Cette année, lors de la COP 25, le Mécanisme international de Varsovie (Warsaw International Mechanism, WIM) sur les pertes et préjudices sera examiné. Il a été créé lors de la COP 19 pour faire face aux effets négatifs du changement climatique sur les systèmes humains et naturels, incluant les phénomènes météorologiques extrêmes (ouragans, vagues de chaleur) et les événements à évolution progressive (élévation du niveau de la mer, désertification). Les effets comprennent la perte de biodiversité, de terres, de nourriture et de systèmes d'approvisionnement en eau ainsi que les déplacements forcés de populations. Les politiques d'atténuation du changement climatique ne produisant pas les effets escomptés et les efforts d'adaptation étant limités, les pertes et les préjudices constituent une question prioritaire dans les négociations sur les politiques climatiques pour les pays les plus vulnérables (pays les moins avancés et petits États insulaires en développement). Les pertes et les préjudices se réfèrent aux impacts au-delà des mesures de réduction et de préparation aux risques, appelant à une action climatique dès maintenant pour traiter et minimiser ces effets.

Que sont les pertes et préjudices ? Pourquoi est-ce une question importante ?

Les pertes et préjudices renvoient aux effets néfastes du changement climatique anthropique sur les systèmes humains et naturels. Ces effets sont dus à une adaptation et une réduction des risques de catastrophe insuffisantes et inadéquates, à une maladaptation et aux impacts inévitables. Ils sont également appelés effets résiduels, qui surviennent malgré les mesures de préparation et de réduction des risques. La littérature académique fournit des preuves empiriques de pertes et préjudices « au-delà » de l'adaptation, comme dans les zones très exposées des petites îles, où les contraintes physiques sont un obstacle aux options alternatives (Duvat & Magnan, 2019).

L'ampleur des effets des pertes et préjudices est vaste, couvrant les impacts économiques et non économiques (matériels, immatériels) et incluant différentes échelles de temps (événements lents et soudains). Les pays les plus vulnérables sont particulièrement touchés : par exemple, le Népal a été confronté à des pertes et préjudices causés par des glissements de terrain provoqués par des pluies torrentielles (van der Geest & Schindler, 2016) ; et des conditions climatiques extrêmes dans les Caraïbes ont conduit au déplacement forcé de plusieurs communautés à travers les petites îles (Thomas & Benjamin, 2019).

Les pertes et préjudices dans le cadre de la Convention Climat

Les Parties les plus vulnérables aux impacts du changement climatique (par exemple, l'Alliance des petits États insulaires en développement (ASOSIS) et les pays les moins avancés) ont fait pression pour que les pertes et préjudices soient intégrés à l'agenda de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Des progrès ont été réalisés depuis les premières initiatives visant à promouvoir les pertes et préjudices lors de la rédaction des textes fondateurs de la CCNUCC en 1991, avec la première action formalisée lors de la COP 13 en 2007 et la création du Mécanisme international de Varsovie (WIM) pour les pertes et préjudices et du Comité exécutif à la COP 19 en 2013 (voir chronologie ci-dessous, en anglais, élaborée par la CCNUCC).

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L'objectif du WIM est de traiter les pertes et préjudices associés aux impacts du changement climatique, y compris les événements extrêmes et les événements à évolution progressive dans les pays les plus vulnérables. Dans ce cadre, le WIM a trois fonctions principales : (1) améliorer la connaissance et la compréhension des approches globales de gestion des risques ; (2) renforcer le dialogue et la coordination entre les parties prenantes ; (3) renforcer l'action et le soutien par le financement, la technologie et le renforcement des capacités. Le Comité exécutif (ExCom) est l'organe constitué pour mettre en œuvre le mandat du WIM. Dans le cadre du plan de travail quinquennal renouvelable, plusieurs groupes de travail thématiques ont été créés sur : les événements à évolution progressive, les pertes non économiques, la mobilité humaine (task force sur les déplacements) et les approches globales de gestion des risques. Le Comité exécutif et les groupes de travail développent une compréhension scientifique des pertes et préjudices et s'appuient sur l'expérience des pays pour mettre en évidence les domaines d'action urgente. Jusqu'à présent, une grande partie du travail se résume à des rapports techniques sur les preuves de pertes et préjudices, sur les technologies d'évaluation et de préparation aux risques et sur les instruments de financement.

Lire le Décryptage [en anglais] de l'Iddri sur les piste d'évolution possibles pour le Mécanisme international de Varsovie

Pour faire face aux pertes et préjudices, les prévenir et les réduire au minimum, il faut notamment tenir compte des changements climatiques à long terme et des limites et contraintes de l'adaptation. Les pertes et préjudices au niveau politique sont souvent examinés dans le contexte de l'atténuation et de l'adaptation. Certaines peuvent être évités ou diminués en réduisant les facteurs sous-jacents du changement climatique (atténuation et adaptation). Cependant, des pertes et préjudices inévitables peuvent survenir lorsque les coûts de l'adaptation ne peuvent être récupérés ou lorsque les efforts d'adaptation sont inefficaces, inadaptés ou impossibles (Durand et Huq, 2015). Cela a conduit à différentes conceptions des pertes et préjudices (voir Figure 1), ce qui n’est pas sans incidences sur les négociations dans le cadre de la CCNUCC. Les pays les plus vulnérables demandent que les pertes et préjudices soient traités séparément de l'atténuation et de l'adaptation, ce qui conduirait à la création de nouveaux outils financiers spécifiques dans le cadre de la Convention. Pour les pays développés, certains considèrent les pertes et préjudices comme une sous-composante de l'adaptation, éliminant la justification d'un instrument de financement distinct, tandis que d'autres adoptent une approche holistique reconnaissant la relation entre atténuation, adaptation et pertes et préjudices, tout en accordant à chacun sa marge politique, et appellent à produire des efforts dans les trois cas au sein des négociations climatiques.

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Avec l'aimable autorisation de Frédéric Schafferer, MTES


 

Les pertes et préjudices dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat

L'Accord de Paris sur le climat (adopté à la COP 21 en 2015) comprend un article (art. 8) portant spécifiquement sur les pertes et préjudices. Il s'agit là d'une avancée importante pour les pays les plus vulnérables, en ce sens que les pertes et préjudices sont devenus par là-même le troisième pilier des négociations internationales sur les politiques climatiques, aux côtés de l'atténuation et de l'adaptation. La mise en œuvre de l'Accord de Paris a également apporté de nouveaux éléments et processus de gouvernance, avec le cadre de transparence et le bilan mondial. La mise en place du WIM et de l'article 8 indiquent les étapes à franchir pour que les négociations politiques sur le climat prennent en compte les effets des pertes et préjudices au niveau local. Les impacts résiduels des pertes et préjudices résultant des changements climatiques actuels et prévus à l'avenir appellent une action et un soutien promus dans le cadre de la CCNUCC pour mobiliser des outils innovants (réponses financières et politiques) afin de répondre aux besoins urgents des pays vulnérables.