L’Accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, fixe un cadre de travail pour l’action climatique internationale. Même si son succès sera in fine évalué sur sa mise en œuvre et le renforcement des engagements adoptés, l’Accord de Paris a été élevé, à juste titre, au rang d’événement historique majeur dans la collaboration internationale sur le changement climatique.

L’Iddri s’est fortement impliqué dans la préparation intellectuelle ayant précédé la COP21. Tout au long de 2014 et 2015, l’Iddri a publié sept publications qui ont exploré les domaines essentiels de la négociation (à savoir l’atténuation, l’adaptation, le financement, la transparence, la forme juridique) et a proposé des moyens de traiter ces questions de façon à parvenir à un accord ambitieux. Ces publications ont été largement diffusées auprès des négociateurs et ont servi de base pour plusieurs des douze dialogues entre négociateurs et experts organisés par l’Iddri au cours des deux dernières années. En outre, l’Iddri a publié plus de 10 papiers sur des questions connexes importantes, notamment une analyse des contributions déterminées au niveau national (INDC), une analyse des trajectoires de décarbonation profonde à long terme dans le cadre du projet DDPP, et un article scientifique sur les liens étroits entre climat et océans.

Ce billet détaille où et comment le travail de l’Iddri a été influent dans l’élaboration de l’Accord de Paris.

Ambition

Les deux publications écrites conjointement par l’Iddri et le think tank chinois sur le changement climatique NCSC (National Center for Climate Strategy and International Cooperation) en 2014 et 2015 se sont avérées avoir une grande influence dans l’élaboration d’un certain nombre d’éléments d’atténuation essentiels de l’Accord de Paris :

  • Cycles de contributions : L’accord oblige les pays à communiquer une NDC tous les cinq ans, étendue dans le temps et en termes d’ambition. Au moment où l’idée de cycles réguliers et coordonnés de nouvelles contributions était encore controversée pour de nombreux pays majeurs, les publications Iddri-NCSC ont servi de base pour qu’un accord soit trouvé sur cette partie fondamentale de l’Accord de Paris. Le papier commun de 2015 avait développé plus en détail la façon dont ce nouveau concept de « cycles » pouvait fonctionner dans l’Accord, notamment en faisant valoir l’importance d’une date de début précoce (2020), de calendriers coordonnés, collectifs et prévisibles pour la révision, et de la détermination nationale des NDC suivantes. Avec le temps, la notion de cycles a obtenu de plus en plus de soutien dans les négociations, et les réticences de quelques grands pays ont pu être surmontées pendant la COP21, permettant aux cycles d’entrer dans la version finale du texte de l’accord.
     
  • Trajectoires de décarbonation profonde et objectifs à long terme : L’accord fixe un objectif d’atténuation à long terme ambitieux (voir ci-dessous) et invite tous les pays à formuler et communiquer des stratégies à faibles émissions à l’horizon 2050 ou au-delà. Ce concept a gagné une grande crédibilité grâce au projet Deep Decarbonization Pathways, une collaboration continue entre équipes de recherche au niveau mondial co-coordonnée par l’Iddri qui développe et analyse les stratégies à faibles émissions nationales à long terme. Le projet a démontré la faisabilité de la décarbonation profonde, a contribué au soutien d’INDC ambitieuses, et a jeté les bases pour que l’Accord de Paris reconnaisse qu’il est essentiel que l’action soit orientée par les trajectoires à long terme (voir ci-dessous). De façon plus générale, l’objectif de ce projet est d’aider les gouvernements, les entreprises et la société civile à mieux comprendre la profondeur, la nature et la faisabilité des transformations nécessaires pour atteindre l’objectif de 2 °C. Le concept de décarbonation profonde a été repris dans plusieurs déclarations internationales, notamment les déclarations États-Unis-Chine, la déclaration France-Chine, la déclaration du G7, et la déclaration Brésil-Allemagne, et a contribué à ouvrir la voie à un consensus sur la nécessité d’une transformation profonde, comme en témoigne l’objectif à long terme de zéro émission nette de l’Accord de Paris.
     
  • Bilan mondial : L’Accord de Paris met en place un bilan mondial périodique tous les 5 ans afin d’évaluer les progrès collectifs dans la réalisation des objectifs de l’accord, devant éclairer l’établissement des NDC ultérieures. Le document Iddri-NCSC de 2015 avait analysé la forme que devait prendre un tel bilan mondial. Il avait notamment démontré pourquoi cet examen doit évaluer l’ambition mondiale collective, plutôt que les actions ou l’absence d’action de chaque pays. Cet élément a joué un rôle clé pour apaiser les pays qui considéraient que les cycles et les examens pouvaient porter atteinte à leur souveraineté nationale, et a donc permis d’obtenir l’appui de pays qui y auraient autrement été opposés.
     
  • L’objectif de zéro émission nette à long terme : L’accord rend opérationnel l’objectif de 2 °C en affichant le but d’obtenir le plafonnement des émissions dès que possible et d’atteindre zéro émission nette dans la seconde moitié du 21e siècle. A la veille de la Conférence de Paris, les organisations de la société civile avaient fait activement campagne pour l’objectif de zéro émission, lui permettant de trouver sa place dans l’accord de la COP21. Un papier publié par l’Iddri en 2013 rédigé par les auteurs invités Farhana Yamin et al. a été le premier à plaider pour un objectif de zéro émission nette dans l’Accord de Paris et à en expliquer le fondement.

Adaptation

Plusieurs éléments de l’article sur l’adaptation de l’accord ont été influencés par des publications de l’Iddri de 2014 et 2015 sur ce sujet :

  • L’objectif d’adaptation mondial visant à améliorer les capacités d’adaptation et à favoriser la résilience. Les publications de l’Iddri sur l’adaptation ont été parmi les premiers à proposer une formulation concrète de cet objectif et à le justifier en détail.
     
  • Participation aux processus de planification de l’adaptation : Les publications de l’Iddri avaient défendu l’idée qu’il était important que tous les pays entreprennent la planification de l’adaptation. L’accord établit que les pays doivent s’engager dans une telle planification, notamment en présentant périodiquement une communication sur l’adaptation, et les invite au suivi, à l’évaluation et à en tirer des enseignements.
     
  • Élaboration d’un cadre global pour évaluer les efforts d’adaptation : Les papiers publiés par l’Iddri en 2014 et 2015 ont fait valoir qu’une plus grande attention devait être accordée à l’analyse et la reconnaissance des progrès réalisés en matière d’adaptation. L’Article 7.3 engage la CCNUCC à repérer et à reconnaître les efforts d’adaptation des pays en développement, et l’article 7.14 précise que l’adaptation doit figurer dans le bilan mondial mentionné plus haut.

Transparence

Les publications de l’Iddri sur la transparence ont profondément influencé plusieurs des dispositions clés en matière de transparence adoptées dans l’Accord de Paris, notamment :

  • La reconnaissance de l’importance fondamentale de la transparence non seulement pour que les pays restent redevables les uns par rapport aux autres, mais aussi pour instaurer une confiance mutuelle : Les publications de l’Iddri ont décrit en détail la façon dont un système de transparence bien construit pouvait donner confiance aux pays en leur démontrant que l’action collective en matière de climat était en cours, permettant ainsi d’élever l’ambition au fil du temps.
     
  • La définition du rôle principal du système de transparence consistant à suivre les progrès des pays dans la réalisation de leurs NDC : Les publications de l’Iddri ont justifié en détail la raison pour laquelle le système de transparence devait aller au-delà d’une simple surveillance de l’évolution des émissions, et devait suivre les progrès des pays dans la mise en œuvre de leurs engagements. Cela implique qu’il est important que les pays fournissent des informations sur les politiques qu’ils mettent en place pour respecter leurs engagements, ainsi que des données sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de leur contribution.

La création d’un système de transparence homogène doté d’une flexibilité intrinsèque : Le papier de l’Iddri a été le premier à fournir une argumentation détaillée expliquant pourquoi un cadre commun de transparence, reconnaissant néanmoins les différents points de départ des pays, représentait le meilleur fondement pour la construction d’un système de transparence qui oblige tous les pays à rendre des comptes d’une manière équitable. En se basant sur une évaluation du système actuel de transparence de la CCNUCC, cette étude présentait de façon détaillée comment il était possible de construire un système homogène mais flexible qui soit efficace et équitable à partir de l’expérience du double système de transparence actuel (pays développés/en développement). Cet exposé détaillé s’est avéré très utile pour donner aux négociateurs une vision de ce que pourrait être la transition vers un système unifié.

Financement

Le papier de l’Iddri sur le financement du climat dans les négociations a contribué à ouvrir la voie à trois éléments essentiels sur ce sujet dans l’accord :

  • Un objectif collectif de réorientation des flux d’investissements qui soit compatible avec l’objectif de 2 °C : Le papier a fait valoir que cet objectif devait apparaître dans le principal texte juridique afin de signaler la volonté politique à long terme de réorienter des milliers de milliards d’investissements dans cette direction.
     
  • Élargissement progressif de la base des donateurs de manière volontaire : Le papier de l’Iddri sur le financement du climat a fait valoir que pour refléter la réalité changeante de l’investissement public international, l’Accord de Paris devait progressivement inclure au cercle des contributeurs au financement international du climat les pays en développement capables de le faire. Les articles 9.1, 9.2 et 9.3 réaffirment le rôle moteur des pays développés en matière de financement du climat et invitent les pays en développement à contribuer à l’effort mondial visant à mobiliser les flux financiers nécessaires.

Ancrage des 100 milliards de dollars et accroissement régulier de l’ambition collective en matière de financement : Comme suggéré dans le papier de l’Iddri, l’Accord de Paris ancre l’objectif de 100 milliards de dollars comme un niveau plancher des efforts des pays développés à partir de 2020, et engage les pays à accepter un nouvel objectif collectif pour le financement du climat international en 2025, dans le cadre d’un effort mondial de mobilisation des flux financiers nécessaires.

Forme juridique

L’Accord de Paris intègre plusieurs options identifiées comme les plus souhaitables dans le papier de l’Iddri de 2014 sur les formes juridiques, notamment : une forme juridique hybride, des dispositions contraignantes pour mettre en œuvre et mettre à jour régulièrement les contributions nationales, le regroupement des NDC en dehors de l’accord, des dispositions robustes en matière de transparence, la responsabilisation et la facilitation, et un mécanisme de conformité couvrant les obligations procédurales.

Autres travaux de l’Iddri pertinents pour la COP21

En 2014 et 2015, l’Iddri a également produit de nombreuses publications sur d’autres sujets pertinents pour l’Accord de Paris : une analyse du changement de paradigme que constitue l’Accord de Paris par rapport au précédent mode de coopération internationale sur le changement climatique, des analyses des INDC, le lien étroit entre climat et océan, le débat sur la transition énergétique française, et les politiques climatiques et énergétiques de l’UE. Toutes les publications de l’Iddri liées au climat sont disponibles ici.