaitant le plus avancer en faveur d’un instrument contraignant réussissent à développer un argumentaire commun qui puisse convaincre et construire des coalitions. Cela passera peut-être par une construction de compromis. D’autant plus qu’ un grand nombre de pays n’ont pas encore de préférence, et pourraient soutenir un compromis qui regrouperait à la fois un instrument sur les principes et les moyens de mise en œuvre.

La session de mai ne doit pas être un point final, mais doit permettre à ce processus de continuer et d’ouvrir des discussions concrètes en faveur du renforcement du DIE. À ce stade, c’est loin d’être assuré.

Cité par plusieurs délégations, le récent accord d’Escazú (Accord régional sur l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement en Amérique latine et dans les Caraïbes) pourrait apporter de nouvelles perspectives à la négociation sur le Pacte afin renforcer la mise en œuvre du droit international de l’environnement.