L’élection de Donald Trump est à présent une réalité concrète, de même que ses déclarations sur le changement climatique et l’Accord de Paris. Comme pour l’ensemble des autres grandes questions abordées au cours de la campagne électorale de 2016, cependant, le doute plane sur les intentions politiques réelles de l’administration Trump au-delà des formules chocs des derniers mois. Désormais, l’ampleur de la mise en œuvre de ses projets au niveau national, abandonnant les initiatives de l'administration Obama visant à développer une réglementation fédérale sur le climat et l'énergie propre, ainsi que la manière dont l’agenda climat international pourrait en être affecté, constituent les questions essentielles.

L’élection de Trump a pour premier effet de créer un climat d’incertitude, ce qui se révèle particulièrement néfaste à un moment où les différentes parties prenantes étaient déjà engagées dans la mise en place de l’accélération de l’action climatique. Cependant, même si l’élaboration de réponses au changement climatique cohérentes et intégrées peut être rendue plus difficile, cela ne signifie pas que le système de gouvernance du climat va s’effondrer.

Aucun des acteurs soutenant l’Accord de Paris ou l’action climatique n’a agi dans le but de satisfaire le Président des États-Unis. Les principaux facteurs qui motivent aujourd’hui l’action climatique sont l’intérêt propre de chaque partie prenante (pays, villes, investisseurs, etc.) et la conviction que le processus de transformation est inévitable, ce à quoi s’ajoute la volonté de développer la réponse au changement climatique dans un esprit de coopération. La logique économique d’un processus de développement prenant en compte les questions climatiques, le caractère abordable des technologies utilisant les énergies renouvelables et des autres progrès techniques, les risques financiers liés aux coûts du carbone ainsi que l’augmentation croissante de la demande sociale en faveur de l’action sont - entre autres raisons - des motivations solides qui perdureront.

Aux États-Unis, l’agenda climatique est plus enraciné et robuste qu’au début des années 2000. La demande sociale concernant l’action en matière de changement climatique est à présent beaucoup plus forte qu’elle ne l’était il y a quinze ans. Les États-Unis sont engagés dans un processus de transition énergétique qui possède sa propre dynamique intrinsèque, comme le démontre la vigueur économique des énergies renouvelables, du gaz naturel et des véhicules utilisant des carburants alternatifs. Cette transition énergétique ne suffit clairement pas à placer les États-Unis sur la voie de la décarbonisation, ni sur celle de la réalisation des engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris. Cependant, de très nombreuses actions continuent d’être mises en œuvre au niveau des États, des villes et des entreprises : la victoire de Trump et l’absence de nouvelles politiques fédérales peut même stimuler l’action à un niveau non-fédéral, comme ce fut le cas sous la présidence de Bush Jr.

Définir un cadre cohérent sera peut être plus difficile pour les États-Unis, mais cela n’empêchera pas l’action. Les maires, les gouverneurs, les entreprises et les citoyens s’engageront en faveur du climat, et l’Accord de Paris fournit de bonnes plateformes pour s’assurer d’une alliance efficace de tous ces acteurs au plan international. En fait, les exigences croissantes de la population américaine, ainsi que l’existence même de l’Accord de Paris, rendent moins probable une inaction complète de l’administration américaine dans la lutte contre le changement climatique aussi bien au niveau national qu’international. Une telle position était intenable même pour Bush au début des années 2000, à une époque où l’élan international à propos du changement climatique et les demandes nationales en faveur de l’action étaient beaucoup plus faibles. Concernant les conséquences de l’élection de Trump au-delà des frontières américaines, il convient de souligner qu’il ne s’agit pas de la première fois que la communauté internationale affronte d’importants défis en matière d’action climatique. Cela s’est produit lorsque Bush a refusé de ratifier le Protocole de Kyoto en 2000 ou en 2009 quand le sommet pour le climat de Copenhague a engendré d’importantes frustrations. Ces épreuves n’ont en rien stoppé les progrès de la lutte contre le changement climatique.

En outre, l’Accord de Paris est à présent entré en vigueur et l'engagement politique induit est suffisamment fort pour que puissent être exploitées les opportunités qu’il génère. D’un point de vue formel, la structure de l’accord rend peu probable un échec tel que celui rencontré à Kyoto face à une administration américaine réticente. Les pays ont proposé leurs contributions établies au niveau national sur la base de leurs intérêts propres, et il est peu plausible qu’ils s’en détournent simplement à cause d’un changement d’administration aux États-Unis. La Chine, l’Inde et l’Union européenne disposent toutes de motivations internes pour poursuivre la lutte contre le changement climatique, en particulier les questions liées à la pollution de l’air sur leur territoire et leur importante contribution à la transition vers les énergies propres qui émerge actuellement. Ces trois acteurs ont également investi un capital politique très important dans l’Accord de Paris. Une question cruciale sera donc de voir dans quelle mesure la Chine, l’Inde et l’Union européenne feront un usage proactif de leurs moyens diplomatiques afin d’essayer de faire pression sur l’administration Trump et dans quelle mesure les États-Unis sont prêts à accepter de rester à l’écart du partenariat engagé dans le but de transformer l’économie mondiale et de s’adapter au changement climatique dans un esprit de coopération et de partage des risques.

En fait, l’élection de Trump laisse la possibilité à l’Union européenne, à la Chine et à l’Inde de poursuivre l’héritage d’Obama. Celui-ci consiste à comprendre qu’à une époque où la coopération internationale est difficile à obtenir, le changement climatique constitue le meilleur exemple de notre communauté de destin et par conséquent de l’opportunité et de la nécessité de coopérer afin de créer les règles du futur. S’exclure de ce mouvement pourrait avoir des conséquences douloureuses pour les États-Unis. Enfin, l’intérêt d’un accord international est de générer une résistance plus importante au sein de l’effort collectif que l’accord incarne – une résistance au type de choc que représente justement l’élection de Trump. L’agenda climat se trouve face à cette épreuve, mais dans une position plus robuste grâce aux efforts menés au cours des dernières années.