Les cas de la Chine et de la Pologne -

Afin d'atteindre les objectifs d'émissions de l'UE d'ici à 2030, les Etats membres sont tenus d'opérer une profonde transformation vers une économie bas carbone. La Pologne fait face à des défis particuliers liés à sa forte dépendance au charbon domestique. Les efforts entrepris par d'autres économies fortement basées sur le charbon pour réduire les émissions -comme la Chine- pourraient fournir  de précieuses leçons desquelles s'inspirer.



Pour faire face aux menaces du changement climatique, l’UE s’est fixée des objectifs d’émissions ambitieux. Le cadre pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030 de l’UE exige que les Etats membres réduisent leurs émissions de GES d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, en élevant la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie à au moins 27 % et en augmentant les économies d’énergie de 27 % par rapport au scénario de maintien du statu quo. Tous les pays de l’UE devront déployer des efforts considérables afin de réussir la transition vers une économie sobre en carbone, tout en maintenant une croissance économique soutenue.

Dans ce contexte, la Pologne est confrontée à des défis spécifiques pour répondre aux obligations de l’UE en raison de sa forte dépendance vis-à-vis du charbon domestique. On peut s’interroger sur les efforts entrepris par d’autres économies à forte intensité de charbon, sur la façon dont la Pologne se compare à ces pays, et sur les enseignements pouvant être tirés de leurs expériences.


La Pologne fait partie des économies de l’UE les moins efficaces en matière d’émissions, la prédominance du secteur énergétique étant le principal vecteur d’émissions, essentiellement en raison d’une forte dépendance au charbon. En 2013, la Pologne a contribué à 9 % des émissions totales de l’UE, se classant au cinquième rang des pays les plus émetteurs de l’UE28, après l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie. Le secteur énergétique polonais joue un rôle particulièrement important dans l’augmentation du niveau des émissions. En 2013, ce secteur a été responsable de 54 % des émissions polonaises totales de CO2 provenant de la combustion de combustibles (AIE), l’intensité carbone de l’électricité et de la chaleur s’élevant à 633 gCO2 par kWh produit (deuxième plus importante de l’UE28 après l’Estonie en 2013).


La grande dépendance envers les combustibles fossiles et en particulier le charbon pour la production d’électricité est le moteur principal de la forte intensité carbone de l’électricité polonaise. En 2013, la part des combustibles fossiles dans la production d’électricité représentait 89 %, un niveau bien supérieur à celui des Etats membres de l’UE28 qui s’élevait à 45 %. A lui seul, le charbon représente environ 85 % de la production d’électricité de la Pologne, cette part du charbon étant de 28 % dans la production d’électricité de l’UE28.

La forte dépendance au charbon pour la production d’électricité fait de la Pologne l’un des plus gros consommateurs de charbon dans le monde. En 2013, la Pologne se situait au neuvième rang mondial pour la consommation de charbon, 87 % de la consommation totale de charbon polonais étant utilisé dans le secteur énergétique. En termes de consommation de charbon par habitant, la Pologne occupe le troisième rang mondial après l’Australie et l’Afrique du Sud.



Figure 1. Consommation de charbon et de lignite, dix premiers pays, 2013oal and lignite consumption, top-ten countries, 2013


graphique consommation charbon et lignite

Source: Calculs personnels d’après Enerdata et la Banque Mondiale.



Au cours des 15 dernières années, l’intensité carbone de l’électricité a diminué dans de nombreux pays grands consommateurs de charbon. En Pologne, cette tendance est principalement due à un remplacement d’une faible quantité de charbon par la biomasse, le gaz et l’éolien dans le mix électrique, tandis qu’en Chine, la part du gaz et de l’éolien a augmenté en même temps que l’introduction de l’énergie nucléaire pour la production d’électricité, ce qui explique le taux d’amélioration relativement élevé de l’intensité carbone de l’électricité.



Figure 2. Intensité carbone de l’électricité des dix premiers pays consommateurs de charbon, variation entre 2000 et 2014


graphique Intensité carbone de l’électricité

Source: Calculs personnels d’après Enerdata



Comme en Pologne, l’intensité carbone de la production d’électricité et de chaleur en Chine est très forte, s’élevant à 679 gCO2/kWh en 2013, et le secteur électrique est largement dominé par l’utilisation du charbon, qui représentait environ 75 % en 2013. En juin 2015, la Chine a présenté son INDC[1], dans lequel le pays s’engage à réduire l’intensité carbone de son PIB de 60 % à 65 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005, à augmenter la part de l’énergie primaire non fossile à 20 %, à atteindre son pic d’émissions de CO2 d’ici 2030 ou plus tôt et à augmenter son stock forestier.


L’analyse effectuée dans le cadre du projet MILES (sur le développement énergétique futur et les trajectoires d’émissions de carbone dans cinq grands pays émetteurs) montre que la réalisation des objectifs de l’INDC en Chine pourrait entraîner une chute spectaculaire de l’intensité carbone de l’électricité, à hauteur de 40 % entre 2010 et 2030, tout en assurant une augmentation simultanée de la production d’électricité, qui devrait plus que doubler entre 2010 et 2030, passant de 4 193 TWh en 2010 à 9 405 TWh en 2030. L’augmentation de la production d’électricité est une condition nécessaire pour répondre à la demande croissante en énergie tirée par l’expansion de la population, qui devrait atteindre son pic vers 2030, ainsi qu’à la croissance économique rapide.



Figure 3. Production d’électricité par combustible electricity generation by fuel

graph production électricité par combustible

Source: Calculs personnels d’après Enerdata pour l’UE et la Pologne; et projet MILES pour la Chine.



La transition du secteur énergétique en Chine est rendue possible grâce à une réduction de la part des combustibles fossiles sans CSC, réduite à 56 % en 2030, accompagnée d’une augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production totale d’électricité à hauteur de 32 % en 2030, à laquelle s’ajoute une contribution de 11 % de l’énergie nucléaire dans la production totale d’électricité.

La décarbonation du secteur énergétique semble être une condition décisive car, selon le rapport MILES, le taux d’électrification de la Chine passera de 18 % en 2010 à 21 % en 2030 et l’électricité deviendra une source d’énergie majeure dans la consommation énergétique finale. Selon les auteurs du rapport, la forte pénétration des combustibles non fossiles dans le secteur énergétique chinois en 2030 sera rendue possible par des politiques et des mesures continues de soutien, notamment des efforts visant à réduire le coût des combustibles non fossiles, la priorité accordée aux centrales non fossiles nouvellement construites, ou encore les tarifs de rachat pour les centrales utilisant l’énergie renouvelable.

Le scénario de l’INDC chinois démontre qu’il est possible de réaliser la transition d’un secteur électrique très dépendant des combustibles fossiles, en particulier du charbon, vers un secteur énergétique bas carbone. L’analyse effectuée dans le cadre du projet MILES montre que cette transition peut suivre différentes stratégies de décarbonation en fonction des spécificités de chaque pays. Dans le cas de la Chine, le scénario de transition repose principalement sur le déploiement des énergies renouvelables et du nucléaire. Pour la Pologne, les stratégies possibles de décarbonation (par exemple le développement du nucléaire, le déploiement des sources d’énergie renouvelable [SER], l’importation de gaz naturel) devront tenir compte des spécificités du système économique et énergétique polonais, dans lequel la sécurité énergétique jouera un rôle essentiel. En outre, l’exemple chinois montre aussi que la transition est possible dans le contexte d’une économie en pleine croissance caractérisée par une augmentation de la demande énergétique. Cet aspect est essentiel pour un pays comme la Pologne qui aspire à développer son économie et à rattraper les pays à revenu élevé.



[1] En préparation de la Conférence des Parties (COP21) de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), tenue à Paris en décembre 2015, les pays ont convenu de présenter publiquement les mesures climatiques qu’ils avaient l’intention de prendre après 2020 dans le cadre d'un nouvel accord international, appelées Contributions prévues déterminées au niveau national (INDC).