Le covoiturage et l’autopartage entre particuliers sont souvent présentés comme des maillons clés de la mobilité durable, notamment dans les territoires peu denses. Si ces pratiques présentent de réels potentiels environnementaux et sociaux, leur développement pour les trajets de courte distance fait face à de nombreux défis. Comment lever ces contraintes, et quel peut être le rôle des pouvoirs publics pour soutenir les acteurs de la mobilité collaborative ?

Mobilité collaborative : des promesses aux difficultés de développement sur courte distance

OuiHop’, Karos, WayzUp, Koolicar, Ecov… Nombreuses sont les start-up qui tentent de développer le covoiturage et l’autopartage entre particuliers pour les déplacements du quotidien. La progression de l’usage des smartphones et du numérique rend en effet possible de nouvelles solutions pour faciliter le partage de la voiture : Koolicar par exemple équipe les véhicules d’un boîtier qui permet d’ouvrir la voiture sans les clés, tandis que l’application Karos utilise l’intelligence artificielle pour anticiper les déplacements et proposer spontanément des alternatives en covoiturage. Les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative incarnent ainsi la convergence entre les transitions numérique et écologique, thème d’une conférence organisée le 23 juin dernier par l’Iddri.
 

Des pratiques qui améliorent la durabilité des déplacements du quotidien...

Le partage de la voiture permet d’améliorer la durabilité des déplacements du quotidien, notamment dans les territoires peu denses où les alternatives à la voiture sont rares. Le covoiturage mutualise les trajets et permet donc de réduire la congestion et les émissions de polluants. L’autopartage quant à lui optimise l’usage de la voiture : on en loue une lorsqu’on en a vraiment besoin, et on utilise le reste du temps d’autres modes de transport. Ces deux pratiques permettent aussi de réduire les coûts associés à la mobilité, le gain annuel variant de quelques centaines à plus de 3 000 euros selon l’ampleur des changements de comportement.
 

mais des obstacles à leur déploiement

Cependant, les obstacles au déploiement de ces pratiques sont encore nombreux, comme l’ont montré les débats lors de la conférence du 23 juin.

  • D’abord, le développement de l’autopartage dépend de l’accès à des modes de transport alternatifs (transports collectifs, covoiturage, vélo) pour réaliser les trajets les plus fréquents, la voiture n’étant alors utilisée que de manière ponctuelle. C’est ce qui explique que l’autopartage ne peut se diffuser dans les territoires où il existe peu de solutions alternatives à la voiture. En ce qui concerne le covoiturage, bien que les innovations développées par les start-up réduisent les coûts d’organisation liés à la récurrence des déplacements, le gain financier reste modéré et dispersé dans le temps – du moins tant que l’usager n’abandonne pas sa propre voiture.
     
  • De plus, pour que ces solutions entre particuliers soient utilisées pour les déplacements du quotidien, il faut qu’il y ait un ajustement très fin entre l’offre et la demande, car les individus sont moins flexibles – dans le temps et dans l’espace – pour les déplacements qu’ils effectuent fréquemment. Le nombre d’utilisateurs doit donc être très important, d’où une difficulté accrue pour ces pratiques à se développer dans les zones peu denses.
     
  • Enfin, les start-up peinent à développer des modèles économiques viables et oscillent entre des modèles de rémunération par commission (C2C) ou de prestation de service à des collectivités (B2G) ou à des entreprises (B2B). Leur pérennité financière est donc loin d’être assurée.


Mobilité collaborative : quel rôle pour les pouvoirs publics ?

Face à ces difficultés, on peut se poser la question du rôle des pouvoirs publics. Jusqu’à présent, leur implication vis-à-vis de ces nouveaux acteurs est relativement faible, a contrario de la situation qui prévaut avec les premiers acteurs du covoiturage (La Roue Verte, Covivo, etc.) et de l’autopartage professionnel (Communauto, Autolib, Citiz, etc.) avec lesquels ils entretiennent des liens étroits. Cette situation est dommageable pour deux raisons.

  1. D’abord, ces nouvelles solutions peuvent conquérir de nouveaux publics et élargir la diffusion de ces pratiques à de nouveaux territoires, même si dans les territoires peu denses, les contraintes de développement restent fortes.
     
  2. Ensuite, le défi de la mobilité durable consiste à aller au-delà de l’alternative voiture individuelle/transports collectifs pour proposer une palette de modes de transport qui permet de recréer la praticité et la liberté offerte par la voiture individuelle ou les transports collectifs lorsque ceux-ci sont très denses.

L’efficacité de ce système multimodal dépend de l’adéquation et de la complémentarité entre les différents modes de transport, adéquation et complémentarité que seuls les pouvoirs publics peuvent organiser.
 

Des positions contrastées

Une étude récente menée par l’Iddri sur la mobilité collaborative montre que les collectivités ont des positions contrastées vis-à-vis de ces nouveaux acteurs. Certaines sont intéressées par leurs solutions, mais elles ont du mal à appréhender comme elles pourraient s’articuler avec leur offre de mobilité. D’autres sont plus réticentes face à ces entrepreneurs de la mobilité collaborative qui peuvent faire peur, à l’instar des figures de proue de l’économie collaborative que sont Uber ou AirBnb. L’enjeu de la concurrence avec les transports collectifs est ainsi souvent revenu dans les entretiens menés au cours de cette étude et dans les débats lors de la conférence du 23 juin.

L’expérimentation semble indispensable pour tester les nouvelles solutions et organiser leur complémentarité avec les autres modes de transport, mais elle se heurte dans la réalité à des difficultés de collaboration entre les start-up et les collectivités et à la « frilosité » financière de ces dernières.

 


 

Des pistes à expérimenter

De nombreuses pistes peuvent être envisagées pour soutenir le développement de la mobilité collaborative pour les déplacements de courte distance : aide à la communication, clarification et incitation fiscale, aménagement de la voirie, etc. Certaines de ces propositions ont suscité le débat durant la conférence du 23 juin. L’expérimentation semble indispensable pour tester les nouvelles solutions et organiser leur complémentarité avec les autres modes de transport, mais elle se heurte dans la réalité à des difficultés de collaboration entre les start-up et les collectivités et à la « frilosité » financière de ces dernières. Le sujet de la gouvernance a également été discuté : faut-il créer des partenariats entre les collectivités, les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative et les opérateurs de transport public ? Ces derniers ont-ils vocation à terme à absorber ces start-up ou à développer avec elles des partenariats ? La question du financement public de la mobilité collaborative a été posée, notamment pour les territoires peu denses où le soutien financier des pouvoirs publics semble nécessaire.
 

© Image d'illustration : alternativecarbone.fr