En France et dans le monde, le développement des énergies renouvelables électriques s’est jusqu’à présent largement appuyé sur des mécanismes de soutien public. Ces mécanismes financent généralement la différence entre la rémunération de leur production sur le marché de l’électricité et le prix cible garanti par l’État au producteur renouvelable. Alors que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) vise à multiplier par trois les capacités de production éoliennes et photovoltaïques en dix ans et que dans le même temps les coûts de production de ces technologies sont amenés à baisser, quel besoin de financement public pour les énergies renouvelables électriques peut-on anticiper ? L’Iddri et Agora Energiewende publient aujourd’hui une évaluation et un calculateur en libre accès basés sur trois scénarios de référence d’évolution du mix électrique français pour évaluer ce besoin à l’horizon 2040.

Un premier constat s’impose. La baisse conséquente des coûts de production des technologies éolienne et photovoltaïque favorisera leur développement à moindre coût pour les dépenses publiques. Les résultats d’appels d’offres récents atteignent des résultats proches de 6 c€/kWh pour les centrales photovoltaïques au sol et l’éolien terrestre quand l’appel d’offres éolien en mer de Dunkerque, dont la mise en service est prévue pour 2027, a atteint un niveau record de 4,4 c€/kWh. À ces niveaux, proches ou en deçà des niveaux de prix de marché de l’électricité (5 c€/kWh en moyenne en 2018), la différence entre les prix garantis aux producteurs renouvelables et leurs revenus tirés sur le marché serait bien plus faible que par le passé et, dans certains cas, négligeable. Ces mécanismes de soutien pourraient même devenir une source de financement pour l’État, dans certains cas et pour certaines technologies, si les prix de marché passent durablement au-dessus des prix garantis aux producteurs ENR.

Pour les finances publiques, c’est une bonne nouvelle. Dans un scénario moyen, centré sur les objectifs de la PPE, le mix électrique français pourrait atteindre 60 % d’énergies renouvelables dans son mix électrique en 2040 contre 21,1 % en 2018. Et le besoin de soutien public aux énergies renouvelables serait limité : il atteindrait un pic de 6,5 milliards par an en 2025 contre 5 milliards aujourd’hui, avant de décroître fortement à partir de 2030 lorsque les contrats d’achat signés depuis 2005 arriveront à échéance. À titre de comparaison, le financement public pour les énergies renouvelables pourrait atteindre 23 milliards d’euros en 2025 en Allemagne (15,7 en 2030), bien au-delà du maximum qu’atteindrait la trajectoire française. En outre, seulement un tiers de ces besoins de financement entre 2018 et 2040 seraient dûs aux nouvelles capacités de production renouvelable, les deux tiers restants provenant d’engagements passés pour des capacités de production déjà mises en service ou dont les tarifs d’achat ont déjà été fixés. Faut-il en déduire qu’il serait temps de tourner la page des mécanismes de soutien pour les énergies renouvelables ?

Notre analyse recommande une approche prudente à ce sujet. D’abord, elle montre l’importance de l’évolution du prix de marché de l’électricité et des rémunérations par le marché des projets d’énergies renouvelables dans la définition de leurs besoins de financement. Ces évolutions dépendent d’un grand nombre de facteurs liés à la transformation du système électrique en France et en Europe, tant en matière d’offre (croissance des ENR, évolution du nucléaire) que de demande (nouveaux usages électriques, gains d’efficacité) et de prix des énergies et du CO2. La comparaison de deux scénarios produits par l’Ademe avec une prolongation plus ou moins importante du parc nucléaire montre notamment que le pic de besoin de financement public serait supérieur d’1,2 milliard d’euros en 2030 si l’ensemble du parc nucléaire historique était prolongé de vingt ans en raison de l’effet dépréciatif sur le prix de marché de l’électricité, même dans le cas d’un développement plus faible des capacités renouvelables. Afin de limiter les besoins en soutien public, c’est bien à l’équilibre entre les filières de production qu’il faut veiller, et la croissance des énergies renouvelables devrait s’articuler à terme avec une réduction du parc nucléaire.

Ensuite, malgré les progrès récents de l’industrie, les mécanismes de soutien fournissent une garantie qui reste utile pour réduire le coût de financement (et donc le coût de production) des énergies renouvelables avec des engagements financiers faibles pour le budget public. Une approche pragmatique passerait donc par une modification progressive de ces mécanismes pouvant passer par une baisse de la durée des contrats garantis ou la limitation du soutien à certains volumes de production pour « passer la main » progressivement aux acteurs privés pour les technologies matures. Enfin, cela n’empêcherait évidemment pas la puissance publique de continuer de soutenir des filières innovantes ou des projets d’énergies renouvelables citoyens, si elle considère que les co-bénéfices à court ou long terme de ces projets pour la société le justifient.