Institution clé de la protection de l'environnement marin et côtier de la région, le Plan d'action pour la Méditerranée (PAM) célèbre cette année son 50e anniversaire, tandis que la révision de la Convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée , dont la 24e Conférence des Parties se tient cette semaine au Caire (Égypte), fête son 30e anniversaire. C’est à la fois un moment de célébration et une occasion de réflexion, invitant la communauté méditerranéenne à tirer les leçons du passé et à renouveler son engagement à renforcer la coopération régionale face à des défis croissants.
Ce billet de blog s'appuie sur un rapport commandé par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) à l'Iddri et au Varda Group à l'occasion du 50e anniversaire du Plan d'action pour la Méditerranée. Ce rapport1 sera présenté lors de la 24e Conférence des Parties à la Convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée, le jeudi 4 décembre.
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IDDRI Report on “The Mediterranean Action Plan at 50: Achievements, Challenges, and Future Directions” UNEP/MAP.
À notre collègue et ami Rémi Parmentier.
En tant qu'initiative phare du PNUE dans le cadre de son Programme pour les mers régionales, le Plan d'action pour la Méditerranée (PAM) a connu une évolution significative au cours des cinq dernières décennies, avec un cadre juridique et une architecture institutionnelle en constante expansion. La Convention de Barcelone, adoptée en 1976, puis amendée en 1995 pour s'aligner sur les principes adoptés lors de la Conférence de Rio, est désormais complétée par sept protocoles juridiquement contraignants, ce qui fait de son cadre juridique l'un des plus complets parmi les mers régionales. Sa structure institutionnelle est également unique, comprenant par exemple : un comité de respect des obligations, dont peu d'autres instruments juridiques mondiaux ou régionaux disposent actuellement ; une commission du développement durable dont la composition hybride réunit les parties à la Convention de Barcelone et des représentants d'organisations de la société civile ; et sept centres d'activités régionales (CAR) qui, lorsqu'ils sont pleinement opérationnels, contribuent au dynamisme de la coopération régionale en aidant les États à mettre en œuvre leurs obligations. Grâce à cette structure solide, et malgré un contexte géopolitique complexe et souvent instable, les 22 Parties contractantes2 ont réussi à maintenir un cadre résilient et adaptable pour l'action coopérative.
Progrès environnementaux
D'un point de vue environnemental, les dernières décennies ont été marquées par des progrès substantiels, en partie grâce à l'esprit de coopération que le PAM n'a cessé d'encourager et de soutenir. Le système régional a été un moteur dans la désignation d’aires marines protégées, l'élaboration de règles communes pour la gestion des zones côtières, la protection d'écosystèmes emblématiques tels que les herbiers de posidonie, l'amélioration des systèmes de surveillance de la pollution, la réduction des polluants d'origine terrestre, notamment grâce au nombre croissant de stations d'épuration des eaux usées, et l'amélioration de la préparation aux pollutions par les navires.
Cependant, comme le souligne le Plan bleu, les transformations attendues en Méditerranée d'ici 2050 doivent avoir lieu dans une région déjà soumise à de fortes pressions environnementales. L'accélération du changement climatique, l'augmentation des pressions démographiques permanentes et saisonnières, la concentration croissante des activités humaines le long du littoral et l'intensification des demandes en ressources naturelles constituent des menaces importantes pour la durabilité de la région. Par conséquent, au-delà de la commémoration de l'anniversaire du PAM, ce moment appelle à l'anticipation et au renforcement des actions.
Combler les lacunes dans la mise en œuvre
Le premier défi à relever consiste sans aucun doute à intensifier les efforts visant à mettre en œuvre les instruments existants. Depuis la fin des années 1990, la coopération environnementale est entrée dans une nouvelle ère. Jusqu'alors, tant au niveau mondial que régional, le principal défi consistait à combler les lacunes juridiques en adoptant de nouveaux instruments. Aujourd'hui, l'accent doit désormais être mis sur la mise en œuvre des instruments existants, une tâche sans aucun doute beaucoup plus difficile (Iddri, 2025a). En Méditerranée, comme dans de nombreuses régions, la mise en œuvre des accords régionaux est loin d'être systématique et complète. De nombreuses raisons, souvent cumulatives, peuvent expliquer cette situation, notamment le manque de volonté politique, l'instabilité politique dans certains États, la faiblesse des moyens financiers et celle des mécanismes d'application. Il reste donc beaucoup à faire pour renforcer les efforts de mise en œuvre au niveau régional.
Développer la coopération sur les questions émergentes
Outre la mise en œuvre des outils existants, il est essentiel que le PAM renforce également la coopération régionale sur les questions émergentes et de plus en plus urgentes. Cela nécessite incontestablement de renforcer les actions liées à l'adaptation au changement climatique. Cela est d'autant plus pertinent que la mer Méditerranée est une zone particulièrement touchée par le changement climatique, avec un réchauffement 20 % plus rapide que la moyenne mondiale. Le tourisme côtier et maritime est un autre domaine qui pourrait être exploré plus en profondeur par le PAM et ses Parties. Première destination touristique au monde (Blue Tourism initiative, 2025), la Méditerranée attire 30 % du tourisme mondial et génère plus de 420 milliards de dollars de revenus par an. Cependant, le tourisme alimente également le surdéveloppement côtier (Blue Tourism Initiative, 2024), la dégradation de l'environnement et les pressions sociales, notamment la surpopulation et la précarité de l'emploi. Afin d'éviter des approches fragmentées ou contre-productives, l'avenir du tourisme méditerranéen doit être abordé à l'échelle de l'ensemble du bassin (Iddri, 2025b), et non pas à travers une simple juxtaposition de politiques nationales.
Pour ces questions et potentiellement d'autres, de nouvelles formes de coopération seront probablement nécessaires. Pour diverses raisons, les pays semblent réticents à élaborer de nouveaux protocoles. Les progrès doivent néanmoins se poursuivre grâce à des approches alternatives, notamment en impliquant davantage les autorités infranationales. Ces dernières occupent une position unique au cœur des défis liés à l'adaptation et au tourisme et peuvent jouer un rôle moteur dans la mise en œuvre de nouvelles stratégies et activités. L'implication au niveau national ne suffit plus à elle seule ; étendre l'engagement du PAM auprès des autorités locales devrait être considéré comme une opportunité, en tirant parti de leur proximité avec les enjeux pour favoriser des solutions plus efficaces et durables.
Mettre en œuvre les engagements mondiaux
La gouvernance régionale de l’océan doit par ailleurs servir de levier pour la mise en œuvre des engagements pris au niveau mondial. À cet égard, au moins trois instruments clés devraient faire l'objet d'une attention particulière de la part des mers régionales en général et du PAM en particulier.
Premièrement, le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté en 2022 par la 15e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, qui sert de feuille de route internationale pour enrayer et inverser la perte de biodiversité. Plusieurs objectifs de cet accord relèvent du mandat du PAM, en particulier l’établissement d’ici 2030 de réseaux d’aires protégées couvrant 30 % des terres et 30 % des mers (dit « Objectif 30x30 »). Les actions doivent donc se poursuivre pour aider les États méditerranéens à mettre en œuvre ces objectifs en matière de biodiversité.
Adopté en 2023, l'accord international sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale (le « Traité sur la haute mer ») est un autre instrument international important qui vise à conserver et à gérer de manière durable la moitié de notre planète jusqu'alors négligée. Il existe encore des poches de haute mer en Méditerranée, et le PAM devrait donc agir sur au moins deux fronts : soutenir ses Parties dans leur processus de ratification du traité ; anticiper les défis liés à la mise en œuvre de l'accord en Méditerranée, notamment en ce qui concerne les outils de gestion par zone et les aires marines protégées.
Enfin, les négociations en vue d'un traité mondial sur les plastiques doivent également faire l'objet d'un suivi attentif. Chaque jour, environ 730 tonnes de plastique sont déversées dans la mer Méditerranée. Des mesures ont déjà été prises pour lutter contre cette pollution, notamment dans le cadre du Plan régional sur les déchets marins de 2013 et de la Stratégie à moyen terme 2022-2027. Si le traité mondial est finalement adopté, le PAM pourrait poursuivre ces efforts en aidant les pays à le mettre en œuvre, en tenant compte des spécificités de la région.
Depuis sa création, le cadre de coopération méditerranéen s’est avéré particulièrement résilient face aux crises, guerres, révolutions, changements de régime et troubles sociaux, tout en réalisant des progrès indéniables dans la protection des environnements côtiers et marins. De nombreux défis restent toutefois à relever pour assurer une protection efficace des écosystèmes méditerranéens, renforcer la résilience des habitats côtiers et garantir une gestion équitable et coordonnée des ressources partagées. Pourtant, à l'heure où le contexte géopolitique mondial est de plus en plus incertain et où les dynamiques multilatérales évoluent, l'histoire de la Méditerranée montre qu'une approche régionale de la protection du milieu marin constitue un puissant levier de progrès collectif. Il appartient désormais aux États méditerranéens de tirer les leçons de cette expérience et de renforcer leur leadership politique et leur engagement financier afin de consolider les efforts déjà entrepris.
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Albanie, Algérie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Chypre, Égypte, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie, Liban, Libye, Malte, Maroc, Monaco, Monténégro, Slovénie, Syrie, Tunisie, Turquie, et Union européenne.