Que devrait-il se passer lors des négociations de Bonn (15-26 juin)1 pour que la COP 30 marque un point d'inflexion majeur dans le processus climatique de l'ONU ? Alors que le Brésil se prépare à accueillir la COP 30 à Belém (10-21 novembre)2, les discussions de Bonn constituent une opportunité importante de jeter les bases d'une phase plus transformationnelle et axée sur la mise en œuvre de l'Accord de Paris sur le climat. Alors que la confiance dans la coopération multilatérale sur le climat est mise à rude épreuve et que le contexte géopolitique est de plus en plus défavorable, les négociateurs devront rétablir la confiance, définir des orientations claires pour l'Objectif mondial sur l'adaptation, la transition juste et le Bilan mondial, et façonner la vision politique pour la COP 30. Ce billet de blog explore les enjeux des négociations à venir et ce qu'il faut en attendre.

Les négociations de Bonn de cette année constituent une étape cruciale pour faire de la COP 30 de Belém un véritable jalon dans le processus de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cette année marque en effet le 10e anniversaire de l'Accord de Paris sur le climat, une échéance clé dans la mise en œuvre de ce traité international, qui a finalisé son règlement (rulebook) et son programme de négociations techniques. La COP 30 devra prendre note et analyser la nouvelle série de contributions déterminées au niveau national (CDN, NDCs en anglais), à mi-chemin de la décennie d'action décisive (2020-2030) visant à maintenir l'augmentation de la température à 1,5 °C. Elle devra le faire dans un contexte et au cours d'une année particulièrement difficiles, marqués par des défis géopolitiques majeurs qui sapent actuellement les efforts multilatéraux, en particulier ceux visant à lutter collectivement contre le changement climatique. D’ailleurs, il s'agira de la première réunion internationale sur le climat après l'annonce des États-Unis de se retirer de l'Accord de Paris3.

Le Brésil, sommé de tenir ces promesses, est bien placé pour le faire. Le président Lula a cherché à se positionner comme un leader en matière de climat, il jouit de la confiance de nombreux pays émergents et en développement, et est considéré comme un défenseur du multilatéralisme et un acteur clé au sein des BRICS. Fort de cette crédibilité, le Brésil intensifie ses efforts diplomatiques en vue de la COP 30.

L'Accord de Paris est également sous surveillance. Des négociateurs expérimentés de la CCNUCC aux citoyens, une réflexion sur ce qu’il a rendu possible – et ce qu'il n'a pas rendu possible – au cours des dix dernières années est nécessaire pour éclairer les actions nécessaires au sein et en dehors du système de la CCNUCC pour l'avenir de la coopération climatique. Dans ce cadre, l'Iddri développera dans les semaines et mois à venir un diagnostic à deux niveaux : un diagnostic de l'accord par rapport aux attentes et critères décrits dans les publications de l'Iddri de 2015 ; et un état des lieux de la situation des pays en matière d'ambition et de politiques climatiques. 

Ayant conscience du climat de méfiance généré par les résultats de la dernière COP 29 – en particulier sur le Nouvel Objectif collectif quantifié sur les finances (NCQG), jugé insuffisant par de nombreux pays en développement (Iddri, 2024) –, la présidence brésilienne souhaite rétablir la confiance, l'empathie et la solidarité, déclarant que « la crédibilité de notre processus multilatéral est entre les mains des négociateurs à Bonn »4

Ces dernières années, les négociations de Bonn ont été confrontées à des défis persistants, notamment des différends prolongés sur l'ordre du jour et des blocages fréquents. Dans le contexte géopolitique difficile actuel, surmonter ces obstacles procéduraux et rétablir la confiance constitueraient des progrès significatifs sur de nombreux points de l'ordre du jour. Si les Parties parviennent à s'entendre sur un texte, il s'agira d'une avancée significative dépassant les attentes initiales.

Contrairement aux sessions précédentes, la présidence souhaite que les négociations de Bonn commencent par un « jour zéro » de conversations informelles sur trois points. Premièrement, les indicateurs de l'Objectif global d'adaptation dans le cadre du programme de travail EAU-Belém (Iddri, 2024), susceptibles de progresser avec moins d'obstacles ; deuxièmement, le dialogue EAU sur la mise en œuvre des résultats du Bilan mondial (GST en anglais) (Iddri, 2024), qui pourrait faire face à des difficultés persistantes ; et troisièmement, le Programme de travail des Émirats arabes unis sur la transition juste (JTWP en anglais), qui émerge comme un espace critique pour une attention renouvelée et des propositions concrètes (Iddri, 2024). Enfin, Bonn doit commencer à planifier le contenu et le format du résultat politique de la COP 30, notamment l’analyse des NDCs (Iddri, 2025) et ce qui pourra contribuer aux réformes de gouvernance nécessaires.

Objectif mondial d'adaptation : conclure un processus technique et assurer l'engagement politique

En matière d'adaptation, la COP 30 devrait conclure le programme de travail biennal EAU-Belém sur les indicateurs de l'Objectif mondial d'adaptation. Ce serait la fin d'un processus pluriannuel visant à préciser cet objectif afin de faciliter l'examen des progrès accomplis, comme le prévoit l'article 7.14 de l'Accord de Paris. Lors de la COP 28 à Dubaï, le Cadre des EAU pour la résilience climatique mondiale a été établi pour soutenir la mise en œuvre de l'objectif, ce qui a donné lieu à ce deuxième programme de travail visant à élaborer des indicateurs pour suivre les progrès accomplis. Les experts chargés de proposer un ensemble de 100 indicateurs ont élaboré une liste consolidée de 490, basée sur les 11 objectifs thématiques et dimensionnels de l'Objectif mondial d’adaptation, mais ne sont pas parvenus à la réduire davantage. Ils attendent maintenant de nouvelles orientations de la part des négociateurs pour pouvoir conclure leur travail, en particulier sur des questions politiques non résolues, telles que l’inclusion ou non des indicateurs sur les moyens de mise en œuvre, y compris financiers, fournis par les Parties pour soutenir les efforts d'adaptation et leur efficacité.

La conclusion de ce programme de travail sera également l'occasion de réaffirmer la valeur des approches alternatives, en particulier pour la prise en compte des informations qualitatives (mentionnées dans le texte de la décision relative à l’Objectif global d’adaptation, Décision 2/CMA.5), qui peuvent être développées à l'échelle nationale pour les systèmes de suivi, d'évaluation et d'apprentissage afin d'alimenter les indicateurs et de faire le lien avec les échelles infranationales (Iddri, 2023). Pour une COP axée sur la mise en œuvre, la création d'incitations et de processus qui facilitent l'engagement local et les systèmes de connaissances et d'apprentissage locaux est en soi un signe fort. Pour y parvenir, Bonn devra créer une adhésion politique à l'adoption par les Parties de l’Objectif mondial d’adaptation et de ses indicateurs, afin de s'assurer qu'ils nourrissent les politiques nationales et infranationales et se connectent aux processus de planification, de mise en œuvre et d'évaluation.

Programme de travail sur la transition juste : combler le fossé entre les différentes compréhensions de la transition juste

Le programme de travail sur la transition juste (JTWP en anglais) est un point essentiel qui a été reporté lors de la COP 29 en raison de tensions entre les pays développés et les pays en développement quant à leur compréhension de la transition juste. Les délégations des pays développés mettent principalement l'accent sur les emplois, les droits sociaux et la participation inclusive, tandis que les pays en développement plaident pour une approche plus large et plus inclusive, ancrée dans les principes d'équité et de responsabilités communes mais différenciées de la CCNUCC1, dans un objectif final de justice climatique. Cette perspective appelle à l'équité, non pas comme un supplément à la mise en œuvre de la transition, mais comme une condition nécessaire pour permettre l'action, dans un contexte d’inégalités au sein et entre les pays.

Des désaccords portent également sur les modalités du JTWP (détail des procédures, méthodes et dispositions) dans la poursuite des discussions sur la transition juste. Pendant la COP 29, plusieurs Parties ont demandé que le JTWP produise davantage de « résultats concrets », appels motivés par divers objectifs, notamment le souhait d'élargir le rôle et les activités du programme de travail, et la volonté d'adopter une approche plus structurée comprenant des échéances et des résultats clairs6.

Adopter une perspective de coopération internationale lorsqu'on examine la question de la transition juste pourrait permettre de faire la synthèse de ce points de vue divergents ; c’est un sujet que la présidence de la COP 30 a approuvé dans le contexte de la feuille de route pour la Mission 1.57 (Iddri, 2024). Une transition juste doit refléter le contexte unique de chaque pays, en équilibrant les priorités de développement et la souveraineté nationale. Cependant, elle doit également reconnaître l'interconnexion mondiale des défis socio-économiques et climatiques et, par conséquent, la nécessité d'une coopération multilatérale pour aligner les actions nationales sur les engagements internationaux, gérer les impacts transfrontaliers et garantir des résultats équitables dans la transition à l’échelle mondiale.

Dialogue des Émirats arabes unis sur la mise en œuvre du bilan mondial : comment passer des discussions multilatérales à la mise en œuvre sur le terrain ? 

Après la COP 29 où elles n'étaient pas parvenues à un accord, les Parties reprendront également les discussions sur la mise en œuvre du GST. Comme le prévoit l'Accord de Paris, les résultats du GST doivent servir de base aux NDCs et au renforcement de la coopération internationale. Le nouveau cycle de NDCs devant être achevé d'ici la COP30, la question sera de savoir comment ces résultats ont été pris en compte, un sujet qui sera également débattu lors des négociations officielles au cours du deuxième dialogue annuel du GST sur les NDCs8.

L'élaboration et la mise en œuvre des NDCs relevant de la politique nationale, et les Parties évaluant pour la première fois la capacité du GST à rehausser l'ambition collective des pays, le rôle de la COP dans une mise en œuvre plus ambitieuse sera difficile à définir pour les négociateurs. Certains considèrent les résultats du Dialogue des EUA comme une occasion de suivre les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs mondiaux du GST et de mieux comprendre les contributions individuelles des pays par le biais des NDCs ; d'autres considèrent ces résultats comme une atteinte potentielle à la souveraineté nationale. Dans un cas comme dans l'autre, la mise en œuvre du GST devra trouver son chemin au-delà du dialogue actuel, en assurant des liens solides avec des acteurs clés en dehors de la CCNUCC qui peuvent soutenir les efforts de mise en œuvre.

Définir les éléments clés du résultat politique de la COP 30

À Bonn, la présidence devrait également inciter les Parties à définir les résultats politiques de la COP 30 sous la forme d'une déclaration de leaders politiques, d'une décision formelle de la COP, d'éléments de l’Agenda de l’action, ou d'une combinaison des trois. 

Des éléments clés se dessinent à cet effet. 

  • Premièrement, la réponse de la COP 30 à l'effort collectif en matière d’ambition climatique, tel qu'estimé à partir des nouvelles NDCs. Cela aura des conséquences sur la voie à suivre en matière de mesures d'atténuation et de soutien à l’action, ainsi que sur la capacité à s'adapter, à anticiper et à se préparer aux points de basculement et potentiels effondrements des systèmes dus au changement climatique. Cette question est discutée dans le cadre de la proposition du président Lula relative à un « Conseil du changement climatique »9.

  • Deuxièmement, le résultat politique peut aussi inclure des mesures pour renforcer le processus multilatéral et améliorer les synergies avec d'autres forums internationaux, comme les autres conventions de Rio. 

  • Troisièmement, il peut tirer parti des synergies entre une action climatique ambitieuse et le développement durable (cf. les Objectifs de développement durable dans le cadre de l'agenda 2030)10, une occasion de consolider la vision de la résilience, de la prospérité partagée et de la transition juste.