Au cours des derniers mois, les États membres de l'ONU ont procédé à une revue du format et des aspects organisationnels du Forum politique de haut niveau (ci-après HLPF). En 2020, l'Iddri avait publié des propositions visant à utiliser cette revue comme un moyen de rehausser l'ambition de ce forum, son large mandat lui conférant le potentiel de devenir une institution pivot pour l'action en faveur du développement durable au niveau mondial. Le 25 juin dernier, l'Assemblée générale des Nations unies a conclu ce processus de revue en adoptant le projet de résolution A/75/L.1021 . Ses dispositions prendront effet à partir des préparatifs de la session de juillet 2022 du HLPF. Ce billet de blog évalue les résultats de cette revue et comment ils pourraient être utile au futur Cadre mondial sur la biodiversité pour l’après-2020.

Le HLPF en tant qu'institution de coordination multithématique

La résolution rappelle le large mandat du HLPF, censé (1) fournir des orientations politiques, un suivi et un examen, et un agenda orienté vers l'action, (2) traiter les questions émergentes et, surtout, (3) renforcer l'intégration des dimensions environnementale, sociale et économique du développement durable. Comme souligné dans notre Policy Brief, la plus grande valeur ajoutée du HLPF pourrait résider dans ce rôle d'intégration et de coordination, bien que dans le passé il ne se soit pas beaucoup concentré sur ce rôle, prenant plus au sérieux son mandat de suivi et d'examen. En 2022, les ODD 14 (vie aquatique) et 15 (vie terrestre) seront examinés, ainsi que les ODD 4 (éducation de qualité), 5 (égalité entre les sexes) et 17 (partenariats pour la réalisation des objectifs). Le nouveau cadre mondial sur la biodiversité devant être adopté lors de la COP 15 de la Convention des Nations unies sur la biodiversité (CDB) en 2021 ou 2022, le prochain cycle ECOSOC (Conseil économique et social)-HLPF pourrait donc constituer un test critique pour une meilleure exécution du mandat de coordination du HLPF. Pourquoi ? 

Les décisions prises dans le cadre de la CDB ont abordé à plusieurs reprises les facteurs socio-économiques sous-jacents de la perte de biodiversité, mais bon nombre des questions connexes (souvent sectorielles, par exemple dans le domaine de l'agriculture) sont pour la plupart régies et négociées dans d'autres enceintes. Il serait donc crucial que la CDB puisse demander une coordination avec d'autres entités des Nations unies traitant de questions socio-économiques telles que l'agriculture ou les infrastructures. Le HLPF pourrait-il être le lieu d'une telle coordination ? La révision de l'ODD 15 en 2022 pourrait-elle être organisée sous la forme d'un dialogue entre la CDB, la FAO (agriculture) et l'ONUDI (développement), par exemple ? Le HLPF pourrait-il inviter les agences et processus concernés des Nations unies, y compris la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce, à préparer des plans d'action spécifiques avec la CDB, afin de contribuer à la mise en œuvre du cadre stratégique post-2020, dans le contexte de la réalisation globale de l'Agenda 2030 pour le développement durable ? Le récent rapport publié par le Groupe de gestion des Nations unies pour l'environnement2  a suggéré que le HLPF pourrait aider les États membres à organiser une telle coordination. Ces initiatives ou plans d'action devraient alors porter à la fois sur l'agriculture, les infrastructures, l'urbanisation, le tourisme, les transports, la sylviculture, la pêche et l'énergie dans leur interrelation avec la biodiversité. 

La résolution n'ouvre pas clairement de telles options, mais elle ne les ferme pas non plus. Tout dépendra donc de la manière dont les pays, les agences des Nations unies et la société civile utiliseront le langage de la résolution. 

Tirer profit du cycle du Conseil économique et social de l’ONU

La revue du HLPF a eu lieu en même temps que celle du Conseil économique et social des Nations unies, l'ECOSOC, organe sous les auspices duquel se tient la session annuelle du HLPF. Si les partisans du Cadre mondial sur la biodiversité pour l’après-2020 veulent inscrire les questions de coordination à l'ordre du jour mondial, il semble stratégique de considérer le cycle de l'ECOSOC dans son ensemble, qui commence par un nouveau segment de coordination en février et se termine par le HLPF en juillet.

Le projet de résolution A/75/L.102 stipule que l'ECOSOC devrait « promouvoir un suivi et une mise en œuvre coordonnés de l'Agenda 2030 dans son intégralité et des résultats des autres grandes conférences et sommets des Nations Unies dans les domaines économique, social, environnemental et connexes ». Bien que les paragraphes concernant le HLPF dans la résolution se concentrent principalement sur le renforcement d'un examen volontaire et dirigé par les pays des progrès réalisés en matière d'ODD, l'ECOSOC devrait fournir à la fois des orientations politiques sur le suivi et l'opérationnalisation de la déclaration ministérielle du HLPF et sur les conclusions des examens nationaux thématiques et volontaires.

Un jalon importante du cycle de l'ECOSOC sera le rapport du Secrétaire général remis à l’ECOSOC sur les enseignements tirés du HLPF de juillet, avec des « recommandations sur le suivi, par les pays, les différents segments et forums du Conseil, le système des Nations unies et les parties prenantes concernées ».

Le segment de coordination, qui se tiendra chaque année en février en même temps qu'un forum de partenariat, sera l'occasion de traiter des questions de coordination émanant de différents organes des Nations unies, au-delà des organes subsidiaires de l'ECOSOC principalement concernés. Le rôle de pilotage de l'ECOSOC et du HLPF dans le cadre de la Décennie d'action pour le développement durable est également important, puisque devraient y être traitées « des questions de coordination émanant du travail des organes subsidiaires et des activités politiques et normatives des institutions spécialisées et d'autres entités du système des Nations Unies » et des recommandations identifiées pour les traiter.

Explorer les liens entre ODD

Concernant les revues thématiques du HLPF qui, comme souligné dans notre Policy Brief, ont été organisés dans une approche en silos ajoutant peu de valeur ajoutée aux discussions sectorielles existantes, le HLPF devrait trouver un équilibre entre d’une part une plus grande attention aux liens entre les objectifs et les cibles et d’autre part la garantie d'examens approfondis des ODD individuels. Il est donc possible d'orienter la manière dont ces revues sont opérées au cours des périodes de préparatifs du HLPF. L'option, nouvelle, d'aborder chaque année les domaines dans lesquels les mesures visant à atteindre les objectifs peuvent avoir « l'impact le plus important et le plus transformateur sur plusieurs objectifs et cibles, en s'appuyant sur une analyse politique et scientifique » illustre ce type d’orientation. De fait, le rôle accordé aux avis scientifiques lors du HLPF semble renforcé dans la nouvelle résolution, qui rappelle l’importance du Rapport mondial sur le développement durable, quadriennal et indépendant, et encourage à inviter chaque année les scientifiques qui préparent ce rapport à attirer l'attention sur des questions importantes. 

Une autre innovation dans la résolution qui pourrait être utile pour préparer un examen de l'ODD 15 ambitieux et orienté vers l'action en 2022 : le rapport statistique annuel du Secrétaire général sur les progrès des ODD devrait désormais explorer les liens entre les objectifs examinés cette année-là.

Dans l'ensemble, la résolution n'est pas révolutionnaire dans le sens où elle rappelle principalement ce que le HLPF fait déjà, à savoir fournir un forum mondial pour l'examen des progrès nationaux sur les ODD, objectif par objectif et sur une base volontaire. Il ne positionne pas directement le HLPF comme le « grand coordinateur » de la Décennie d'action, prenant en charge les arbitrages difficiles et les besoins de coopération entre les différents secteurs. Mais son langage, s'il est interprété de manière ambitieuse, permet d'explorer ce potentiel. La force de cette révision dépendra donc principalement de la manière dont les différentes entités des Nations unies, les pays et les autres acteurs utiliseront les prochains cycles ECOSOC/HLPF pour aborder réellement les questions de coordination et la nécessité d'une action intersectorielle.