La présidence française du conseil de l’Union européenne s’est achevée le 30 juin dernier avec l’adoption d’approches générales sur la quasi totalité des propositions législatives du paquet climat dénommé « ajustement à l’objectif -55 % » présenté il y a presque un an par la Commission européenne. Ce progrès montre que le Pacte vert reste ancré au cœur des priorités de l’Union européenne et a même été renforcé ces derniers mois sur son volet énergétique dans un environnement économique et sécuritaire difficile pour l’Europe en raison, en partie, de la guerre en Ukraine. Ces avancées réelles ne doivent cependant pas occulter les besoins de rééquilibrage entre transitions sectorielles pour mieux intégrer les synergies entre objectifs environnementaux et amplifier la mise en œuvre du Pacte vert pour mettre l’UE sur la trajectoire des objectifs ambitieux qu’elle se fixe. Une réflexion au cœur des échanges lors de la conférence Think 2030 co-organisée par l’Iddri et l’IEEP les 29 et 30 juin derniers à Paris. 

Dans un contexte difficile, les progrès réalisés par les dossiers législatifs du paquet « ajustement à l’objectif -55 % » (FitFor55) au Parlement européen et au Conseil sous présidence française sont un signal politique important pour le Pacte vert. Ils montrent que les pays européens souhaitent accélérer la transition vers un système énergétique bas-carbone vue comme une solution face à la crise énergétique immédiate et de court terme à laquelle l’Europe est confrontée en plus d’être un impératif pour résoudre la crise climatique de long terme. Dans le détail, les compromis entre États membres sur les différents dossiers sont restés proches des propositions de la Commission européenne, mais ont parfois abouti à une temporisation dans l’entrée en vigueur de certaines mesures comme la fin des allocations gratuites de quotas de CO2 dans le système d'échange européen (EU ETS) et l’entrée en vigueur du mécanisme d’ajustement carbone pour les industriels ou la mise en place d’un système d’échange de quotas d’émissions pour le transport et le bâtiment et du fonds social pour le climat. Ils ont aussi laissé pour les négociations en trilogue avec le Parlement européen la question du renforcement des objectifs en termes d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique posée par le plan REPowerEU présenté en mai dernier. Néanmoins, le signal politique, renforcé par la volonté de la présidence tchèque de commencer rapidement les négociations en trilogue sur l’ensemble de ces dossiers, est bien là et montre que l’Union européenne continue d’avancer dans la mise en œuvre de son nouvel objectif climatique.

Ce constat ne doit cependant pas masquer les défis de mise en œuvre du Pacte vert qui se trouvent, sur certains plans, renforcés par le contexte actuel. Les experts du développement durable répondant au baromètre du Pacte vert l’identifient bien : s’ils estiment à 61 % que les institutions de l’UE continueront de soutenir le Pacte vert après les élections prévues en 2024, ils sont aussi 73 % à estimer qu’à court terme la guerre en Ukraine aura un impact négatif sur sa mise en œuvre. Ceci montre l’importance de réfléchir sans attendre aux moyens de renforcer le Pacte vert, sujet au cœur des échanges lors de la conférence Think 2030, organisée par l’Iddri et IEEP les 29 et 30 juin derniers. Deux priorités se sont dégagées des échanges : un nécessaire rééquilibrage pour combiner la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique, et un renforcement des moyens pour assurer une mise en œuvre ambitieuse pour être à la hauteur des objectifs environnementaux fixés.

Dans ce contexte, deux échéances clés se dessinent : d’une part, la loi sur la restauration de la nature, proposée par la Commission européenne fin juin et qui fixe des objectifs contraignants pour restaurer les écosystèmes dégradés et un objectif de réduction de l’utilisation des pesticides ; d’autre part, la loi-cadre à venir sur la durabilité du système alimentaire de l’Union européenne qui sera proposée en 2023 et qui devrait fixer des orientations pour la prochaine politique agricole commune. Pour y parvenir, l’attention politique dédiée à la transformation du système et alimentaire devrait être au même niveau que celle qui a permis d’inscrire dans la loi l’objectif de neutralité climatique et de mettre en œuvre des mesures ambitieuses pour la transformation du système énergétique européen, comme la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035 ou le doublement de la baisse des allocations disponibles dans le système d’échange de quotas d’émissions. Au-delà de la régulation, de nombreux intervenants ont souligné l’importance de travailler à créer des coalitions d’acteurs à même de porter le changement réunissant des parties prenantes d’horizon diverses, scientifiques, organisations de la société civile, syndicats et entreprises qui souhaitent aller vers un modèle économique plus soutenable ; coalitions nécessaires pour que les États membres et les parlementaires continuent de soutenir des arbitrages politiques ambitieux en faveur du Pacte vert. 

La question de la mise en œuvre du Pacte vert a été mise en avant par de nombreux participants à la conférence Think 2030 car, derrière la négociation sur les règles et objectifs communs, une négociation sera nécessaire sur les moyens pour parvenir aux objectifs fixés. Face aux besoins d’investissements, il convient d’ouvrir dès à présent un débat européen sur le financement à long terme de REPowerEU et de préparer la place des politiques de durabilité dans le prochain budget de l’Union européenne qui devra être plus large. Il apparaît aussi important que la Commission européenne soit dotée de moyens suffisants et adéquats pour appuyer le travail des États membres. L’évaluation des plans stratégiques nationaux l’a montré, la Commission peut pousser les États membres à plus d’ambition et peut servir de lieu d’échanges de bonnes pratiques sur la manière de mettre en œuvre les politiques de transition nationales à l’échelle des secteurs. Dans ce cadre, l’évaluation des politiques publiques demande à être renforcée, pour pouvoir centrer le débat politique sur les éléments clés qui ont bloqué ou à l'inverse permis un effet de levier pour la transition. Le réseau Think Sustainable Europe peut soutenir le débat sur la performance des politiques publiques de durabilité en appui aux institutions de l’Union et aux présidences du Conseil de l’Union européenne.

Enfin, les échanges ont également pointé la nécessité de compléter et d’approfondir les politiques du Pacte vert principalement sur deux volets. D’abord dans leur dimension interne, pour mieux prendre en compte leurs impacts sociaux des politiques de transition. Il est ainsi important d’apporter des solutions pour les citoyens les plus vulnérables et la classe moyenne européenne via un renforcement de l’action de l’État pour une offre de services de mobilité, énergétiques et alimentaires durables et abordables. Également dans leurs dimensions externes, les transformations menées par les pays européens sur le plan domestique ayant nécessairement des conséquences sur les partenaires extérieurs de l’UE. Redéfinir avec eux les termes de l’échange et identifier les coopérations à renforcer et créer en lien avec les transformations du modèle économique européen et les défis globaux sont les conditions pour bâtir des relations de confiance nécessaire pour assurer la prospérité partagée et la sécurité de l’Union européenne.