Quatre ans après l’adoption du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement durable1 , de l’Agenda 2030 pour le développement durable2 et de l’Accord de Paris sur climat3 , la lutte contre les vulnérabilités et les inégalités est à l’agenda de la plupart des grands événements internationaux. Dans ce contexte, l’Iddri dresse dans ce billet un état des lieux des progrès en matière de financement du développement, et identifie et propose des pistes de travail.

Le second semestre 2019 sera marqué par une série d’événements internationaux importants en matière de financement du développement durable : la réunion des ministres du G7 dédiée aux questions de développement et de coopération internationale (4-5 juillet), puis le sommet du G7 à Biarritz (24-26 août) ; la reconstitution des ressources de quatre fonds multilatéraux4 ; enfin, au niveau européen, la composition du nouveau Parlement, la nomination des commissaires, et le vote du budget de la Commission européenne pour la période 2021-2027, où se pose la question du rôle des financements du développement au sein des instruments de l’action extérieure de l’UE.

État des lieux : les efforts en matière de financement de développement durable ne permettront pas d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) en 2030

Signé en 2015, le Programme d’action d’Addis-Abeba positionne le financement du développement au cœur d’une variété de sujets qui ne se limitent pas à l’aide publique au développement (APD). Il met l’accent sur au moins cinq domaines qui méritent l’attention des financeurs publics internationaux5 : la mobilisation des ressources nationales, les partenariats avec le secteur privé, un cadre mondial propice à l’investissement à long terme, les politiques de coopération et développement, et l’aide aux pays ayant des besoins urgents.

Des progrès ont été réalisés dans ces domaines, mais doivent être intensifiés pour répondre à la vision ambitieuse de l’Agenda 20306 . D’après les dernières conclusions de l’Assemblé générale des Nations unies, à ce rythme, les ODD ne seront pas atteints en 20307 , même pour des objectifs qui semblaient l’être avant 2015, tels que la sécurité alimentaire et nutritionnelle, ou sur des questions essentielles telles que l'accès à l'assainissement.

Un changement radical et une accélération de la mise en œuvre sont donc nécessaires.

Quels enjeux pour le G7 ?

Souvent critiqué, le G7 a pourtant été à l’origine de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD, 1989), du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (2001) ou du programme Muskoka pour réduire la mortalité maternelle et infantile (2010)8 . En 2019, la présidence française s’inscrit dans un contexte très différent de la précédente (2011), marqué par le rejet du multilatéralisme par certains pays, le poids croissant des pays émergents dans l’économie mondiale, la géométrie variable du groupe9 et le manque d’initiatives phares de ces dernières années. Ces éléments soulèvent la nécessité pour le G7 de se transformer, afin notamment de renforcer sa légitimité dans la gouvernance mondiale.

Le groupe d’engagement T7 (Think Tank 7) organisé par l’IFRI le 5 juin dernier a été l’occasion de réunir les think tanks des pays du G7 et de pays invités10 pour traiter cet enjeu majeur. L’Iddri et la Ferdi – co-organisateurs de la session sur le financement du développement durable – ont fait avec leurs partenaires des propositions dans ce sens, insistant plus spécifiquement sur la nécessaire coordination des membres du G7 face à un paysage du financement du développement fragmenté, par la diversité des acteurs, des instruments, des stratégies11 . Un leadership est nécessaire, notamment pour proposer aux pays en développement, et aux pays Africains en particulier, une vision alternative ou complémentaire de la Belt and Road Initiative chinoise (lire le billet de blog sur les Nouvelles Routes de la soie). Cette initiative peut être perçue comme une interprétation pragmatique de l’Agenda 2030, dans la mesure où elle propose un programme d’investissement dans les infrastructures, visant un accroissement du commerce et se présentant comme dépourvue de conditionnalités politiques. Dans la vision des pays du G7 néanmoins, les pays doivent définir et mettre en œuvre par eux-mêmes leur trajectoire de transformation économique et de développement. Les vulnérabilités structurelles des pays doivent être prises en compte et faire l’objet de politiques et de financements dédiés, afin d’égaliser les chances entre les pays et d’empêcher les pays vulnérables de retomber dans la pauvreté ou dans les conflits. Enfin, des normes et référentiels communs doivent être définis entre banques de développement publiques et privées, pour des financements compatibles avec les ODD, afin de trouver les moyens de comparer leurs pratiques et d’évaluer leurs impacts sur leur capacité de transformation d’un pays

Quels enjeux pour l’Europe ?

La lutte contre les inégalités est également au centre des discussions sur le financement du développement à Bruxelles. C’est d’ailleurs le sujet des Journées européennes du développement qui se tiennent les 18 et 19 juin 2019 et auxquelles l’Iddri participe avec ses partenaires de l’European Think Tank Group. Ces discussions se tiennent au lendemain des élections européennes, alors que le budget de l’Union européenne pour la période 2021-2027 est en négociation et que l’orientation politique de l’UE sera impulsée à la fois par la future Commission européenne et le Parlement nouvellement élu.

Dans sa lettre ouverte à l’attention des futurs députés français au Parlement européen, l’Iddri rappelle la nécessité de maintenir un budget européen d’action extérieure ambitieux, non seulement pour faire face aux crises, mais également pour prendre en compte les enjeux de long terme du développement durable. En outre, dans une étude publiée avec son partenaire allemand DIE (German Development Institute), l’Iddri montre qu’en tant que partenaires de développement de longue date et fournisseurs importants de l'APD, la France et l'Allemagne sont particulièrement bien placées pour œuvrer à la mise en œuvre de l'ambitieux Agenda 2030 à la fois au niveau du G7 et de l’UE. Le traité de coopération franco-allemande d’Aix-la-Chapelle (lire le billet de blog sur ce thème), nouvellement signé, et la feuille de route sur la coopération franco-allemande, à venir, sont des occasions pour l’Iddri et son partenaire DIE de réfléchir aux leviers d’action pour une coopération franco-allemande ambitieuse.

Les événements qui se présentent en 2019 sont donc l’occasion pour les pays au sein de l’UE et du G7 d’insister davantage sur le soutien à la définition et à la mise en œuvre de l'Agenda 2030.