Dans le but de combler les lacunes du cadre juridique international régissant la gouvernance des océans, les États se sont réunis au siège de l’ONU à New York (26 août- 9 septembre) afin de discuter les éléments d’un accord sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale (ZAJN). Bien que les discussions aient été dans l’ensemble fructueuses, quelques questions litigieuses subsistent, dont beaucoup sont essentielles à l’évolution et à la solidité de tout futur accord. Les délégations ont beaucoup de travail à accomplir durant la période intersessions, et l’avenir des négociations dépendra probablement de l’écoute attentive et patiente dont sauront faire preuve les délégations à l’égard des opinions des autres États et parties prenantes. La communauté internationale aborde un tournant crucial, alors que le Comité préparatoire (PrepCom) tient entre ses mains la gouvernance future des océans mondiaux.

Cette réunion du PrepCom a respecté le ton tout à la fois direct et propice à la collaboration qui caractérisait le premier PrepCom du mois de mars. Le président Eden Charles (de Trinité-et-Tobago) a une nouvelle fois reçu des félicitations quasi unanimes pour l’habileté et la bonne humeur dont il a fait preuve pour mener les débats et superviser la réunion, tandis que certaines délégations ont commencé à avancer des propositions plus concrètes. Néanmoins, nombre d’entre elles ont semblé surprises par la cadence des discussions et ont été réticentes à discuter des points précis, bien que le président ait confirmé à plusieurs reprises le fait que le PrepCom ne négocie pas les « termes du traité ». Dans le même temps, l’exercice de « mise de côté » entrepris par le président, destiné à identifier les zones de convergence, a conduit à la constitution d’une longue liste de questions nécessitant des discussions supplémentaires.

Les ressources génétiques marines (RGM)

Les RGM ont de nouveau prouvé qu’elles constituaient un domaine complexe. Les délégations ont semblé s’accorder sur l’utilité de s’appuyer sur les définitions existantes et sur la nécessité du partage des avantages non-monétaires, cependant le flou demeure quant à la plupart des questions cruciales. Les délégations ont fait état de divergences d’opinion quant au besoin et aux modalités d’application d’un régime d’accès et de partage des avantages (APA), à la question relative à l’inclusion ou non des produits dérivés dans le champ du nouvel accord, et au statut légal des RGM.

Les outils de gestion par zone (OGZ)

Il semble qu’il soit généralement compris que les outils de gestion par zone devraient apporter une contribution collective à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité dans les ZAJN et qu’un accord est atteint au sujet de certains des principes clés concernant les aires marines protégées (AMP). Le Costa Rica et Monaco ont produit un effort sérieux pour faire progresser les discussions en élaborant une proposition écrite détaillant une vision pour un nouveau système d’AMP dans les ZAJN qui intègrerait la mise en place d’un nouvel organe scientifique mondial et la consultation des parties prenantes. Cependant, les avis continuent de diverger en ce qui concerne les définitions, la structure potentielle qu’adopterait un nouveau mécanisme ou processus de création des AMP, et la façon dont la consultation des parties prenantes devrait fonctionner dans le cadre des ZAJN. La possibilité de donner une limite temporelle aux AMP est apparue comme une question importante : certaines délégations soutiennent la mise en place de restrictions temporelles claires en ce qui concerne les AMP tandis que d’autres estiment que ceci est contraire aux objectifs en termes de conservation et à la nature protectrice des AMP.

Les études d’impact environnemental (EIE)

Bien que la quasi-totalité des États dispose au niveau national d’expériences et de procédures en matière d’EIE, trouver un accord sur la manière dont elles pourraient être mises en places à l’échelle globale s’est révélé difficile. Les délégations s’entendent sur le fait que les procédures concernant les EIE devraient être transparentes et que leurs résultats devraient être rendus publics, mais les avis divergent sur de nombreux aspects des éventuelles modalités d’un futur processus. À titre d’exemple, les avis sont très divers à propos de ce qui devrait déclencher une EIE (c’est-à-dire s’il faudrait établir un seuil, un système progressif avec une évaluation graduée qui ferait suite à une procédure de contrôle initial, une liste définie des activités nécessitant des EIE, ou des solutions combinant ces différentes options). Le débat sur l’évaluation environnementale stratégique (EES) – c’est-à-dire un processus plus large s’assurant que les questions de durabilité sont prises en compte dans les politiques, les projets et la mise en œuvre des programmes environnementaux – a été beaucoup plus feutré lors de cette réunion, certaines délégations s’interrogeant même quant à la pertinence d’inclure le sujet dans les discussions à ce stade.

Le renforcement des capacités et le transfert des techniques

Le processus du Prepcom a résolument placé les questions liées au renforcement des capacités et au transfert des techniques sur un pied d’égalité avec les autres éléments faisant partie de ce qui est communément appelé le « Package Deal » et les délégations ont exposé un ensemble de vues quant à la manière de progresser sur ce sujet. Elles s’accordent sur l’importance du renforcement des capacités et du transfert des techniques et sur le fait que les lignes directrices établies par la Commission océanographique intergouvernementale (COI) constituent un guide utile pour les discussions. Une certaine convergence de vues se fait également jour quant au besoin d’un mécanisme d’échange d’informations. Toutefois, il n’y a toujours pas de définition opérationnelle du terme « technologie marine », ni de vision claire de ce que constituera précisément le champ d’action du renforcement des capacités et du transfert des techniques (par exemple si celui-ci est strictement limité aux activités touchant directement aux ZAJN). La question du financement est un point particulièrement controversé. Les pays en développement préconisent la création d’un nouveau fonds constitué de contributions obligatoires, tandis que les délégations de nombreux pays développés considèrent que tout effort financier en faveur du renforcement des capacités et du transfert des techniques devrait se faire sur la base de contributions volontaires.

Autres débats clés

Une fois encore les États se sont opposés sur la question de savoir si la haute mer, et en particulier les RGM, devait être considérée comme un « patrimoine commun de l’humanité » ou si elle devait au contraire être gouvernée par le principe d’exploitation libre de ses eaux. L’UE a continué de demander l’application d’une approche pragmatique pour sortir de cette impasse mais a été pressée par le président de fournir une explication détaillée à propos de ce que cela signifierait en pratique. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a suggéré que le principe de « préoccupation commune à l'humanité » pourrait fournir une voie intermédiaire. En termes de dispositif institutionnel, il apparait à présent qu’un accord de principe existe quant à la nécessité d’instituer une Conférence des parties (CP) ainsi qu’un organe ou un processus scientifique. Néanmoins des tensions demeurent entre le besoin de « ne pas affaiblir » les instruments existants et celui de combler les lacunes et renforcer le cadre de gestion global. Les délégations conviennent que le renforcement de la coordination et de la coopération est nécessaire, mais alors que certaines plaident en faveur de mécanismes de coordination horizontale beaucoup plus puissants et/ou d’un certain degré d’intervention ou de supervision verticale, d’autres rejettent complètement l’idée de créer de nouvelles structures ou procédures. À cet égard, les Organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) se sont davantage exprimées au cours de cette réunion, intervenant pour apporter aux délégations la garantie qu’elles disposent des moyens nécessaires à la conservation et que la pratique évolue constamment dans ce domaine. Cependant, un certain nombre d’ONG et d’experts soutiennent que les ORGP se concentrent sur l'exploitation des pêcheries et qu'elles ont tardé à agir à l’égard des préoccupations de plus grande envergure en matière de biodiversité. Prochaines étapes

  • Le PrepCom se réunira à l’occasion de deux sessions supplémentaires l’année prochaine.
  • Le président a invité les participants à produire de nouvelles propositions écrites d’ici le début du mois de décembre. Il produira un document de travail avant la prochaine réunion.
  • Le PrepCom établira ses recommandations concernant les éléments du projet de texte pour l’Assemblée générale des Nations Unies d’ici la fin de sa 72eme session (septembre 2017).
  • L’Assemblée générale des Nations Unies décidera alors de la convocation d’une conférence intergouvernementale officielle afin de négocier un nouvel instrument.